Always trust our feelings

Chapitre 29

Jordan

« Pardonner ne signifie pas oublier.
Anonyme.»

Je prends mon sac, lace mes baskets, avant d'entendre mon nom :

«- Jordan !»

Une petite voix faible et hésitante m'interpelle, et je me dirige vers le salon, constatant que ma mère, dans sa chaise à bascule, m'appelle en souriant. Ses traits sont fins et ses rides marquées. Elle semble à bout de forces, comme à son habitude, mais pas malheureuse. Elle me fait signe de l'approcher, et tend ses bras pour m'enlacer. Je lui donne une courte étreinte, pressé d'aller en cours, mais elle en ressort satisfaite, et secoue la main pour me saluer. Son sourire était vrai, paraissait sincère.
La manière dont elle a agi, me donne espoir, me rassure de son état. Je pars en direction du lycée, heureux. Je ne peux cependant pas m'empêcher de penser à Lilith. Elle n'a pas répondu à mon message. Elle doit me haïr jusqu'à la fin des temps. Tout ce que je voulais, c'était simplement l'aider à guérir par elle-même.
Arrivé au lycée, je tombe sur Ava. Elle n'est pas seule, dans un coin lugubre du hall, comme elle avait pris l'habitude de faire, mais elle rayonne, debout contre un casier, en train de rigoler avec d'autres filles. Il ne s'agit pas de ses anciennes amies douteuses, mais de camarades de classe assez ordinaires, dont je me rappelle à peine les prénoms. Ava porte une tenue modeste, qui ne lui donne pas l'air prétentieuse, et qui ne la met pas exagérément en valeur. On peut constater un vrai changement en elle. Elle a sûrement dû tourner la page, et j'en suis bien content.
Mon père ne devrait pas rentrer du travail avant 20 heures aujourd'hui, ce qui me laisse l'opportunité de manger seul. Etant trop occupé, ce n'est qu'à 20 heures et demie, le ventre gargouillant que j'ouvre le frigo, abordant un sourire affamé. J'observe son contenu presque inexistant, en constatant qu'il va être difficile de manger sans cuisiner. J'examine attentivement chaque recoin du frigidaire, à la recherche d'un rien qui pourrait me satisfaire. Un pot de crème fraîche, un reste de viande pas très frais, et un bout de saucisson traînent par-ci par-là. Soupirant, j'abandonne en fermant le frigo. J'ai la flemme de me faire des pâtes. Je sais que ce n'est pas la recette la plus longue à reproduire, mais rien que ça j'ai la flemme. A ce moment-là, une petite lumière s'allume dans mon cerveau. J'ouvre le placard à snack, et je me sens enfin soulagé. Je contemple les sachets de biscuits apéros et les paquets de chips. J'attrape un paquet neuf, de chips au goût crème acidulée et oignon, mes préférées. Je sais que ce n'est pas un vrai repas. Mais au pire, mon père me fera à manger lorsqu'il rentrera. Tiens, ne devrait-il pas déjà être rentré ? Je sais que lorsqu'il dit qu'il ne rentrera «pas avant telle heure», cela signifie qu'il rentrera avant. Je décide de me reconcentrer sur ma dégustation, en retirant le couvercle, avant d'enlever soigneusement l'opercule. Les dizaines de chips empilées les unes sur les autres me donnent envies de me jeter dessus. Ce que je m'apprête à faire, lorsque je suis interrompue par la porte d'entrée qui s'ouvre brusquement. Mon père, apparait dans l'entrée, dans son long manteau et son écharpe en laine épaisse. Il semble fatigué, fronçant les sourcils, les rides de son front sont marquées.

«- Tu as eu une journée de travail épuisante ? je lui demande, tout en attrapant la première chips du paquet, prêt à la savourer.
- On peut dire ça, dit-il en desserrant l'écharpe autour de son cou.»

Le goût salé à la perfection envahit ma bouche, tandis que mon père ne semble pas soucieux de ma santé en me voyant manger des chips comme repas.

«- Il y a des policiers partout, qui recherchent une fille de ton âge disparue, déclare-t-il d'un ton détaché.»

Je hoche la tête, en signe de réponse, n'étant pas spécialement intéressé par cette nouvelle.

«- Il parait qu'elle est allée seule en forêt. C'est quand même pas réfléchi de faire ça.»