Chapitre 26

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Lilith

« La pire des déceptions, c'est de se rendre compte que la personne qu'on ne croyait pas comme les autres l'est finalement.
Anonyme.»

Je dois ressembler à un zombie. Parce que mon maquillage a coulé pendant ma très courte nuit de sommeil, mais surtout parce que je me sens morte. Il est venu dans ma vie, il m'a fait croire qu'il m'aiderait, puis lorsque tout allait bien, il est parti, pour me laisser dans un pire état que j'étais déjà.
Il m'a aidé. Vraiment. Il m'a rassuré, il m'a consolé, il m'a appris à positiver. Mais c'est comme s'il m'avait ôté toutes ces capacités en partant. Je n'avais pas réalisé à quel point je ne peux pas m'en sortir sans lui. Je n'ai même pas envie de m'en sortir.
La porte de ma chambre s'ouvre sur mon père, pour qui me voir pleurer ne semble pas l'importuner.

«- Tu n'as pas cours ? il me demande.»

Je tourne la tête. J'ai pas envie de répondre. On peut pas me laisser tranquille ?!

«- Lilith ? Tu vas être en retard.
- J'ai pas envie d'y aller, je réponds en évitant de plus belle son regard.
- Bon, aller tu n'as pas le choix, prépare ton sac.»

Mais qu'est-ce que ça peut me foutre de rater les cours ? C'est pas une priorité...J'ai déjà séché les cours pour moins que ça. Je reste allongée sur mon lit, décidée à ne pas bouger.

«- Bon ça suffit la crise d'adolescence, maintenant tu te lèves ! dit-il en haussant la voix.»

Je me lève, dans de lents mouvements forcés. Je lui lance un regard noir avant de sortir de ma chambre. J'attrape mon sac de cours vide et enfile mes écouteurs. Des chansons aux notes tristes retentissent fort dans mes oreilles, mais pas assez pour que je me soucie de finir sourde. Je n'esquisse pas l'ombre d'un sourire en fermant la porte, laissant mon père seul. Parcourut de pensées noires, j'arrive devant l'établissement. Je passe les portes malgré moi, et me résigne à m'enfermer dans les toilettes. Je reste dans la cabine, en larmes. J'entends des filles arriver, mais je ne bouge pas, je me contente d'atténuer le bruit de mes pleurs.

«- Ouais, Harley c'est la pire.
- Elle est même pas belle, je les entends dire, provoquant une colère en moi.
- A sa place, je devrais avoir honte.»

J'essaye de lutter contre mon envie de les frapper, mais la colère m'envahit. Je sors brutalement des toilettes. Elles me fixent, restant interdites.

«- Mais arrêtez. Vous ne la connaissez même pas, je dis vivement.»

Elles se regardent, légèrement amusées. Une part de moi meurt d'envie de les gifler une par une ou de leur faire goûter l'eau des toilettes, mais je me contente de sortir, en regagnant le couloir.
On dirait que plus je reste dans ce monde, plus je meurs.
Je croise Bryson, qui n'ose pas me sourire, faisant une petite moue timide. Je continue mon chemin, et le visage d'Harley semble s'illuminer lorsqu'elle me voit, mais son expression se transforme lorsqu'elle remarque ma tête de zombie. Elle arrive devant moi, et ne dis rien, elle ouvre simplement les bras. Je plonge dans ses bras, et m'effondre, trouvant enfin l'endroit parfait où me réfugier. Je pleure sans m'arrêter pendant une durée qui m'a paru être l'éternité avant de décider que je me sens un peu mieux. Je la regarde, avant de continuer à l'enlacer. Elle passe sa main dans mes cheveux et les caresse pour me rassurer. Je me rappelle la silhouette de Jordan, me caressant les cheveux sur mon canapé, et je me remets à pleurer. Elle me relâche, mais gardant toujours une main sur mon dos.

«- Tu veux dormir chez moi ce soir ? me demande-t-elle.»

Je réponds en hochant doucement la tête, et lorsque la cloche retentit, on se dirige d'un pas lent vers la classe.
Je ne trouve pas le courage de m'endormir sur ma table, regardant par la fenêtre, pleurant silencieusement. A un moment du cours, je sors mon cahier de brouillon. Avec mon stylo, j'extériorise ma peine pendant quelques minutes, sentant mon cœur un peu moins lourd. Lorsque les cours se terminent, je ressens quelque chose de difficilement perceptible au fond de mon cœur. J'ai pas autant envie d'aller chez Harley que j'aurai dû, à cause de la peine que je ressens.
A la sortie des cours, elle prend mon bras pour l'emmêler au sien, et nous marchons ainsi, dans une humeur controversée. D'un côté, Harley sait comment me remonter le moral, et ce en restant elle-même, et en étant de l'humeur la plus joyeuse possible. Et d'un autre côté, je reste attristée, mais je commence à mettre ma peine de côté.

«- On va passer une bonne soirée, crois moi. Comme avant !»

Je m'efforce de sourire, car je sais que je ne suis pas indifférente à toute l'attention qu'elle me donne pour me remonter le moral. C'est fou comme la fille qu'elle aime l'a changée. Notre entourage peut vraiment jouer sur notre moral. Je me rappelle Jordan, et je détourne la tête, comme si cela allait balayer aussi simplement cette pensée.

«- Tu veux faire quoi ? elle me demande, souriante, en me parlant gentiment, comme si j'étais une petite chose fragile. D'ailleurs, c'est certainement ce que je suis.
- Comme tu veux, je réponds d'une petite voix.
- On fait des pizzas alors ! Comme au début de l'année, tu t'en souviens ?»

Je hoche de la tête, en souriant. Je me rappelle les soirées pyjamas qu'on faisait, où nous pouvions passer la nuit à papoter, regarder des films, ou à jouer aux jeux de société.
Arrivée chez elle, sa mère me salue brièvement, et nous nous dirigeons vers la cuisine en quête d'ingrédients pour préparer les pizzas. Son père arrive dans la cuisine et salue Harley, précisant qu'ils dorment chez les grands-parents de Harley, pour nous laisser seules. Harley les salue joyeusement. Lorsqu'ils ferment la porte, elle commence à fredonner une chanson qui a l'habitude de me faire chanter comme si j'étais sur une scène entourée d'un public acclamateur.

«- Aller, je sais que tu adore cette chanson, me dit-elle en remarquant que je ne fais pas l'effort de chanter.»

Je secoue la tête dans de lents mouvements, en me mettant à chanter tout doucement la chanson. Elle rigole, satisfaite de m'avoir décroché un sourire, et un vrai. Elle décide que chanter faussement dans un anglais approximatif n'est pas suffisant, et attrape une enceinte pour connecter son téléphone, et choisir une playlist. La première chanson jouée, arrive à me conquérir, et je chante presque joyeusement, pendant qu'Harley commence à hurler. Je ne parviens pas à retenir un rire, me demandant pourquoi elle crie comme une malade mentale sur une chanson dont elle ne connait même pas bien les paroles. Elle rit avec moi, en me tendant un rouleau pour étaler la pâte. Je m'exécute, en chantant incroyablement faux, tandis que Harley attrape le fromage râpé. Dans une cacophonie régnante, on arrive à cuisiner une grande pizza, qui ne ressemble évidemment à rien. Comme au début de l'année. Je me rappelle soudainement Jordan, et une douleur me picote le cœur, mais Harley me pousse vers l'avant pour monter les escaliers, et ce sentiment de peine semble partir aussi vite qu'il est apparu. Arrivées dans sa chambre, qui n'a pas bougé d'un poil depuis ces quelques mois, elle découpe la pizza en plusieurs parts.

«- On fait quoi ? je lui demande, ayant retrouvée un peu de bonne humeur.»

Elle me fixe d'un regard que je n'avais pas vu depuis longtemps. Un regard qui traduit tout. Un regard malicieux, maléfique, qui signifie que je peux m'attendre à tout. Le coussin que je reçois sur la tête quelques secondes après seulement, confirme mes craintes. Je grimace en la fixant, attendant juste le bon moment pour attraper un coussin derrière moi et lui jeter à la gueule. Elle rit de cette situation, avant de me rendre la pareille dans un élan d'enthousiasme. Je ne sais même pas combien de temps cette guerre a durée, mais assez pour m'épuiser et me pousser à m'allonger sur le lit devant sa télévision, prête à me détendre devant un film, avec ma meilleure amie à mes côtés.

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Merci beaucoup d'avoir lu, est d'être nombreux :)
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