Chapitre 17

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Jordan

«Le vrai tombeau des morts, c'est le cœur des vivants.
Jean-Cocteau.
»

«-Tu faisais quoi hier ?
- Pourquoi ?
- On est sorti toute la soirée avec quelques potes des autres classes ! Je t'ai envoyé un message mais tu n'as pas répondu.
- J'étais occupé.»

Il lève les yeux au ciel. J'ai passé la soirée avec Lilith. Je suis encore venue chez elle, ce qui commence à devenir une habitude. On a regardé un film, et j'ai vraiment cru que ça l'intéressait, mais elle s'est endormie devant.

Ava n'est même pas là en cours. Je ne savais pas qu'elle séchait, c'est nouveau. C'est plus vraiment mon problème, après tout.
On dirait qu'elle ne peut pas me laisser tranquille. Elle cherche à pourrir ma vie, ça l'occupe.
Elle était différente au début. Elle était gentille, honnête, douce, compréhensive, puis, progressivement, elle s'est montrée de plus en plus colérique sans raison. Elle trouvait la moindre excuse pour me prendre la tête. Et, c'est comme si elle ne m'avait jamais aimé. La rupture ne l'a jamais affecté, ce qui ne m'a pas laissé tant surpris que ça. Elle se fera toujours jolie, peut-être parfois pour les autres, parce que sa réputation en dépend. Parce qu'elle ne vit que pour les autres, pour la popularité. C'est lamentable.
Un papier posé sur ma table m'arrache à mes pensées. Je regarde le 18/20 écrit en rouge, et range la feuille dans mon sac, sans y prêter grande attention.
Quand je crois voir une chevelure rouge, je manque un battement, avant de me rendre compte qu'il s'agit de toute autre chose. Je soupire, Lilith est rentrée dans mon esprit, dans mon quotidien, et ce davantage depuis notre baiser. Elle représente le parfait mélange de douceur et d'impulsivité, de tristesse et d'amour. Je n'ai jamais rencontré une telle personne avant.
Je n'ai jamais rencontré une fille aussi brisée.
Quand les cours se terminent, Rowan m'attend devant le lycée. Il semble un poil triste.

«- Salut, me dit-il quand j'arrive.
- Ca va, Rowan ?
- Bof.
- C'est Lilith ? je demande, sachant que c'est la seule personne qui peut jouer sur son moral.
- Oui. Elle m'en veut.
- Les filles, les filles...ça va passer, ne t'inquiète pas.
- Notre relation est parfaite, pourtant, on dirait qu'elle cherche toujours un moyen de tout compliquer.
- Peut être que c'est parce qu'elle ne se retrouve pas dans cette relation.
- N'importe quoi, rétorque-t-il, peu convaincu par la vérité que je viens d'énoncer.»

Je lui propose d'essayer d'arranger les choses en appelant Lilith à venir. Ce n'est qu'un prétexte. J'ai juste tellement envie de la sentir près de moi. Je la convaincs de venir, en omettant la présence de Rowan.
Quand Lilith arrive, elle s'arrête au milieu du trottoir en remarquant Rowan. Elle semble déçue, et presque prête à rebrousser chemin. J'avance vers elle, mais Rowan me devance.

«- Lilith, je suis désolé, mais ce n'est pas de ma faute si Scarlett a des sentiments pour moi, dit-il.»

Elle reste muette. Son expression prouve qu'elle a des choses à dire, mais qu'elle sait que ça ne changera rien. J'aimerai pouvoir dire à Rowan de s'éloigner, mais il ne comprendra pas. Il ne sait pas qu'il n'y a que moi pour la rassurer, parce qu'après 6 mois de couple, il ne sait même pas comment s'y prendre. Elle a juste besoin de moi.

Son regard semble dire qu'elle est en détresse, qu'elle ne changera pas d'avis à propos de Rowan. On reste alors silencieux, attendant que quelqu'un fasse quelque chose. Elle semble toujours préoccupée, comme si autre chose la perturbait. Rowan s'éloigne, répondant à un appel sur son téléphone.

«- Tu vas bien ? je lui demande, une fois seuls.
- Oui, oui, dit-elle en tournant la tête vers moi, avant détourner le regard à nouveau vers le sol. »

Je me retourne, vérifiant que Rowan ne nous observe pas, et ce dernier me fait un signe indiquant qu'il s'en va. Je mets alors mes mains sur les épaules de Lilith. Je remarque ses cernes plus marquées que d'habitude.

«- Je le vois que tu ne vas pas bien. Inutile de me mentir.
- Je vais peut-être y aller, répond-t-elle.
- Tu ne vas nulle part sans m'avoir dit ce que qui ne va pas, dis-je en la retenant par le bras.»

Elle me regarde longuement, avant de commencer à marcher, en m'invitant à la suivre. Elle reste silencieuse, la tête baissée. Je m'inquiète lentement, me demandant ce qui peut bien la rendre si triste.
Arrivé chez elle, je me pose sur son canapé, et lui indique de s'asseoir avec moi.

«- Maintenant il faut que tu me dise ce qui ne va pas.
- Je ne peux pas, répond-t-elle, en s'asseyant.
- Tu n'as plus le choix.
- Pourquoi ?
- Parce que je me suis trop attaché à toi pour laisser quelqu'un te rendre triste.»

Elle me donne un regard profond avant de détourner la tête. Je la vois se mordre la lèvre, bouleversée. Elle respire, tout en paraissant anéantie.

«- Hé, ça va ? je lui demande. Tu peux te confier, je ne peux que t'aider.
- C'est trop tard.»

Des larmes semblent lentement recouvrir ses joues. Je me rapproche brusquement d'elle. Mes bras la recouvrent. Elle se laisse faire, ne montrant aucun signe de vie. Je la serre plus fort encore. Tant pis si je ne découvre pas ce qui la tracasse, tout ce que je veux, c'est de ne pas la voir dans cet état. Elle semble se détendre, peu à peu, dans mes bras, pendant que je lui caresse doucement les cheveux. Nous restons ainsi pendant de longues silencieuses minutes. Je joue avec sa main, remarquant au passage ses ongles rongés. Je caresse doucement sa main, comme pour adoucir sa peine.
Elle finit par rompre le silence :

«- Ruby. C'est le nom de ma meilleure amie. Je l'ai perdue l'année dernière, dit-elle, déclenchant une nouvelle coulée de larmes.
- Je suis désolé.
- Elle...elle était incroyable. Elle a toujours été là pour moi. Tout allait toujours bien quand elle était là, c'est après son départ que tout est devenu insurmontable.»

Elle fait durer un silence. Un silence pesant, triste, qui porte toutes les séquelles de son cœur.

«- On était allé au concert de notre chanteur préféré, et à la fin, on a eu l'idée d'essayer d'obtenir une photo avec lui. On s'est infiltré dans les coulisses, jusqu'à trouver la porte de sa loge. La porte n'était pas fermée à clé, nous nous sommes alors infiltrées à l'intérieur. Quelques minutes après, la porte s'est ouverte. Le chanteur semblait perturbé, mais lorsqu'on lui a demandé une photo, il a souri. Il m'a dit de sortir de la loge pendant qu'il prenait une photo avec ma meilleure amie, ce que j'ai trouvé étrange, mais que je n'ai pas contesté. Et...»

Elle semble pleurer de plus en plus, et les mots semblent sortir de plus en plus difficilement de sa bouche.

«- Elle n'est jamais ressortit de la loge, dit-elle. Il l'a incité à prendre de la drogue et elle a fait une overdose. C'est ce qu'a dit le médecin légiste. Je viens d'apprendre que le même chanteur va faire un concert dans notre lycée. Le simple fait de penser que ce tueur qui a gâché ma vie est serein, heureux et aimé, me fait pleurer. Quand il s'agit de célébrité, on leur épargne la prison.
- Tu ne vas pas aller à ce concert ? je lui demande.
- Non, bien sûr que non.»

Je l'invite à se blottir dans mes bras. Je dépose un baiser sur son front. Ses pleurs se calment. Je veux respecter son choix, mais mes pensées me poussent à poser cette question :

«- Ne voudrais-tu pas te venger ? je lui demande, la réveillant d'un coup.
- Comment ça ?
- Tu pourrais faire quelque chose qui montrerait à tout le monde qui est vraiment cet homme.
- C'est trop risqué. Il pourrait facilement m'ôter la vie.»

Je n'insiste pas plus, mais elle revient sur le sujet quelques minutes après :

«- Tu as raison. Je dois le faire. Pour elle.
- J'ai toujours raison, je réponds.»

Je regarde par la fenêtre. Un courant d'air rafraîchit la pièce. J'ai l'impression de réussir à la guérir petit à petit. Tout ce dont elle avait besoin, c'était qu'on lui montre qu'on tient à elle.


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Merci beaucoup d'avoir lu :)
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