9. Aline

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La sonnerie de fin des cours retentit et Aline lâche un soupir de soulagement. La journée se termine enfin. Elle range lentement ses affaires, prenant son temps à cause de son attelle, et sort ensuite de sa salle de classe, mettant son casque sur ses oreilles pour éviter les gens.

Les visages des autres lui semblent flous, comme si elle avait appuyé sur un bouton afin de ne plus les voir. Ou quelque chose comme ça. Ses yeux bleus se posent un peu partout, quelques élèves semblent la saluer, d'autres lui sourire. Elle n'en est pas sûre, voilà des mois qu'elle n'accorde plus vraiment d'attention à la masse, préférant se concentrer sur quelques individus, comme ses frère et sœurs, Lucie, son père, sa mère et Elias. Avant, il y aurait eu son équipe aussi, mais puisqu'on la remplace si facilement et qu'on lui interdit de jouer, même un peu... Elle préfère les effacer de son disque-dur.

Tout en marchant sur le trottoir, ses cheveux voletant dans la brise printanière, Aline sort son téléphone pour relire le message de son ami décoloré avec un début de sourire aux lèvres.

Elias — 09h02 :
Tu sais que t'as le droit de venir quand tu veux !
Enfin, faut prévenir avant quoi, je veux pas que tu sois trauma en me voyant me balader presque à poil dans le garage-
Bref, viens à la fin de tes cours si t'as besoin !

Elle n'a pas pris le temps de lui répondre, et ça ne sert plus à rien de lui répondre maintenant. La blonde accélère son pas, souriant comme une adolescente normale, et arrive bien vite devant la maison de son meilleur ami qui lui fait signe... depuis le toit.

— Hello ! fait ce dernier en souriant comme un gamin.

— J'arrive ! répond l'adolescente en allant poser son sac sur le canapé, dans le fond du garage.

Elias sourit lorsqu'il aperçoit la petite tête blonde qui essaye de grimper avec son attelle, il se moque un peu avant de finir par la hisser à ses côtés, la laissant reprendre son souffle. Les joues d'Aline sont rouges à cause de l'effort et du rire qui éclate entre ses lèvres.

Mais son rire s'étrangle bien vite tandis qu'elle observe les nuages blancs filer dans le ciel bleu. Elle sait qu'elle devra bientôt filer pour aller chercher les trois terreurs qui lui servent de fratrie. Le jeune homme à ses côtés lui caresse le sommet du crâne, la laissant se détendre un peu avant de retourner se précipiter en Enfer. Dans son enfer quotidien.

Bientôt il pourra l'emmener loin d'ici, la ramener auprès de sa mère, cette femme qui n'a jamais eu le droit de la garder. Dire qu'elle l'a à peine au téléphone lors de ses anniversaires ! Est-ce une vie lorsqu'il faut grandir sans l'un de ses parents auprès de soi ? Le décoloré ne pense pas.

L'adolescente regarde l'heure et ses yeux bleus s'assombrissent. Il est temps pour elle de retourner dans son enfer, profitant encore d'un instant de "paradis" en allant chercher le reste de sa fratrie. Un message de Lucie apparaît à l'écran.

Lucie — 16h54 :
On rentrera tard avec Michel.
Désolée de devoir te laisser seule avec les petits...
Je viendrai te voir pour qu'on discute de ta journée quand on rentrera si tu veux.
Bonne nuit d'avance aux trois terreurs ! Et à toi aussi, ma belle !

Lucie, une si gentille femme avec un être aussi vil que Michel. Aline soupire, se demandant si cette trentenaire tient vraiment à son père.

Elias la secoue avant de l'aider à descendre. Pendant qu'elle va chercher son sac de cours, lui saute dans l'herbe et grimace sous le choc qui fait trembler ses chevilles.

— Ça t'apprendra à frimer !

Le jeune homme se retourne et aperçoit sa mère, morte de rire, qui l'engueule parce qu'il passe son temps à frimer ou à faire le con. Puis elle l'engueule en voyant Aline partir.

— Va raccompagner ton amie au lieu de rester planté là tel un épouvantail au milieu d'un champ de maïs ! Il va faire noir.

— Mais il fait encore jour... grogne-t-il en se relevant pourtant et en courant après la blonde qui avance vite.

Arrivé à la hauteur de son amie, il lui prend la main. C'est un réflexe un peu bizarre, mais c'est comme ça. Aline entrelace ses doigts à ceux d'Elias, posant sa tête sur son épaule. Ceux qui ne les connaissent pas peuvent les croire en couple. Et ceux qui les connaissent savent que ce n'est pas le cas mais ont quand même des doutes. Puis ceux qui ont l'habitude de leurs petites manies savent que ce sont des réflexes pour ne pas se perdre en eux-mêmes.

Elias se concentre sur la route, Aline sur son océan de pensées. Mais la blonde revient vite à la réalité lorsqu'ils arrivent à la maternelle et que Cléo court vers eux en souriant, comme chaque soir.

La petite dernière des Lacroix câline sa grande sœur qui la prend dans ses bras. Puis Cléo salue timidement Elias comme à chaque fois qu'elle le voit, il l'intimide avec ses tatouages et ses cheveux décolorés.

Au bout d'un moment, après maintes et maintes rues, le trio arrive devant l'école primaire pour récupérer les jumeaux. Emily salue le meilleur ami de sa grande sœur, essayant presque de flirter avec lui comme le ferait une adolescente. Emmanuel se contente d'une poignée de main secrète que les deux garçons ont mise en place.

Autour d'eux, ça chuchote. Les institutrices font des sourires d'excuse à Aline, si souvent prise pour une mère avant l'heure. Cette dernière hausse les épaules et discute avec la prof des jumeaux qui accaparent son ami, Cléo somnolant dans les bras de la blonde.

C'est Emmanuel qui coupe court à la discussion, ayant probablement un sixième sens vu qu'on parlait de lui.

— Aline, on peut rentrer goûter ? se lamente-t-il en tirant sur son bras.

— Oui, oui, soupire-t-elle avant de s'excuser auprès de son interlocutrice puis de suivre les deux jumeaux survoltés qui font la course avec son meilleur ami.

EscapeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant