Chapitre 6

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Lilith

«Celui qui a dit qu'on n'avait besoin de personne est un menteur.
Anonyme.
»

Ma mère a dû me transmettre le don de rater sa vie. C'est sûrement la raison pour laquelle j'écoute de la musique triste, quand je suis déprimée, pour m'enfoncer encore plus. Parce que c'est dans ma génétique de me sentir mal. D'avoir le poids du monde sur le cœur.
J'ai besoin de quelque chose pour alléger cette peine. De quelqu'un. Je ne vais pas y arriver seule. Il m'est déjà arrivé d'appeler Harley en lui disant que j'avais besoin de soutien, mais les rares fois où elle décroche, elle me dit qu'elle est occupée et ne peut pas me parler.
Qui peut m'aider ? Personne. Je n'ai personne. Rowan m'exaspère. Il est la seule personne en qui je peux avoir à peu près confiance. Enfin, si on ignore les problèmes avec Scarlett. Le moment où j'ai le plus besoin de mes amis, ils disparaissent tous.
En ce moment, j'ai une facilité incroyable à me foutre de tout. Je néglige mon physique, mon travail, ma santé mentale. J'ai abandonné la foi que j'avais en l'univers, que j'ai trop longtemps essayé de comprendre. L'amitié est fondée sur la trahison, l'amour est bancal, l'argent ne sert que si tu sais quoi en faire et la famille existe pour te dénigrer. Tu n'es pas unique, tu ressembles à tous les autres êtres humains qui essayent eux aussi de lutter contre la vie. Si tu pars, les gens vont te remplacer, donc tu ne peux pas partir, mais tu ne veux pas rester. Tu dois subir en silence, cacher ton malheur, sourire pour rassurer les autres.
Mon père est là devant moi, à m'engueler, complétement bourré, cela ne me fait presque aucun effet. J'ai plus envie d'être ici. Alors qu'il n'a pas fini de me parler, je monte dans ma chambre, il s'arrête désespéré. Je prends un sac, j'y met mon téléphone, mes clefs, mon argent de poche, quelques vêtements, des écouteurs et sort de cet appartement. Je ne sais même pas si mon père a remarqué mon départ.
Me voilà seule, dehors, la nuit. Je ne prends même pas conscience de ce que je viens de faire, je marche juste tout droit. Je lance Spotify sur mon téléphone, mais une musique de ce chanteur exaspérant retentit. Un mélange de tristesse et de colère dû au fait d'entendre sa voix me perturbe, je coupe alors la musique. J'essaye encore d'appeler Harley, mais elle ne répond pas. Je parcours les jolies maisons en béton éclairées par les lampadaires. Je marche dans des ruelles sinistres, sans une once de peur. Qu'est-ce qui pourrait bien m'arriver de pire ?
Les rues sont désertes, seuls quelques chats s'y baladent. Quand j'arrive devant chez elle, je sonne. La première fois, personne ne semble m'avoir entendu. La deuxième fois, j'attends quelques minutes avant que la porte d'entrée s'ouvre sur la mère d'Harley, les cheveux défaits, en robe de chambre, sur le palier de la maison. Elle plisse les yeux, elle ne semble pas bien comprendre qui je suis. Il lui manque sûrement ses lunettes.

«- Je suis Lilith, je viens voir Harley.
- Elle n'est pas là, peine-t-elle à prononcer.
- Bonne soirée ! je lui souris.»

Elle referme la porte presque en la claquant, encore endormie.
Là, c'est la merde.
Où vais-je bien pouvoir dormir ?

Je commence progressivement à angoisser. Il ne me faut pas beaucoup de temps avant de voir la seule solution possible : aller à l'hôpital voir Rowan.
Après une heure de marche, dans l'obscurité, je me trouve enfin face à l'hôpital. Heureusement qu'il reste ouvert 24h/24. Je rentre, pénétrant enfin dans la lumière. La secrétaire semble se réveiller à mon arrivée.

«- Bonjour, me dit-elle sans grande conviction, avec un sourire fatigué.
- Bonsoir. Je viens voir Rowan Cogny.
- Je suis désolé les visites sont terminées depuis 19 heures. Il est 2 heures du matin.
- C'est très important, j'insiste.
- Je ne peux pas vous laisser le voir à cette heure-ci.
- Je n'ai nulle part où dormir.»

Elle semble exténuée et ne pas vouloir s'embêter avec des problèmes de ce genre.
«- Je peux peut-être vous procurer une chambre, dit-elle après avoir longuement réfléchit.
- Merci.»

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