Chapitre 28

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Lilith

«Si vous traversez l'enfer, surtout continuez d'avancer.
Winston Churchill.
»

Ce n'est pas sans un sourire sur mes lèvres que j'apprends que la justice est enfin établie pour Ruby. Le chanteur qui l'a enlevé de ce monde est enfin prêt à payer le prix de son crime. J'aurai aimé fêter ça avec Jordan...

Je pousse la porte des toilettes pour y rentrer, comme à mon habitude, mais je tombe sur une fille en train de vomir dans une des cabines, tout en pleurant.

«- Est-ce que ça va ? je m'aventure à lui demander, alors qu'elle est toujours en train de régurgiter son repas de midi. »

Elle se retourne vers moi, et je reconnais instantanément la fille rousse ayant prononcé son discours, très anxieuse, pour devenir représentante des lycéennes. Elle hoche la tête pour que je m'en aille. Mais je ne vais pas le faire. Ses yeux crient à l'aide, larmoyant. Je doute que ce soit la première fois que ça lui arrive, que tout cela ne soit que l'œuvre d'une bouchée avalée de travers. Elle me regarde, ne comprenant pas ce que j'attends d'elle.

«- Respire, je lui dis. Inspire profondément. Et expire.»

Elle suit mon rythme et le fais avec moi, paraissant un peu moins stressée à chaque expiration. Je ne connais pas grand-chose à la boulimie, j'essaye de l'aider du mieux que je peux.
Elle me remercie timidement et se relève avec mon aide, pour se diriger devant le miroir. Elle essaye de remettre ses cheveux, et, visiblement pas satisfaite du résultat, ses lèvres commencent à trembler, tandis qu'elle se regarde dans le miroir, alors qu'elle est pourtant très jolie.

«- On as pas besoin d'être parfaits, tu sais, je lui dis.
- J'aurais aimé, répond-t-elle en esquissant un léger sourire.
- J'aimerais que tu puisse te voir comme je te vois.»

Elle tourne la tête vers moi, visiblement confuse de ce que je viens de dire. Elle semble ressentir un mélange de surprise, d'émoi, et de douceur. C'est dans ce moment précieux que la cloche sonne, nous contraignant à retourner en classe. Cette fille dont je ne connais même pas le prénom est la preuve même que nous ne sommes jamais seul à souffrir.
Je n'ai pas juste perdu mon petit ami. J'ai perdu ma foi en l'univers. J'ai cru que quelqu'un nous surveillait, évitant de nous faire tomber de trop haut. Maintenant je sais que c'est faux.
Je ferme la porte derrière moi. Être dans le lycée, où être à la maison ne change rien maintenant. Car j'emmène la souffrance partout, peut-importe ce qui peut se passer autour de moi.
Mon père, encore une fois présent, me salue en me voyant entrer. Je pourrais presque m'y habituer. Il semble s'être attaché à la maison, évitant de s'éclipser le plus possible.

«- Lilith, tu peux me le dire si ça ne va pas. Je suis ton père.
- Mmmh.
- Je veux le savoir s'il se passe quelque chose de grave.
- T'inquiète pas.
- Bon. Si tu ne veux pas me parler, qui va le faire ?
- J'ai des amies tu sais.
- Appelle ta mère, au pire.
- Mmmmh, c'est ça ouais.
- Si tu ne le fais pas, je le fais. Il est tant qu'elle reprenne ton éducation en mains !
- Papa ! J'ai pas besoin d'elle, ni de toi d'ailleurs ! je réplique en tapant des mains sur la table, et me levant précipitamment.»

Je m'allonge sur mon lit, passant outre ma posture de cadavre. Car je suis un cadavre. C'est tout ce qui reste de moi. Un corps pour mourir, pour laisser mon âme s'affaisser progressivement. J'imagine que du sang continue de couler dans mes veines, que mes poumons fonctionnent normalement, me permettant de respirer, mais je ne suis plus là. Mon esprit est comme téléporté dans une cage où il ne peut que rester neutre, ne pouvant pas exprimer ses pensées. Ses pensées, reflétées par mon cœur, sont retenues par une espèce de force leur permettant de ne plus se manifester d'aucune manière. Et en fait là, je me sens bien. Parce que j'ai mille et une raisons de fondre en larmes, mais je ne les vois pas. Elles sont, en cet instant unique, envolées comme si rien ne me tracassait.

Always trust our feelingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant