Chapitre 11

14 5 0
                                    

Jordan

«Quand il y a une attirance, il n'y a pas d'amitié.
Anonyme.
»

Une mèche de ses cheveux rouges tombe sur son visage. Je me force à ne pas la lui replacer, ce qui m'est presque insurmontable, tant la tentation de prendre son visage entre mes mains pour l'embrasser est forte.

«- Tu m'as dit que tu avais déjà était amoureux. Est-ce que tu as vraiment aimé quelqu'un passionnément ? Me demande-t-elle, le regard dans le vague. Genre vraiment amoureux.
- J'ai vécu une relation toxique avec une fille qui m'a récemment menacé de détruire ma vie si j'agissais contre sa volonté, je lui avoue.
- Dis-en moi plus.
- Tu ne me dis rien sur toi ! je lui reproche.
- Je préfère écouter les autres.
- Au début, je l'ai aimé parce qu'elle était inaccessible. Elle semblait être un coffre qui cachait un trésor, et je me demandais si je réussirais à le gagner. Et puis quand j'ai enfin réussi, elle n'était qu'un coffre remplit de terre.
- Les apparences sont trompeuses. Ce sont les personnes qui ont l'air les plus gentilles qui sont en vérité les plus cruelles.
- Et toi, tu as déjà été amoureuse ?»

Elle me regarde dans les yeux, puis détourne le regard, puis regarde la fenêtre, décidant enfin de prendre la parole.

«- Beaucoup de choses se sont passées l'année dernière. L'année de troisième a été la plus dure. Je ne serais pas prête à poser les mots sur tout ce que j'ai vécu, mais en terme d'amour....Je n'ai entretenu qu'une seule relation amoureuse. La relation la plus toxique et désastreuse de ma vie, dit-elle en marquant un arrêt de quelques secondes entre ses derniers mots, comme si leur son entraîne la lourdeur de ses mauvais souvenirs. Bryson était dans ma classe, et on a rapidement sympathisé. Il était drôle, charmeur, attentionné, et surtout, il semblait honnête. On a commencé à développer des sentiments l'un pour l'autre, c'est allé très vite. Trop vite...dit-elle en retenant une larme. On a pas eu le temps de réfléchir... Je ne savais pas dans quoi je m'étais engagé. On a commencé à sortir ensemble, et j'ai vécu deux semaines pleines de bonheur, des rires, d'amour. Je me suis fait influencée par les paroles qu'il m'a dites, toutes les belles choses qu'il a faites, qui n'avaient pour but que de m'attirer, pour m'utiliser et me jeter ensuite. Il a commencé petit à petit à devenir distant, à ne plus me montrer aucun signe d'affection. J'étais follement amoureuse de lui, je me disais qu'il redeviendrait comme avant, mais plus les jours passaient, et plus ça s'empirait. Il a commencé à me mentir, me rabaisser, critiquer mon apparence, me dire que je n'étais pas à la hauteur, que je n'étais pas à son goût...Toutes ces choses qui me détruisait chaque jour un peu plus.»

Cette fois, je sens qu'elle ne réussira pas à retenir ses larmes. Elle s'arrête quelques secondes, regardant vers le plafond, essayant de ne pas se noyer dans l'émotion.

«- Et quand il a commencé à être violent...J'étais tellement amoureuse pour le quitter. Je l'ai laisser faire, je me suis convaincue que ce n'était pas lui, qu'il était une bonne personne dans le fond. Mon corps souffrait de ses coups, mais pas plus que ce mon cœur endurait. Il me frappait lorsque je ne «l'obéissais pas», lorsque je le contrariais... ou lorsqu'il en avait simplement envie.»

Elle déverse des larmes silencieuses pendant quelques secondes. Même le silence est morose.
L'ouverture violente de la porte d'entrée casse ce silence. Elle se retourne vers moi, un air paniqué. Elle me fait signe de ne pas faire de bruit tandis que je la suis jusqu'à sa chambre où elle me désigne le lit pour que je m'y cache.

«- Tu rentres déjà ? j'entends Lilith demander.
- Il est 22 heures, je rentre tous les soirs à cette heure-ci. Lilith, t'as rangé ta chambre j'espère ?
- Elle n'était pas en désordre.
- Lilith tu écoute ton père et tu vas ranger ta chambre maintenant. Tu iras te coucher après, n'est-ce pas ? Tu as école demain ?
- On est vendredi.
- Tu arrêtes de répondre à ton père !»

J'entends la porte de la chambre s'ouvrir violement.

«- Tu peux sortir, dit-elle, sur un ton involontairement exaspéré.»

«- Tu n'es pas sensé ranger ? j'ose dire après être ressortis de ce lit poussiéreux.
- C'est compliqué, dit-elle en cherchant quelque chose sur sa fenêtre.
- Tout est compliqué. Et si tu m'expliquais tout ? je lui propose.
- Que veux-tu que je te dise ?
- Pourquoi était-il autant énervé sans raison ?
- Parce qu'il était bourré. Voilà, c'est dit.
- Ça arrive souvent ? Je demande après avoir instaurer un silence.
- Environ tous les soirs.»

Et merde, sa vie est vraiment compliquée.
Elle tourne la poignée de sa fenêtre avec un peu de difficulté avant d'y parvenir.

«- Voici ta sortie.
- Je pars ? je lui demande, un peu déçu.
- Tu n'as pas le choix.
- Prends soin de toi Lilith.»

Elle me remercie d'un regard reconnaissant, avant de me regarder sauter de la fenêtre. C'est une chance qu'elle habite au premier étage.

***

Je fête noël chez mes grands-parents, dans le sud de la France. Je donne deux bises à mes grands-parents, mon père m'imitant. Ma mère n'a pas pu venir, devant passer le week-end à l'hôpital. Elle sera déjà rentrée quand nous arriverons. Ma grand-mère nous pose tout un tas de questions sur ma mère sans prêter grande attention à mon père. Nous entamons le repas de noël avec des petits-fours surgelés. C'est la spécialité de ma grand-mère, ne pas cuisiner. Elle nous sert une dinde que mon père vient de cuire, avant de terminer par une buche glacée. C'est vraiment pas bon les buches glacées, il ne faut pas aimer les gâteaux pour apprécier ça. Après manger, nous allumons la télévision afin de regarder les programmes de noël. Lorsque ma grand-mère sent la fatigue arriver, elle propose d'ouvrir les cadeaux avant qu'on aille tous se coucher. Je déchire le papier cadeau en les découvrant uns à uns. Des vêtements et quelques bricoles, rien de surprenant. Est-ce que la magie de noël réside dans les cadeaux, ou l'esprit de noël ? Est-ce que c'est possible de se lasser de noël, une fête pourtant si prévisible ? Est-ce qu'on peut passer un bon noël, si l'intention n'y est pas ?

Quand nous rentrons, mon père passe faire des courses, et ma mère est en train de dormir sur le canapé. Je m'assois près d'elle. Elle semble troublée. Elle se tourne dans tous les sens, et marmonne quelques trucs incompréhensibles. Je pose une main sur son épaule pour l'apaiser mais elle se réveille en sursaut.

«- Charlène ! Charlène revient ! Ne part pas ! dit-elle en enlevant ma main.
- C'est moi maman !
- Reste avec moi ! continue-t-elle les yeux apeurés, dégoulinants de larmes.
- Je suis là, maman.
- Charlène revient !»

Les larmes coulent sur ses joues, mais je n'ose pas m'approcher pour les lui essuyer. Elle me repoussera sûrement. Je la laisse pleurer, c'est peut-être la meilleure chose à faire.

Je me repasse les images en boucle dans ma tête, après m'être enfermé dans ma chambre, et me noie dans mon chagrin.

--------------------------------------------------------------
Merci beaucoup d'avoir lu :)
Si vous appréciez, vous pouvez appuyer sur le bouton pour voter (l'étoile)

Always trust our feelingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant