Chapitre 11

13 5 0
                                    

Je suis en route pour me rendre chez Gabriel. J'ai complètement oublié qu'il m'avait invité aujourd'hui, avec pour objectif de réaliser le projet à rendre lundi. Heureusement que ma mère adoptive me l'a rappelé. Je la soupçonne de s'être lié avec Gabriel pour m'obliger à sortir, à voir du monde, à avoir une vie d'ado comme les autres, en résumé. Sauf que le problème, c'est que je ne suis pas comme les autres. Je ne connais pas beaucoup d'ado, pour ainsi dire aucun, qui ne soit capable de faire pousser des plantes avec ses mains. Donc je ne comprends pas leur acharnement à vouloir que je sois "normale". Enfin, ma mère n'est pas au courant pour mon "pouvoir", si je peux appeler ça comme ça. En fait, il n'y a que Gabriel qui le sait. Et peut-être ces trois filles, Marion, Naomie et Lou, qui ont été les victimes de mon "pouvoir". En tout cas, ça a bien fonctionné puisqu'elles ne m'approchent plus depuis l'accident. En vrai, c'est un peu la faute de Gabriel si tout ça est arrivé. Les filles sont venues me voir à cause de lui. Et mon "pouvoir" s'est déclenché à cause de lui. En bref, il est la cause de tout ce qui m'arrive. Ou du moins, l'une des causes, et sûrement la principale. Mais, je ne lui en veut pas. Je devrais même le remercier ,mais je n'en suis pas encore là. Mon égo en prendrait un coup. Et connaissant Gabriel, il ne cesserait pas de me répéter mes paroles à tue-tête, et me taquinerait.
Ding dong.

-Entre ! Tu dois être Cindha, enchanté de te rencontrer. Gabriel est dans sa chambre, dernière porte à droite.
- Merci ! Au revoir monsieur.
- Appelle-moi Patrick, je préfère !
- D'accord, merci Patrick.
- Allez file, Gabriel t'attends avec impatience.

Il s'approche de moi, et me murmure, avec un clin d'œil :

-Je crois que mon fils t'aime bien !
- Papa, je t'entends !
- Je ne dis que la vérité.
- Papa ! Toi et moi on aura une discussion tout à l'heure. Tu viens Cindha ? Je te rappelle qu'on a un travail de groupe à commencer, et à finir, pour dans deux jours…
- J'arrive ! Au revoir monsieur.

Je dû prendre sur moi pour m'empêcher de rire. Le père et le fils ont l'air d'avoir une relation très complice. Je l'envie un peu de s'entendre aussi bien avec lui. J'aimerai tant avoir la même relation avec mon père biologique. Pouvoir rire avec lui, me chamailler sur des broutilles, mais toujours en ressentant cet amour profond envers lui.

-Salut, ça va ?
- Ça va.
- Pas d'autres trucs à signaler depuis tu sais quoi ?
- Chut ! Personne ne doit être au courant !
- Je sais. Mais c'est important d'en parler. Tu es consciente que tu possèdes une sorte de pouvoir magique ou que sais-je encore que l'on ne voit que dans les livres et les films ?
- Oui, et je trouve ça plutôt terrifiant…Pas toi ?
- Peut-être un peu pour son côté incroyable, mais je trouve ça surtout fascinant !
- Tu sembles si admiratif devant ce phénomène. Tu n'as pas été choqué quand tu m'as vu faire ça la première fois ?
- Si, tellement que je pensais rêver. Mais bon, comme je te l'ai déjà dit, je savais que tu possédais quelque chose d'extraordinaire en toi. Et je ne me suis pas trompé !
- Ça me fait bizarre de parler avec le garçon le plus populaire de Seconde.
- T'exagères un peu là !
- Dit ça à toutes les filles qui te courent après.
- Ouais, mais elles s'intéressent à moi seulement pour ma popularité, elle s'en fiche de qui je suis vraiment, mon état d'esprit, mes centres d'intérêt, etc…
- En gros, elles ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.
- Bien dit. C'est pour ça je pense que je t'apprécie autant, c'est parce que toi, tu t'en fiches que je sois populaire ou quoi, tu perçois le vrai Gabriel qu'il y a au fond de moi.
- Et si on parlait du travail de groupe plutôt ? Parce qu' à ce rythme là, je ne suis pas prête de rentrer chez moi…
- Tu as raison ! Des idées pour le côté créatif du projet ?
- Je me suis dit qu'on pourrait le faire sous forme de frise pour montrer le côté évolutif du travail. Et cela permettrait aussi d'accompagner le regard du spectateur sur ce qu'il doit observer…
- Bonne idée ! Je pense qu'on doit remonter chaque période une à une, pour recenser sur la frise l'évolution industrielle de chacune d'elle.
- Et pourquoi ne pas se fixer sur une évolution industrielle précise ?
- Pourquoi pas ?
- Sur la voiture ?
- Est-ce vraiment une évolution industrielle ? Peut-être vaudrait-il mieux la faire sur un engin de l'agriculture ?
- Ça me va !

Quatre heures plus tard, on a enfin fini le projet. Des heures à coller, à réfléchir, à parlementer sur le sujet, mais aussi à rigoler, à échanger…Bref un moment de détente, loin de mes peurs et de mes angoisses quotidiennes. Je regarde Gabriel, et lui souris. Je me sens bien, réellement. Sans mentir ou dissimuler mes émotions, j'ai l'impression d'être en phase avec moi-même, et d'apprécier ce moment d'échange avec lui. Je crois que je peux le dire haut et fort, Gabriel est devenu un ami. Un véritable ami. Et je ne le remercierai jamais assez pour ce qu'il a fait.

-Bouge pas, je vais juste chercher des gâteaux à la cuisine.
- Ok.

Je me retrouve seule dans la chambre. Je décide de faire un petit tour d'exploration. La chambre de Gabriel ressemble à une chambre de garçon basique, du moins à ce que je m'imagine être une chambre de garçon. Il y a donc quelques vêtements sales par terre, des restes de nourriture sur le bureau, des affiches télévisées de joueurs de foot sur les murs…Une chambre d'un ado de quinze ans, tout ce qu'il y a de plus normal. Un lit deux places est situé au milieu de la pièce, et plein de photos sont positionnées au-dessus de son lit. Des photos le représentant avec ses parents lors de sorties à la piscine, aux rentrées de classes…Des photos avec ses amies, et d'anniversaires aussi. En les voyants, je me rends compte que Gabriel ne m'a jamais parlé de sa mère. Il n'a jamais évoqué son existence, et je ne crois pas l'avoir déjà vu. J'entends des bruits dans le couloir, et décide de regagner ma place.
-Je te connais Cindha. Tu faisais quoi ?
- Rien…Pourquoi ?
- Tu as la tête de quelqu'un qui a désobéi à un ordre…
- Il se peut, je dis ça je dis rien, que j'ai fait le tour de la chambre…
- Bienvenue dans ma vie alors ! Tu remarqueras que toi non plus tu n'as pas résister à la tentation de fouiner dans la vie privée de quelqu'un d'autre !
- Tu marques un point.
- Tiens, j'ai ramené des gâteaux.

Je regarde Gabriel dans les yeux, et demande du tac au tac :

-Elle est où ta mère ?
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Pardon, c'est juste que tu ne m'en as jamais parlé, et que j'ai vu des photos d'elle au-dessus de ton lit….
- Elle est loin, très loin. Elle travaille pour l'État. Enfin, pour ce qui reste de l'Etat. Parce qu'on revient plutôt à une monarchie en ce moment…
- Tu parles du prince et de son père ?
- Oui. Ils sont en train de s'octroyer tous les pouvoirs du monde.
- C'est dégueulasse. En plus, personne ne semble se mettre en travers de leur chemin.
- Ils sont trop puissants. Pour revenir à ma mère, elle travaille avec l'État. Sur l'écologie. Mais apparemment en ce moment, le monde va mal…
- Pourquoi dis-tu cela ?
- À cause de toute cette pollution. Le monde est en train de sombrer, Cindha, et personne ne fait rien pour arrêter ce désastre. Et toi, tu ne veux pas savoir qui sont tes parents ?

La question est posée. Je réponds en dissimulant un peu ce que je pense vraiment du sujet :

-Ils m'ont abandonné. Ils ne voulaient pas de moi alors je ne vois pas pourquoi je chercherai à les retrouver. Ils sont peut-être morts…
- Je suis sûr qu'au fond de toi, tu veux savoir qui ils sont.
- Comment tu sais ?
- Parce que l'homme est un être qui déteste être dans l'ignorance. J'imagine à quel point ça doit être dur de ne pas connaître leur identité. Tu dois te poser beaucoup de questions sur eux…
- Oui. La plus fréquente étant : pourquoi ? Pourquoi ils m'ont abandonné ?
- Et puis, moi je pense, qu'ils savent sûrement d'où vient ta capacité à communiquer et à controler les autres formes du vivant.

Je hoche la tête, plus concernée par le sujet que je ne le laisse paraître.

La fille aux yeux verts Où les histoires vivent. Découvrez maintenant