Chapitre 5 : Cindha

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Je claque la porte et m'écrie :

-Pourquoi faut-il toujours que le mauvais sort s'acharne sur moi ?
-Que c'est-il passé ?
- Je me retrouve à faire un travail de groupe avec lui, tu te rends compte !
- Pas vraiment, non. De quoi tu parles ?
- Il a fallu que je tombe sur lui ! Sur trente six élèves, il a fallu que ce soit mon binôme !
- Cindha, calme toi ! Regarde-moi dans les yeux. Respire calmement. Viens, allons nous asseoir sur le canapé et tu vas me raconter tout ça.
Je la suivis, un peu à contre cœur mais soulagée de me confier sur mes sentiments.

-Alors, que se passe-t-il pour que tu sois aussi furieuse ? De quel binôme parles-tu ?
- Je dois faire un travail de groupe en Histoire, et je me retrouve avec Gabriel, la seule personne avec qui je ne voulais pas être.
- Et pourquoi cela ?
- C'est le garçon le plus populaire du lycée, je ne veux pas d'embrouille avec lui. Je ne veux pas me faire remarquer.
- Ah la la, les histoires du lycée ! Ce n'est pas si grave, Cindha. Ce n'est qu'un travail de groupe ! Allez, arrête de ronchonner, on va trouver une solution.
- J'aimerai bien savoir laquelle ! J'ai demandé au prof si je pouvais être seul, ou changer de binôme, mais il n'a pas voulu.
- Tu as demandé ça devant toute la classe ?
- Oui, pourquoi ?
- Tu as pensé à Gabriel ?
- Penser à Gabriel ? Je ne comprends pas.
- Tu as dit devant tout le monde et devant Gabriel que tu ne voulais pas être avec lui. Tu penses qu'il l'a pris comment ? Il a dû se sentir blessé ou rejeté. Ça ne te rappelle pas quelque chose ?
- Tu parles de mes fausses "amies" qui me critiquaient et me rejetaient dans mon ancien lycée ?
- Oui. Que tu ne veuilles pas faire un travail de groupe avec lui, je comprends, mais tu ne dois pas l'humilier pour autant. Tu ne dois pas faire subir à autrui ce que tu n'aimerais pas subir, tu comprends ?
- Oui, j'ai peut-être était un peu dure avec lui.
- Essaye de lui présenter des excuses demain
- Je vais essayer.
- Tu le feras ?
- Je vais essayé, je t'ai dit !
- Tu ne changeras jamais.
- Et, est-ce qu'il peut venir travailler à la maison du coup ?
- Oui, bien sûr. Du moment que je suis au courant avant qu'il ne vienne, et que vous ne mettez pas le bazar, ça me va.
- Promis, merci !
- Tu te sens mieux maintenant ?
- Beaucoup mieux.
- Il n'y a pas de quoi, si tu as besoin de parler, n'hésite pas à venir me voir.
- Merci.
- Tiens et tant que j'y suis, est-ce que tu pourrais aller au marché du coin me chercher des tomates et un concombre pour ce soir, s'il te plaît ?
- Oui, pas de soucis. Je m'habille et j'y vais.
- Prends un billet de cinq euros dans mon sac à main, il est sur la table de la cuisine.
- D'acc !
- Merci.

J'enfile une veste, m'empare du billet et quitte la maison, l'esprit plus léger que quand j'y suis rentrée.
Au fond de moi, je suis heureuse d'être tombée avec lui.
Je chasse toutes ces pensées de ma tête et marche vers le marché, un pied devant l'autre, un pas après l'autre.

-Bonjour, un concombre et une grappe de tomate, s'il vous plaît.
- Ça fera deux euros cinquante.
- Tenez.

Je lui tendis le billet, il me rendit la monnaie. Puis, je repartis vers la maison.

Sur le chemin, je me sens observée comme si quelqu'un ou plusieurs personnes me regardaient. Je m'arrête, fais un tour sur moi-même, pour observer les alentours. Rien. Pas de mouvement suspect, de bruit étrange. Je décide de continuer ma route en pressant le pas. J'essaye de me convaincre que ce n'est rien, que j'imagine cette sensation.
À peine quelques mètres plus loin, cette sensation me rattrape. Je sens comme un fourmillement tout le long de ma peau. En regardant à travers les feuillages, j'aperçois deux hommes, qui disparurent aussitôt lorsqu'ils croisèrent mon regard. Je marche lentement vers l'endroit où je les ai vus.

-Qui êtes-vous ?

Pas de réponse. La forêt reste immobile, à mon grand désespoir. Pas un son ne vient interrompre le silence. Je reste quelques instants là, à fixer ce point où je les aperçu. Puis, la peur m'envahit. Et si c'était des gens mals attentionnés ? J'accélère le pas, jusqu'à courir à toute vitesse. Il ne me fallut que cinq minutes pour franchir la porte d'entrée.

-Tu sembles essoufflée, tu as couru ?
- Juste un peu. Tiens, ton concombre et la grappe. Voilà la monnaie.
- Merci.
- Je monte dans ma chambre !
- Ok, je t'appelle quand le repas est prêt.

Je grimpe les marche d'escaliers deux à deux et m'affale sur le lit. Qu'est-ce que ça fait du bien de relâcher toute cette pression accumuler durant la journée ! Je m'étire les membres et prends mon Journal.

"Ils étaient deux. Deux hommes à en juger par leur visage et leurs cheveux. Ils semblaient m’observer. Mais pourquoi ? Le plus étrange, c'est qu'ils sont partis quand j'ai croisé le regard de celui de gauche. Ils se cachaient, c'est évident. Mais de quoi…ou de qui ? De moi ? C'est le plus plausible. Je ne sais pas quoi penser. Il voulait peut-être voler mes bijoux. En repensant à la scène, leurs yeux m'avaient semblé étranges, comme anormaux. Mais sans doute que mon cerveau s'imagine des choses. Tu sais Journal, parfois je me demande dans quel monde on vit. Je ne peux même pas mettre le pied dehors sans avoir peur des gens. Je me demande parfois où on va. Tu en penses quoi toi, Journal ? Suis-je bête, tu ne répondras pas. Au fond, tu n'es qu'un tas de feuilles accrochées les unes aux autres. Tu n'as pas d'âme. Tu n'es qu'un objet. Je crois que j'ai besoin de repos."

Le lendemain matin.

Je me lance ou je ne me lance pas ? Il est juste devant moi, seul, à peine à quelques mètres de distance.
-T'en fait une drôle de tête ? Pourquoi tu fixes Gabriel ?
- Je dois lui parler mais je crois que je n'en ai pas le courage…
- Pourquoi veux- tu lui parler ?
- Je veux m'excuser pour mon comportement en classe…
- J'avoue que c'était pas ultra sympa à entendre…
- Ne me fais pas culpabiliser encore plus, Maeve. T'es censée être mon amie.
- Et en tant qu'amie, je me dois de te faire remarquer tes erreurs.
- Je suppose qu'il ne me reste plus qu'à prendre mon courage à deux mains, et à sauter dans le bain.
- C'est un peu prêt ça, oui. T'inquiètes pas,  je suis sûre qu'il n'a jamais mordu personne !
- Bon, je me lance.
- Bonne chance !
- Je crois que je vais en avoir besoin.
Je m'avance vers lui, en sentant le regard de Maeve me fixer.
-Heu…Je peux te parler deux minutes ?
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Tu es en colère contre moi, c'est ça ?
- Reconnais que ce tu as dit devant toute la classe n'était pas très agréable à entendre.
- Bon, ok, je reconnais que j'y suis allée un peu fort.
- Oui ?
- Et je m'excuse de t'avoir humilier, ce n'était pas mon attention.
- Tu peux répéter s'il te plaît, j'ai mal entendu ?
- T'avais qu'à écouter !
- Je reconnais bien la Cindha au fort caractère là.
- Et ma mère adoptive veut bien que tu viennes, pour que l'on puisse faire le travail de groupe.
- Cool ! Et moi aussi, je crois que je dois m'excuser. Désolé pour la phrase maladroite que j'ai dit à propos de tes parents.
- C'est rien, c'est oublié. Ce soir, ça te va ?
- Parfait pour moi.
- À dix-huit heures ?
- Ok
- Donc mon adresse, c'est 15 Chemin des lilas. Tu verras, c'est une petite maison à côté d'une forêt.
- D'accord et merci !
- Et bien, à ce soir alors.
- À ce soir.

Je repartis vers Maeve, le cœur plus léger, l'angoisse ayant quitté mon être.

-Alors, raconte ?
- Je me suis excusée, il s'est excusé, et point final.
- Comment ça point final ?
- Lui et moi, on ne sera jamais amis.
- Plus qu'amis alors ?
- Ça ne va pas la tête !
- Ah la la, Cindha, tu n'es même pas capable de voir les signes qu'il t'envoie !
- Mais enfin, de quoi tu parles ?
- Non, rien, tu verras par toi-même.
- Ce que tu peux être agaçante avec tous tes mystères, parfois !
- J'y peux rien.

Un large sourire éclaira son visage. Je n'ai pas vraiment compris ce qu'elle voulait dire à travers ses paroles, mais en me voyant là, à parler avec une fille de mon âge, je me dis que j'ai de la chance de l'avoir connu. Et finalement, je suis contente d'avoir changé de lycée.

La fille aux yeux verts Où les histoires vivent. Découvrez maintenant