12. Gabin

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— Je vais prendre ma douche, tu touches à rien, demi-portion, lâche Gabin en se levant, rangeant son téléphone dans sa poche arrière.

Olivia hoche la tête en mâchant encore, n'ayant pas terminé son assiette. Le noiraud soupire et lui essuie de l'œuf sur le menton, secouant la tête face à ce comportement si insouciant chez une jeune adulte. Puis il file vers sa salle de bain pour prendre sa douche.

La jeune femme l'observe partir, les joues légèrement rouges, gênée d'être laissée seule dans l'appartement du jeune homme. Pas que ce soit la première fois qu'elle se retrouve dans l'habitation de quelqu'un du sexe opposé ! Mais disons que ce qui la gêne le plus soit le fait que cet appartement soit celui de Gabin...

Ce dernier l'intimide, l'impressionne, titille sa curiosité. Elle sait quasiment toute la vie de tous les habitants de l'immeuble, étant amie avec tout le monde, sauf lui, le petit nouveau du mois. C'est presque un challenge. Mais il la perturbe tellement qu'elle ne sait jamais poser ses questions. Et puis, il a l'air assez fermé à la discussion...

Soudain, Olivia sursaute et manque de s'étouffer avec sa bouchée. Puis elle rit, comprenant que ce n'est que le bruit de la douche qui résonne dans l'appartement presque vide. Lorsqu'elle finit enfin son assiette, elle décide de faire la vaisselle, retroussant ses manches pour les plonger dans l'eau lorsqu'elle sera chaude.

Elle sifflote, chantonne, fait quelques pas de danse pendant qu'elle lave les assiettes et les couverts. Elle se dit qu'elle doit bien ça au Chevalier qui lui a - gentiment - préparé le petit-déjeuner. A cette pensée, elle sourit, ce petit-déjeuner est bien la preuve que le comportement grognon de Gabin s'est un peu adouci.

La jeune Deschamps finit enfin la vaisselle et essuie ses mains en se baladant, jouant les curieuses, ne touchant à rien. Elle inspecte les photos sur le meuble de la télévision : une femme et un homme, plus vieux que Gabin, probablement les parents de ce dernier ; Gabin et une adolescente, les deux sourient, Olivia sourit en voyant ce sourire que Gabin ne fait jamais depuis qu'elle le connait ; la famille au complet. C'est tout. La jeune femme se relève pour observer les tranches des livres qui colonisent les étagères de la bibliothèque : beaucoup de livres de recettes, quelques romans perdus ici et là.

Olivia tourne la tête en entendant la porte de la salle de bain s'ouvrir et sent sa mâchoire se décrocher lorsqu'elle croise le regard sombre du noiraud qui est simplement torse nu, une serviette autour de la taille. Elle bave presque face à tous ses muscles et aux quelques tatouages qui décorent les bras de Gabin.

Lui aussi ne sait pas décrocher son regard d'Olivia qu'il contemple doucement, se rendant probablement compte qu'elle est belle. Surtout depuis que sa teinture étrange a disparu. Timidement, son corps bouge, tremble et fait un pas vers la jeune femme. Cette dernière sourit timidement, puis s'approche comme une collégienne amoureuse : d'abord lentement, puis avec cette hâte étrange lorsqu'on veut être auprès de l'autre rapidement.

Les mains d'Olivia se pose sur la taille du jeune homme qui esquisse un sourire, sans vraiment comprendre l'attraction qui se joue entre eux à cet instant. Gabin se souvient qu'il la supporte à moitié, qu'aimer amène à la destruction de soi. Pourtant, il a envie d'aimer Olivia Deschamps : pas seulement parce qu'elle est belle - au contraire, elle est magnifique -, mais parce qu'elle le rend vivant. Dans un murmure, il lui révèle un bout de pensée tandis que l'une de ses mains se pose sur la joue de cette petite femme :
— Tu m'énerves, m'agace, mais bizarrement, une part de moi veut t'aimer. T'avoir juste pour moi. Parce que tu me rends vivant.

Olivia rougit aux paroles du noiraud, se rendant compte qu'elle aussi, elle ressent tout ça. Parfois, de façon moins jolie, comme lorsqu'elle a des pensées étranges d'elle et Gabin dans un lit. Ne sachant quoi dire, elle ferme les yeux, collant sa joue à la main de ce dernier.

D'ailleurs, Gabin Chevalier caresse sa joue du bout du pouce, mettant lentement sa main derrière la nuque de la jeune femme tout en se penchant vers elle. Mais elle est si petite ! Il rit doucement et lui souffle sur le visage.

— T'es trop petite, chérie, faut que tu grandisses.

— Porte moi alors, répond-t-elle, très sérieuse.

— Ça me donne des ordres maintenant ? lâche Gabin, moqueur.

Olivia se colle à lui, passant ses mains autour du cou du jeune homme en le regardant. Elle se mord doucement la lèvre inférieure et il cède face à cette princesse à la peau dépigmentée à certains endroits à cause du vitiligo. Il la prend dans ses bras et la porte pour la coincer contre le mur tandis qu'elle enroule ses jambes autour de sa taille, puis le noiraud glisse ses mains sous les cuisses de la jeune femme qui frissonne.

— Tu es sûre de vouloir m'aimer ? demande doucement Gabin en se cachant dans le cou d'Olivia qui lui caresse les cheveux en silence. Je suis cassé à l'intérieur, tu risques d'avoir mal.

— Tout ce qui est cassé se répare, non ? fait-elle dans un murmure, presque un souffle à peine audible.

— Pas toujours...

Olivia Deschamps lui fait relever la tête, caressant sa joue tandis qu'ils collent leurs fronts, et effleure ses lèvres avec les siennes en le regardant droit dans les yeux. Une larme s'échappe des yeux noirs de Gabin qui veut se cacher, détestant pleurer devant les autres. Doucement, il repose la jeune femme qui veut le prendre dans ses bras, mais il se dérobe.

— Gabin... murmure-t-elle.

— Je.. Je vais aller m'habiller, ou je vais attraper froid, dit-il, gêné et honteux.

Alors il s'échappe dans sa chambre, laissant une odeur de shampooing dans son sillage, laissant Olivia seule qui doit choisir entre rentrer chez elle pour aller travailler ou rester chez Gabin pour potentiellement devoir veiller sur lui. Elle hésite et finit par choisir son travail, se disant que le jeune homme veut rester un peu seul, qu'il s'est trop dévoilé d'un coup alors qu'il ne comptait pas le faire.

Lorsque Gabin sort de sa chambre, un mot d'Olivia lui expliquant son absence l'attend sur la table basse du salon.

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