Chapitre 17 : Cindha

2 1 0
                                    

Je ne sais pas vraiment quoi prendre. Des vêtements chauds, ou froids ? Un gros sac, ou un petit sac ? Vais-je me rendre dans les montagnes, ou à la mer ?
Je regarde mon sac, en espérant qu'il puisse contenir tout ce dont j'ai besoin pour cette excursion. Voilà déjà trente minutes que je vagabonde dans ma chambre, à m'arrêter à chaque objet, vêtement, ou encore souvenir, en me demandant : je l'emmène ou je le laisse ? En fait, je me sens…excitée, et angoissée à la fois. Je ne vais pas mentir, je me sens terrifiée à l'idée de partir je ne sais pas où, à parcourir la nature avec juste une carte comme repère. Beaucoup de monde dirait que je suis folle à partir comme ça, à la recherche de quelque chose que j'ignore. Mais qui seraient ces gens pour me juger ? Je m'arrête devant mon mur de photos. Je ressens un petit pincement au cœur. Je pense à mes parents, adoptifs pour plus de précision, en sachant qu'ils remarqueront mon absence dès demain matin. Ils vont me manquer, je le sais. Comme Maeve et Gabriel. Surtout Gabriel, je crois. Je ne peux pas laisser ces images ici. Pour garder bonne conscience, les photos, c'est petits. Ce n'est pas ça qui va prendre de la place dans le sac. Je les détache une part une, en ne manquant pas de jeter un coup d'oeil à chaqu'une d'elles. Elles me ramènent dans le passé, à une période où je n'étais pas celle que je suis aujourd'hui. Je n'avais pas encore ce "pouvoir". Je ne me posais pas toutes ces questions sur ce "Jour". J'étais une petite fille insouciante, qui pensait que la vie ne se résumait qu'au rose et aux paillettes. J'étais loin, très loin de la réalité. Je dois faire ma valise. Je sens que je vais en avoir pour plus longtemps que prévu. Bon alors, que me faut-il pour dormir en pleine nature ? Une tente, un sac de couchage, ma peluche, une lampe, et je pense n'avoir rien oublié. J'attrape un papier et commence à lister tout le matériel nécessaire, en passant par le PQ jusqu'au boîte de sardines. Et je crois que je me heurte à un problème : la taille de la valise. Même en prenant le strict minimum, ce qui inclut quand même mon Journal, et mon doudou, je doute que tout puisse rentrer. Au fond de mon sac, ou je devrai peut-être plutôt appeler ça une valise-sac, j'entasse une vieille tente qui appartient à mes parents, et qui n'a pas du servir depuis un bon bout de temps. J'espère juste qu'elle est encore en état de fonctionner. J'ajoute par-dessus un sac de couchage enroulé, un oreiller qui se gonfle avec de l'air, ma peluche, et mon Journal. Heureusement que je suis seule à la maison. On peut dire que ça tombe bien. Mes parents sont partis dîner chez des amis à eux, j'ai donc champ libre toute la soirée. Ensuite, je m'attaque à la partie habits. En entrant dans une saison plutôt douce, je garnis ma valise-sac de tee-shirts, de shorts, puisque ça ne prend pas beaucoup de place, quelques pantalons pour les soirées fraîches, des sous-vêtements et une ou deux vestes. Maintenant, on passe à la nourriture. La partie la plus importante, sans doute. Déjà, il me faut une gourde, ou deux, au cas ou. En espérant que je puisse les remplir en cours de route. Je file dans la cuisine, kidnappe deux gourdes, les remplis d'eau, et fait le tour des placards. Des gâteaux, des conserves de légumes, poisson, viande, des nouilles instantanées, du pain, des compotes, des chips et autres trucs salés secs, et un bon gros stock de sardines à la tomate, le péché mignon de ma mère. Je pense qu'on est bon pour une grosse semaine de provision. J'emporte le tout dans ma chambre en faisant plusieurs aller retour. Tout rentre dans ma valise-sac, mission réussie donc. Je regarde cette maison vide, qui semble comprendre ce que je suis en train de préparer, et comprends que je ne pourrais pas partir sans avoir dit au revoir à mes parents. Je ne peux pas me résigner à quitter la maison sans leur faire un dernier bisou, un dernier câlin, et dire un dernier : "Je vous aime." Attendre. Voilà donc ce qui me reste à faire. Il doit être environ 21h30. Mes parents devraient arriver dans une heure environ. Je décide de leur écrire une lettre, composée d'un poème, pour qu'il puisse la lire quand ils en ressentiront le besoin. Je vais au bureau, et m'empare d'un papier à lettre, rare de nos jour tellement envoyer des mails est devenus la norme, et un stylo. Je m'assoie sur mon lit, en comprenant que ce sera la dernière fois avant longtemps que je serai installée aussi confortablement. Je laisse mon imagination envahir mon esprit, et en à peine quelques minutes, un poème se construit. Un poème qui exprime mes émotions face à ce départ. Il y a de l'angoisse, de la tristesse et de la peur. J'ai ajouté un petit texte pour les remercier personnellement :

"Mes chers parents je pars,
Où je ne sais pas,
Pendant combien de temps je ne veux pas savoir,
Je sais juste que je pars,
Loin d'ici loin de là,
Je vous dit au revoir,
Demain matin je pars,
S'il vous plaît ne me retenez pas,
En moi vous devez croire,
Trouver mon passé je pars,
Ne pleurer pas je suis là,
Près de vous vous devez me croire,
Mes chers parents je pars,
Je penserai à nous ne vous en faites pas,
Laissez moi prendre mon envol je veux savoir,
Qui je suis je pars,
Loin d'ici loin de là,
Je vous dit au revoir,
Demain matin je ne serai plus là."

Je vous aime, papa et maman, je vous aime plus que tout. Vous êtes mon rayon de soleil au quotidien. Ne pleurez pas trop. Je penserai très souvent à vous, et un jour je reviendrai. Maman, reste forte et garde le sourire. Papa, n'oublie pas ces nombreuses heures qu'on a passé à jouer ensemble. Moi, je n'oublierai pas. Je ne vous remercierai jamais assez pour ce que vous avez fait pour moi.

Petit oiseau doit prendre son envol,
Vers les cieux et l'au delà,
Ne le retenez pas,
Ne soyez pas les chaînes qui le retiennent au sol,
Laissez le partir,
Il doit prendre son envol.

Votre fille qui pleure à l'idée d'être loin de vous,
Cindha."

Je crois que je suis en train de prendre conscience de ce qu'il va se passer. Je crois que je suis en train de comprendre que je ne reviendrai sans doute jamais ici, que je ne reverrai jamais mes parents et que je ne serai probablement plus en vie dans un futur proche. Je ressens un comme un besoin primaire d'écrire. Je sors mon Journal de la valise-sac, et commence à transcrire en mots les sensations qui me parcourent :

"Je ne vais pas mentir, je suis triste à l'idée de partir.
Je ne vais pas te cacher que j'ai envie de pleurer,
Je ne vais pas dissimuler le fait que je souhaite rester,
Je ne vais pas courir derrière mon avenir,"

Demain, c'est le grand départ. Je pars d'ici pour l'inconnu. Je ne sais pas si je suis triste, joyeuse, si j'ai peur ou si j'ai hâte, sans doute un mélange de tout ça."

Écrire ça fait du bien. Ça vide, et ça soulage.
J'entends la porte d'entrée grincer et comprends que mes parents viennent de rentrer. Je descends les escaliers en courant, et les prends dans mes bras. Je sens quelques larmes pointées le bout de leur nez, mais je les refoule au fond de mon être, consciente que mes parents ne comprendraient pas pourquoi je pleure.

-Et bien, qu'est-ce qui t'arrives ? Tu veux nous demander quelque chose ?
- Si seulement ! Non, je veux seulement faire un câlin à ceux que j'aime.
- Oh, c'est tellement rare ! Tu es sûre que tout va bien ?
- Oui. Très bien même.
- Tu pleures ?
- N…non, j'ai les yeux qui piquent.

Je serre mon père, puis ma mère dans mes bras, et murmure :

-Je vous aime, je vous aime de tout mon coeur. Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi.
- Tu vas nous faire pleurer ! Nous aussi on t'aime.
- Tu es le soleil qui a illuminé notre vie depuis le jour où tu es arrivée.

Je reste encore quelques secondes comme ça, serrée contre ces deux personnes que j'aime plus que tout. Puis, vient le moment du au revoir. Je m'éloigne, doucement, lentement en ne sachant pas si je les reverrai un jour. Je grave dans mon esprit leur portrait pour me le rappeler quand je voudrais abandonner. Je remonte les escaliers, plus lentement, moins précipitamment que tout à l'heure. Je m'allonge dans mon lit. Je fixe le plafond. J'attends. Que les heures, les minutes, les secondes s'écoulent.
Je crois que je me suis endormie. Il est 7h50 du matin. Papa et maman doivent déjà être partis. Je me lève, doucement, lentement. Je suis seule dans la maison. C'est le bon moment. Je m'habille rapidement, dévale les escaliers trois par trois. Je me prépare un bon petit déjeuner. Des œufs aux plats, du pain aux céréales et du fromage. De quoi prendre des forces avant l'aventure. Je commence à manger et aperçois un petit post-it posé sur la table. Un petit mot de maman :

" Je t'aime ma chérie, passe une bonne journée.
À ce soir."

Je ressens un petit pincement au cœur en comprenant que ce soir, lorsqu'elle rentrera à la maison, elle sera vide. Alors elle attendra mon retour, mais voyant les heures, les jours défiler sans mon apparition, elle perdra espoir de me revoir.
Je sors la lettre de ma poche et la laisse bien en évidence sur la table, à la place qu'occupait le post-it quelques instants plus tôt. Je débarrasse la table, et remonte chercher mon sac. Un dernier petit tour dans cette chambre, ma chambre, dans laquelle j'ai vécu durant quinze ans. Puis, je sors. Je vais une dernière fois aux toilettes, et dans les autres pièces de la maison. Ensuite, vient le moment de fermer la porte. Une porte qui marque le début d'un nouveau chapitre.

-Qu'est-ce que tu fais ici ?!

La fille aux yeux verts Où les histoires vivent. Découvrez maintenant