Chapitre 24

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Jordan

«Laisse le te faire du mal, jusqu'à ce que ça ne te fasse plus de mal.
Anonyme.
»

Je regarde les photos de Lilith, souriante. Si j'avais pris des photos lors de notre rencontre, on pourrait voir une réelle différence. Ces cernes sont un peu moins définies, et elle prend l'habitude de se mettre en valeur. Elle reprend goût à la vie, et j'en suis fier.
Je m'apprête à aller la voir, quand mon père m'interpelle, près de la porte.

«- Jordan.
- Oui ? je lui demande, me retournant.
- Tu sors beaucoup en ce moment. Surtout le soir. Je me demandais...
- Oui ?
- Tu as une copine ?»

Je le regarde maladroitement, ne sachant quoi dire. Il comprend la vérité grâce à mon expression gênée.

«- Maman risque d'avoir besoin de toi. Je sais que tu veux sûrement profiter de ta jeunesse...
- Je serais là pour elle. Je te le promets.»

Mais pas maintenant. Je dois voir Lilith.
Je déçois ma famille ? Est-ce que j'ai fait de Lilith ma priorité sur tout le reste ? Suis-je accro à Lilith ?
Toutes mes questions s'envolent, lorsque je la vois, en face de chez moi, avec sa doudoune noire, des caches oreilles blancs comme la neige, un jogging large, et une écharpe qui couvre la moitié de son visage. Elle sourit en me voyant, impatiente de me retrouver. Je cours, traversant le passage piéton, et la rejoins en moins de temps qu'il ne faut. Je la prends dans mes bras, la soulève pour la faire tourner dans les airs. Du moins j'essaye. Ça fait une semaine qu'on ne s'est pas vu.

«- Tu m'as manqué, dit-elle dans mes bras, levant les yeux vers moi.
- Toi aussi. Tu sais ce qu'on va faire ? je lui demande.
- Non.
- Suis moi ! je lui réponds.

Nos deux mains s'entremêlent lorsque nous arrêtons de nous câliner, et nous marchons jusqu'à entendre des cris. Je souris, nous y voilà. A la fête foraine. Je la regarde, et ses yeux pétillent devant les attractions, les stands de Barbe à Papa, et les jeux de chances. Comme un enfant en ouvrant ses cadeaux de noël.

«- Tu y est souvent allé, quand tu étais petite ? je lui demande.
- Pas trop...Je, euh...Ma famille n'était pas du genre à passer des moments tous réunis.
- Alors, bienvenue à la fête foraine !»

On se dirige gaiement vers les stands de sucreries. Elle choisit inévitablement le stand de Barbe à Papa. Elle semble plus heureuse que jamais. Je croque un bout dans sa Barbe à Papa, et elle prend un air offusqué avant de rigoler. Sans surprise, elle se venge quelques secondes plus tard, en croquant dans la mienne. Je lui essuie le plein de sucre sur son nez, et on se regarde, profondément. Je passe une main sur sa joue et l'embrasse lentement. Elle ferme les yeux, se laissant aller. Nos Barbe à Papa nous gênent, mais aucun de nous ne cherche à les mettre de côté. C'est comme si nos lèvres s'étaient déjà rencontrées dans une autre vie.

«- Tu veux que je gagne un ourson en peluche pour toi ? je lui demande lorsque je mets fin à notre baiser.
- Ew, pitié non. Je peux en gagner un toute seule, dit-elle en se dirigeant vers le stand en question.

Elle paye, et prend place, le pistolet en mains. Elle tire une première fois dans le vide, sans parvenir à toucher les ballons. Elle essaye une deuxième fois, pas le moins découragée, mais n'arrive toujours pas à frôler un ballon. Elle reste convaincue qu'elle y arrivera, mais elle ne touche toujours aucun ballon, les trois fois suivantes. Elle repart, un peu contrariée par sa défaite, et par le sourire malin que je lui adresse.

«- C'est pas parce que je suis une fille que je n'ai pas réussi, dit-elle, irritée.
- Je n'ai pas dit le contraire.
- C'est juste parce que je manque d'expérience. De toute façon, c'est pas mon truc le sport.»

Je mets ma main sur son dos, pour la rassurer, et qu'elle arrête de bouder. J'évite aussi de lui faire remarquer que le sport n'a aucun rapport avec ce type de jeux.
Je tire sa manche pour l'entrainer derrière le rideau du photomaton. Elle s'écrase sur l'assise, dans un fou-rire. On reprend une attitude sérieuse lorsque la machine nous demande des renseignements, avant d'enfin prendre des photos. On rit aux éclats, quand on remarque que l'objectif ne la voit presque pas. Elle s'assois alors sur mes genoux pour avoir une chance d'être sur la photo. Je lui fais les inévitables oreilles de lapin sur la première photo, avant de l'embrasser pour la deuxième, et de rigoler pour la troisième. La quatrième, on essaye de juste sourire mais on n'y arrive pas car je suis décoiffé ressemblant de près à Titeuf. On sort, en se bousculant rapidement et en se cognant sur l'assise. On récupère les photos, et chacun en garde une copie. J'entoure son épaule de mon bras.
Une boule se forme dans mon ventre lorsqu'elle me propose de faire un tour dans une attraction, et comprenant mon refus, elle m'entraîne vers la sortie. Nous ne marchons pas droit, nous rentrant dedans toutes les deux minutes, on pourrait croire qu'on a consommé de l'alcool. Elle pense que je l'emmène chez elle, mais elle est surprise du chemin que je prends, et de plus lorsqu'elle ne reconnait pas le bâtiment.

«- On est où ? demande-t-elle de ses yeux ébahis.
- Au gymnase, je lui réponds.
- Le gymnase où tu fais du basket ? demande-t-elle.
- Ouaip.»

Je l'entraîne à l'arrière du gymnase, où je force la porte pour entrer. Elle me jette un coup d'œil en comprenant que le gymnase n'est pas ouvert. Ouais, bon, c'est pas tout à fait autorisé ce qu'on fait. On arrive à entrer, et nous nous dirigeons difficilement dans l'obscurité vers le grand terrain de basket. Si on allume la lumière, on se fait repérer.
Je ramasse un ballon de basket qui traîne sur le sol, et je le lance où je distingue la silhouette de Lilith. Je réussis, mais elle ne semble pas le rattraper. Elle me le relance, et je me dirige à peu près vers les paniers. Je lui fais signe de me rattraper, ce qu'elle fait bien après que j'ai réussis à marquer un panier. Elle me rattrape, et prends la balle. Elle court avec la balle dans les mains, et je la laisse faire, sans lui dire que ce n'est pas comme ça qu'on joue. Elle court vers le panier opposé, et tente de marquer. Elle ne se décourage cependant pas, et reprends la balle, et la vise vers le panier, mais celle-ci touche le bord, mais tombe de l'autre côté. Raté. Je viens lui montrer le geste pour tirer. Je ne suis pas sûre que la pénombre l'ai aidée à le comprendre, mais elle reproduit quelque chose d'à peu près semblable, en réussissant son tir. Je l'enlace en la faisant tourner. Elle décide qu'elle est épuisée, et nous sortons discrètement du gymnase.

C'est dans une mêlée de rire et d'euphorie, que je réalise toujours à quel point je l'aime. Mais je prends conscience d'une chose. Ma mère a besoin de moi, sa capacité physique l'empêche de s'en sortir seule. Lilith en a la capacité. Si je l'aime, je dois lui apprendre à s'en sortir toute seule.

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Merci beaucoup d'avoir lu, est d'être nombreux :)
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