17. Aline

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Assise sur son lit, les yeux fermés, Aline attend le retour des deux vrais adultes de la maison. Quelle heure est-il ? Elle n'en sait rien. Elle s'en fiche. A quoi bon se soucier du temps qui passe quand notre vie est ralentie, voire arrêtée ? Compter les secondes sert-il encore à quelque chose quand elles se ressemblent ?

La blonde ne veut pas le savoir. Tout ce qu'elle préfère savoir c'est si elle est morte ou non. Pour l'instant, elle est simplement une morte-vivante, pas tout à fait morte, mais pas tout à fait vivante non plus. À cheval entre les deux.

Dans le silence, la porte d'entrée claque. De là où elle est, Aline entend son père délirer sous l'alcool tandis que Lucie essaye de le garder calme. Pas gagné vu les antécédents de Michel quand il a quelques verres dans le nez. Manquerait plus qu'il frappe Lucie ! La gentille Lucie, la douce Lucie. Les petits paniqueraient si cette femme se retrouvait avec des hématomes sur le corps. Donc c'est Aline qui prend les coups. Toujours. Elle a promis, après tout.

L'adolescente descend jusqu'au rez-de-chaussée et reste dans l'ombre de l'encadrement menant au salon. Le tic-tac de l'horloge n'est qu'un simple bruit de fond, mais semble remplir tout l'espace de ce son répétitif. Michel Lacroix est un étranger. Un imposteur. Il ne révèle sa vraie nature que sous les brumes de l'alcool. C'est celle-ci qui est assise sur le canapé.

Qu'il dégage... pense Aline comme à chaque fois.

Silencieuse, telle une ombre, tel un fantôme, elle observe Lucie défaire la cravate de cet homme qui ne mérite pas d'être appelé "père" ou "papa". Un rayon de lune éclaire la petite pièce, Michel a le temps de voir son aînée, la prend quand même pour une autre.

— Clara ? fait-il en se redressant, Lucie tournant la tête pour découvrir l'adolescente qui s'avance.

— Non. Aline.

La jeune fille ne montre pas qu'entendre le nom de sa mère lui fait quelque chose. Son cœur remue au prénom de sa génitrice, battant face à l'espoir du retour de cette dernière. Mais non, Clara Lacroix n'est pas là. Clara Lacroix n'existe plus depuis le divorce. C'est juste... Clara.

— Va te coucher, Lucie, je m'occupe de lui, reprend la blonde en arrivant près des deux adultes.

— Ma puce... commence la femme avant d'être interrompue.

— Ça va aller. Tout ira bien.

La trentenaire hoche la tête, lui embrasse le front et disparait dans la pénombre du couloir pour enlever ses chaussures avant de grimper les escaliers.

Seule avec son père, Aline se voit tenter d'étrangler ce dernier avec cette horrible cravate qu'il porte autour du cou. Il le mériterait. Mais on ne remplace pas une pourriture par une autre. Après tout, quand on se bat contre des monstres, il faut prendre garde à ne pas devenir monstre soi-même. Alors elle se retient de l'étouffer comme lui étouffait ses cris lorsqu'il la frappait quand elle refusait d'aller dans son sens, quand elle osait tenir tête, quand elle se rebellait, quand elle le mettait en colère alors qu'il était bourré. Quand elle ne réussissait pas à l'école. Quelle ironie quand elle voit qu'il semble rater sa vie. Ah, qu'est-ce qu'elle le déteste !

— Tu t'es enfilé combien de bouteilles cette fois, connard ? grogne la blonde. Hein, enfoiré ?

Michel réagit à peine, trop sonné par l'alcool qui coule abondamment dans ses veines. Pathétique. C'est tout qu'il est. Et la jeune fille ne le prendrait jamais en pitié. Si seulement il pouvait s'étouffer dans son vin, sa bière ou sa vodka ! Ça lui ferait des vacances.

— T'as l'air trop mou pour me frapper, aujourd'hui. Faut croire que Lucie t'a fait boire comme un trou.

— Ta gueule.

Ah. Première réaction du père Lacroix. Aline s'en formalise peu, préférant lui retirer sa cravate, juste histoire que personne ne puisse venir dire qu'elle n'était pas une enfant dévouée. Il n'y avait pas plus dévouée qu'elle dans cette famille qui n'en avait que le nom.

Son père lui colle une claque sur le dos de la main, refusant qu'elle le touche. Pourtant Aline persiste à tout faire pour qu'il reste en vie. Alors il la retape un peu plus fort. Face au reste, ces claques sont de la rigolade. Elle a déjà subi pire. Bien pire.

— Lâche-moi ! s'écrie Michel avant qu'elle n'étouffe sa voix en collant sa main contre sa bouche.

— Mais ta gueule ! Tu vas réveiller tes enfants !

Merde. L'adolescente se rend compte de sa boulette trop tard. Et le coup ne tarde pas à partir malgré le ralentissement dû à l'alcool. Sa tête tourne rapidement vers le côté, la faisant tituber et tomber au sol. Elle voit trente-six chandelles, mais n'a pas le temps de retrouver le sens de la vue. Son champ de vision s'obscurcit au fur et à mesure qu'il compresse son cou avec ses grandes mains.

Aline se débat, le frappe, le griffe, tente même de le mordre. Tout pour qu'il lâche prise. L'un de ses pieds finit par frapper son père à l'estomac, manquant de le faire vomir.

Elle a encore l'impression de sentir ses mains sur son cou. Mais elle se rue tout de même vers le grenier, sa chambre, pour sortir son immense sac de sport de sous son lit. La blonde remplit son sac de vêtements, sous-vêtements, et autres trucs essentiels. Lucie l'entend retourner toute la maison et finit par se lever, ne voyant qu'un éclair blond descendre les escaliers dans la pénombre des lieux. La jeune femme jurerait avoir vu des larmes dans les yeux de l'adolescente.

Aussitôt, elle descend et découvre son amant plié en deux dans le salon, répétant une même question : "Qu'est-ce que j'ai fait ?". Mais Aline est déjà trop loin pour que Lucie puisse la suivre.

Dans la rue, dans le froid, dans la nuit, la jeune Lacroix se dit qu'elle est fichue. Que la mort est là, pas bien loin. Et ces larmes qui ne cessaient pas de couler ! Elle arrive devant la porte de garage derrière laquelle se trouve son meilleur ami. Elle a besoin d'Elias. Maintenant.

Alors elle toque contre la porte de garage.

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Hello,
pour ceux qui ont Spotify, j'ai fait les playlists des personnages d'Escape. Bien entendu, il y a Aline, Silas, Mallory et Gabin, mais aussi Théo, Olivia et Victoire. Je n'ai pas encore fait la playlist d'Elias.

Normalement, c'est Edel le nom de mon profil.
Sinon, il faut taper le nom du personnage puis " 's playlist (from Escape) ", c'est à voir si ça marche, auquel cas, j'essaierai de trouver une solution, sinon ce sera tant pis.

Bon, moi, je vais aller faire ma valise pour la Grèce vu que je pars vendredi.

Bisous !

— Edel

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