18. Silas

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En cette fin du mois de juin, la chaleur est étouffante. Silas a l'impression de fondre pendant son dernier examen. Ce ne sont pas les examens ou le fantôme de Juliette qui le tuent, mais bien la chaleur. Il tire sur le col de sa chemise, cherche à respirer un peu d'oxygène dans le mince filet d'air qui passe par la porte ouverte.

Et puis enfin il termine. Posant son stylo, il s'étire ensuite avant de ranger ses affaires dans son sac. Puis il se lève, son sac en bandoulière, afin d'apporter son examen au professeur chargé de les surveiller. Celui-ci s'étonne, regarde l'heure puis l'élève.

— Tu as fini tôt, finit par lâcher l'adulte.

— Je sais.

C'est tout ce qu'il sait répondre le jeune Destombes. Voyant que le prof hésite à prendre sa copie, il la pose sur le bureau avant de sortir de la salle pour être frappé par la vague de chaleur. Et lorsqu'il voit Emma se précipiter vers lui, il recule, l'évite en une pirouette et continue sa route vers la cafétéria, son amie lui courant après. Ça serait un miracle qu'elle ne s'écroule pas par cette chaleur !

— Mais Silas ! geint la jeune fille en s'agitant dans tous les sens. Je dois te parler ! Enfin, on doit te parler !

— Qui ça "on" ? s'arrête le jeune homme, son amie le percutant dans le dos.

— Bah Claire, moi et ceux qui partent avec nous en vacances ! Me dis pas que t'as oublié ?

Silas lui lance un regard coupable derrière ses lunettes et ses bouclettes. Il faut dire qu'il s'est jeté à corps perdu dans les révisions en espérant oublier Juliette. Sa Juliette. Et, de fait, il en a peut-être aussi oublié le reste. Mais peut-on vraiment le lui reprocher ?

Emma plisse les yeux, essuie la sueur sur son front et lui attrape la main pour le tirer jusqu'à la cafétéria où, miracle !, il y a la climatisation et des glaces à disposition. À l'une des tables, Claire et d'autres étudiants mangent déjà les délices glacés, qu'ils soient au chocolat, à la fraise ou à la pistache. Voire au citron. La petite brune lui indique la table, se dirigeant vers les bacs de glace.

Plus il s'approche, plus le jeune homme reconnaît les étudiants : Leni, Céline, Lucian, Valéria, Matteo. Et en bout de table, il y a le fameux Théo, celui à la guitare, celui du parc. Les deux garçons se regardent en silence, se reconnaissent, se sourient presque - enfin, du côté de Théo surtout. C'est cet instant qu'Emma choisit pour réapparaître et lui coller une glace au chocolat dans les mains.

— Bah assieds-toi ! s'écrie-t-elle en prenant place près de Lucian. T'attends quoi ?

Évidemment, la seule place libre, c'est près de Théo. À croire que le destin le fait exprès. Le jeune homme secoue la tête, agitant ses adorables bouclettes, avant de finalement s'asseoir à la place libre pour manger sa glace et écouter les autres. Il se sent aussi fondu que les glaces, ou peut-être est-ce simplement son esprit qui se liquéfie depuis le début de l'été ? Oh, et puis, il s'en fout. A quoi bon s'encombrer la tête avec des pensées inutiles ? Agacé par lui-même, il se venge sur la crème glacée qui n'a rien demandé.

Du coin de l'œil, Théo l'observe en esquissant un sourire. Sourire qui n'échappe pas à Claire, assise en face des deux garçons. Matteo et Valéria discutent de leur dernier examen tandis que Lucian taquine Emma en lui mettant de la glace sur le bout du nez, et Leni et Céline relisent leurs notes pour leur examen du lendemain. En les voyant comme ça, difficile de se dire qu'ils ont parfois des choses en commun.

Soudain, Claire frappe la table du plat de la main, faisant sursauter tout le monde, enfin, sauf Silas et Emma, habitués à ses réactions subites. D'ailleurs, ces deux-là regardent leur meilleure amie qui rit doucement, s'excusant seulement par le regard. Une folle !

— Bon ! s'exclame cette dernière avant de fouiller son sac pour en sortir un carnet et un stylo. Des idées de lieu de vacances ?

— La mer, lâche Théo.

— La montagne, rétorquent Matteo et Leni.

— La campagne, lâchent Céline, Valéria et Lucian.

Théo colle son dos au dossier de la chaise en croisant les bras, boudeur. Silas ne peut s'empêcher de le trouver adorable et de pouffer. Puis il se prend un stylo au visage, intercepté heureusement au dernier moment par Matteo.

— Au lieu de rire, dis ton idée ! s'enflamme Claire en reprenant son stylo.

— La mer, fait le Destombes en roulant des yeux face aux regards remplis de sous-entendus de ses meilleures amies.

Du coin de l'œil, il aperçoit Théo qui retrouve le sourire. Son cœur loupe un battement. Théo a quand même un sourire sacrément beau. Ou mignon ? Les deux, probablement.

Il ne reste plus que les deux commères qui se font une conversation silencieuse à coup de regards et de mouvements légers de leurs lèvres. Un moyen de se parler sans être comprises qu'elles ont mis au point en à peine quelques jours, il y a des années de cela. Après quelques minutes de leur petit manège, elles hochent la tête de concert.

— On prend la mer aussi, disent-elles en même temps.

Silas ne peut s'empêcher de les trouver louches tandis que le reste du groupe râle en souriant. Les deux filles ont probablement un plan en tête, mais lequel ? Il devra sans doute le découvrir durant les vacances.

— Bon, les transports, et le logement, continue Claire en grattant, noircissant la page de son écriture pressée. Le logement, je m'en occupe, mais pour y aller, on fait quoi ? Train ? Voiture ?

— Voiture, comme ça on pourra faire les cons, balance Lucian en riant déjà.

— Qui a le permis ? intervient Valéria.

Claire et Emma regardent Leni et Théo. Ces deux derniers soupirent mais acceptent malgré tout et vient alors le moment de se répartir dans les deux véhicules : Céline, Valéria, Lucian et Emma iront avec Leni tandis que Claire, Matteo et Silas iront avec Théo.

— J'ai hâte d'y être ! sourit Céline, ravie.

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