Always trust our feelings

Chapitre 16

Lilith

«Les filles trompent leur copain lorsqu'il y a des problèmes dans la relation, tandis que les gars les trompent à n'importe quel moment.
Anonyme.»

Je regarde le paysage à travers la vitre de la voiture. Les arbres défilent à toute vitesse. La musique de la radio me renvoie directement à mes pensées.
Est-ce vraiment mal de tromper quelqu'un ? Si on regarde la situation d'un point de vue objectif, on serait d'accord pour dire que ce n'est pas mal, n'est-ce pas ?
Une fille qui ne se sent pas bien dans sa relation et qui ne croit plus en rien, trouve enfin l'amour. Peut-on le lui reprocher ?
Si on regarde la situation d'un autre point de vue les choses pourrait être différentes...Un garçon qui est fou amoureux de sa copine et qui vit le parfait bonheur se fait tromper du jour au lendemain. On aurait pitié.
Ce qui compte c'est que je ne fasse pas de peine à Rowan. Et pour cela, ce que je ressens pour Jordan restera secret.
La nuit est déjà tombée sur la petite campagne. Nous sortons de la voiture, et ma grand-mère nous attend juste devant la maison, avec ce chaleureux sourire. Je cours lui faire un câlin.
Mamie est comme une grande-sœur pour moi, elle m'impressionne. Son parcours de vie est touchant, elle ne travaille pour personne, elle a su s'habituer aux différentes possibilités que nous offre le monde moderne. Elle a ouvert une boutique de créations en ligne, à très grand succès, après avoir été bibliothécaire pendant deux ans, puis professeure de lettre pour des étudiants étrangers. Elle est une grande féministe qui ne s'est jamais laissé marcher sur les pieds, et qui a compris très tôt la vraie valeur des femmes. Pour résumer, c'est un exemple de vie remarquable.
Elle nous fait entrer, et l'odeur de thé me renvoie directement aux bons souvenirs que j'ai passés ici.
Je me rappelle lorsque j'étais une pré-adolescente, et que lire était la dernière des choses que je voulais faire en vacances. Elle essayait en vain de me convaincre que c'était un pur plaisir de s'immerger dans différentes histoires, avec des personnages uniques et des décors originaux. Elle ne m'a pas obligé à lire des livres, elle ne l'aurait jamais fait, mais elle m'a donné tellement d'arguments que j'ai fini par accepter. Le soir, elle m'a recouverte d'un plaid, m'a apporté un thé bien chaud, et m'a donné une pile de livres. J'ai regardé la couverture de tous, uns à uns, et j'ai trouvé celui qui me paraissait le plus intéressant, celui illustrant une femme en larmes, devant un homme à l'allure puissante. Cette couverture éveillait une certaine curiosité en moi, je me demandais ce qu'il était arrivé à cette femme, si l'homme lui a fait du mal. Pour avoir les réponses à ces questions, mamie m'a dit qu'il fallait que je lise ce livre, ou sinon ces questions me hanteront toute ma vie. J'ai dévoré le chapitre 1, captivée. J'ai finalement terminé le livre après 2 soirées de lecture. J'ai été plongée dans la dangereuse histoire d'amour de Brandon et Laura, avec leurs sentiments indécis, leurs coups bas, leur larmes, et leur tragique destin. J'ai ainsi découvert ma passion pour les livres de romance, et instauré un rituel : à chaque fois que je viens chez ma grand-mère, je dois lire au moins un livre.

«- Cette fois, tu as de la chance, je t'ai acheté un livre spécialement pour toi. Quand je l'ai vu, je me suis dit qu'il allait te plaire à coup sûr ! m'annonce-t-elle, en voyant que je farfouille déjà dans sa bibliothèque.
- Merci mamie !
- Il ne fallait pas, dit mon père en la regardant d'un air désapprobateur.
- C'est les vacances, détends-toi Gabriel ! Tiens, pourquoi ne mangerai-t-on pas ? Tu veux que j'installe la machine à raclette Lilith ?
- Oh oui ! Merci.»

Elle met de la musique, et fais des mouvements joyeux tout en sortant la machine. Elle sait comment faire plaisir aux gens qu'elle aime. Et ça, c'est parce qu'elle sait d'abord comment se faire plaisir toute seule. Une célibataire heureuse, qui n'a besoin d'aucun homme dans sa vie... Admirable.

«- Vous n'avez toujours pas de nouvelles de Madyson ? demande-t-elle à l'intention de mon père.
- Figure toi que si. On lui a même rendu visite.
- Vraiment ? Et alors ?
- Elle a refait sa vie avec un homme, il répond.
- Tu trouveras la bonne !
- Ah non, je n'ai pas besoin d'une nouvelle déception ! renchérit-il.
- Tu ne peux pas vivre seul ! Il te faut quelqu'un pour te dire quoi faire.
- C'est faux !
- Vois les choses en face. Tu es irresponsable Gabriel.»

J'aimerais lui dire à quel point elle a raison. Elle prépare la table en y disposant les différents fromages et la charcuterie.

«- Vous vous souvenez de cette musique ? dit-elle lorsqu'on prend place autour de la table.
- C'est quand on est allé au restaurant ? je demande.
- Oui, tu te souviens, on avait mis nos tenues les plus chics. Et papa avait renversé son verre de vin, dit-elle en rigolant.
- Hé, tu m'avais poussée ! argumente-t-il.
- Je ne t'ai à peine touchée ! dit-elle.»

Ce soir-là, le restaurant avait passé cette musique que mamie adorait. Le lendemain, elle a mis cette musique toute la soirée, pour imiter la même ambiance que celle du restaurant. L'atmosphère était encore mieux. Quand mamie est là, l'air est toujours joyeux et léger, et c'est ce qui est si plaisant dans le fait de voir ma grand-mère. C'est notamment pour ça que je repousse le moment où je devrai annoncer à mon père que je veux changer de classe.
Quand le délicieux repas est terminé, et que mon ventre est sur le point d'exploser, ma grand-mère m'accompagne dans ma chambre. Elle sait que j'ai envie de parler avec elle.

«- Alors, comment vas-tu Lilith ?
- Bien.
- Ta vie n'est plus un film plein de retournements de situation ?
- Quand même un peu, mais la morale est que je suis heureuse.
- Je suis ravie de l'entendre. C'est un garçon ?
- Oui. Mamie, est-ce que l'amour t'a déjà rendue heureuse ?
- Bien sûr, mais cela ne m'a pas empêché de rester indépendante. Je suis aussi heureuse avec un garçon qu'avec moi-même, mais je sais que je ne me trahirais jamais moi-même, donc je préfère n'avoir besoin de personne.
- Mais moi j'ai besoin de ce garçon.
- Il a dû sacrément chambouler ton esprit alors. Bon, tout ce qui compte, c'est que tu aille bien.»

Elle quitte la pièce et revient quelques minutes après, le livre dans les mains.
Je l'analyse à sa couverture, comme à mon habitude. Une femme avec une robe moulante rouge Bordeau est assise sur un sofa noir. Elle tend une coupe de vin, en son propre honneur. La femme semble puissante et dominatrice. Le genre de personnage que j'adore dans les livres de romance.

***

« Toujours écouter nos sentiments.»

C'est la fin de ce livre époustouflant. Un livre sombrement romantique, mêlant tristesse, désir, hommes et pouvoir.
J'ai appris qu'on ne pourchasse pas, on attire.

Et c'est uniquement comme ça que ça marche.

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Merci beaucoup d'avoir lu :)
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