Chapitre 23

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Lilith

«Ceux qui vivent, ce sont qui luttent
Victor Hugo

Je toque à la porte.

«- Entrez.»

La principale adjointe est derrière son bureau, en train de remplir des papiers.

«- Oui ? me dit-elle, impatiente.
- Je...Viens pour m'inscrire à...euh...
- Au concours de représentante des lycéennes ? me coupe-t-elle, voyant que j'ai du mal à m'exprimer.
- Oui.
- Signez juste ici.»

C'est à ce moment, où je prends le stylo entre mes doigts tremblotants, que je regrette ma décision.
Je ne suis pas faite pour parler devant tout le monde, comme au concert. C'est pas mon truc les concours. Je n'y arriverai pas.
Mais, trop tard, j'ai fait cette signature.
La cantinière me sert cette énorme part de purée verte dégueulasse. Je regarde d'un mauvais œil la substance qui doit sûrement tout droit sortir d'une usine industrielle. Ça doit être à peine comestible.
Un groupe de filles qui n'a l'habitude de trainer qu'entre elles, et dont l'idée de m'adresser la parole est habituellement inconcevable, m'approche.

«- Tu veux manger avec nous ? demande l'une d'elle, fermement.
- Euh, je...j'essaye de dire, montrant du doigt Harley, qui attend derrière moi.
- Y'a de la place pour elle, dit-elle, tirant mon tee-shirt pour que je les suive.»

On marche derrières elles d'un pas hésitant, Harley me demande des explications, mais je ne peux qu'hausser les épaules en guise de réponse.

«- Tu veux trainer avec nous ? demande l'une d'elle, tandis que je les regarde abasourdie.
- Elle peut elle aussi, ajoute une autre fille, en voyant que je jette des coups d'œil à Harley, de l'autre bout de la table.
- C'est-à-dire que...je dis en protestant.
- Parfait, parce que on n'aurait besoin de porte-parole pour l'élection de la représentante des lycéennes...
- Elle y participe aussi, intervient aussitôt Harley, ce qui me vaut des regards dégoûtés.
- Oui, mais on aurait besoin de votre aide, en tant qu'amies, pour que je gagne. Et nous pourrions ensuite toutes ensemble administrer le lycée, dit une des filles, d'un air assuré.
- Je ne suis pas sûre que...j'essaye de répondre avant qu'elle me coupe la parole.
- Ça t'aiderai à améliorer ta réputation de meuf paumée, répond-t-elle à mon attention, avec un sourire, sur un ton faussement gai.
- J'ai pas envie de ressembler à une Barbie, désolé, dis-je à mon tour sur un ton faussement gai, avant de me lever de la chaise, suivie de Harley.»

Indignées, elles ne comptent pas me laisser partir aussi facilement.

«- Pardon ? On vous propose d'être nos amis, et c'est comme ça que vous nous traitez ?
- Parler dans le dos des gens, se moquer d'eux, les juger...On a pas la même définition d'amies.»

C'est ainsi qu'on part, et cette fois pour de bon. Je les entends se moquer de moi dans mon dos, mais qu'est-ce que ça peut me foutre ?

«- T'es restée silencieuse, toi, je fais remarquer à Harley.
- Toi non. Tu m'étonne, je ne te reconnais pas.»

Peut-être suis-je vraiment en train de changer. De me faire remarquer, de ne plus me laisser marcher sur les pieds.

***

Je croise mes jambes, mais ça ne fait qu'empirer mon envie pressante d'aller aux toilettes. Je lève la main depuis déjà beaucoup trop de temps, puisque la professeure ne fait que de m'ignorer. Ça fait quatre fois qu'elle croise mon regard sans me considérer.

«- Lilith ? demande-t-elle, lorsqu'elle daigne enfin me donner la parole.
- Je peux aller aux toilettes ? je lui demande, au bord du malaise.
- Non.
- S'il vous plait, j'insiste en la regardant dans les yeux.»

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