Lycée Voltaire - 1963
L'ambiance dans la cour cette matinée là n'était aucunement semblable avec les précédentes. Monsieur Bellanger se demandait ce qu'il se tramait. Qu'est-ce que les garçons avaient encore inventé cette fois ? Tous les secondes 1 semblaient en profonde interrogation, certains débattaient et se disputaient presque. D'autres gardaient leurs réponses pour eux. Le seul point commun : ils avaient un stylo et notaient sur de petits bouts de papier un contenu jusque là inconnu au surveillant général. C'était d'autant plus déconcertant que deux des filles de cette classe paraissaient aussi perturbées que lui, se demandant si elles n'avaient pas oublié un devoir à faire ou une interrogation à réviser. Le phénomène n'était pas flagrant pour ceux qui préféraient aborder leur week-end ou ce qu'ils avaient prévu pour les vacances de la Toussaint. Pour le regard avisé d'un homme tel que lui, cela sentait les ennuis. Il ne savait pas exactement de quel ordre ni de quelle gravité. Alors il se dirigea sans attendre vers Daniel Applebaum, clairement en plein dilemme. Il demanda ce qui pouvait bien le tracasser - dans la salle des professeurs, il ne lui semblait pas avoir eu vent d'un examen. Le jeune homme rangea sa note le plus naturellement possible et se mit à raconter les problèmes qu'il rencontrait à la maison. Occupant monsieur Bellanger jusqu'à ce que la sonnerie ne retentisse.
La journée se déroula avec ces messes basses et griffonnages à l'abri des regards qui éveillèrent surtout la curiosité d'Hadler et de Sabiani, elles firent des hypothèses et se mirent à l'esprit d'aller voir Pichon pour l'interroger. S'il gardait le silence ou mentait, elles tenteraient de voler les précieux morceaux de cahiers arrachés. Lors de la dernière pause, avant les deux heures de cours qui signaient la fin du lundi, les enquêtrices en herbe bloquèrent le passage d'Henri dans les grands escaliers, affichant des mines qui lui firent froid dans le dos. Faussement aimables. Mielleuses.
"Je sais ce que vous allez me demander mais..." il baissa la voix tandis que le groupe de Descamps descendait les marches, soudainement intéressé par leur discussion.
"Je ne peux pas en parler." termina de dire le chef de classe en rejoignant ses amis dehors, un sourire sincère et désolé sur le visage.
Annick pesta puis tira la main d'Hadler, elles se cachèrent et surveillèrent derrière les fenêtres qui offraient une vue excellente sur la cour.
"Regarde." ordonna la blonde à son amie.
Vergoux passait pour ramasser les bulletins qu'on lui tendait et se rendait aux toilettes des garçons en vérifiant que personne ne le suivait. Il n'y avait aucune trace de Dupin ou Descamps dont le banc favori était étrangement inoccupé.Cachés au fond des sanitaires, l'inséparable duo comptait les voix et notait dans quel ordre chaque candidates revenaient le plus. Joseph avait retardé la compétition par besoin de digérer l'épisode du fiancé. Encore empli de ressentiment, il écrivit sur l'ultime papier, plaçant Hadler en dernière avec un sourire satisfait. Il le posa en haut de la pile et s'apprêtait à les mettre dans un toilette pour tirer la chasse quand du bruit se fit entendre à l'entrée. Dupin se hâtait d'obtenir les scores pendant que son ami se dirigeait vers la source de ce remue-ménage. Il vit Hadler pousser l'un des garçons qu'il avait posté là, suivie de près par sa comparse. Sans qu'il ait le temps de faire un mouvement, Annick lui avait arraché son précieux trésor des mains et se mit à partir en courant. L'étrangère tenta de faire barrage mais fut vite envoyée dans un des cabinets. Surprise. Joseph sortit en claquant la porte derrière lui mais c'était trop tard, la blonde avait rejoint Michèle Magnan et Simone Palladino - monsieur Bellanger venait de sortir de l'infirmerie. Il observa Descamps qui ne lâchait pas les filles du regard. Fulminant de rage. Lorene passa devant lui, un air douloureux sur le visage. Le bras éraflé.
Le dernier cours fut tendu, seuls ceux qui ignoraient l'histoire du classement étaient attentifs au problème d'arithmétique figurant au tableau noir. Descamps se tortillait sur sa chaise, il se penchait afin de deviner où les filles planquaient les preuves de leur dernier coup. Monsieur De Goff vit comme son élève était distrait. Alors il lui ordonna de se rendre sur l'estrade, histoire d'éclairer les lanternes de ses camarades vis-à-vis de la marche à suivre pour trouver la réponse. Au début, Joseph souffla en se levant puis il se rendit compte que son enseignant lui offrait une vision idéale sur le premier rang et le duo situé plus en retrait. Malheureusement, aucun indice ne lui permit de retrouver ses biens.Les quatre filles se réunirent dans les toilettes des professeurs, partageant le paquet entre elles et les plaçant dans des endroits où leurs assaillants n'iraient pas investiguer. A présent, il fallait qu'elles se séparent chacun d'un côté une fois arrivées à la grille. Annick était particulièrement soulagée que Pichon lui ait offert le vélo inutilisé d'une de ses sœurs. Elles prirent le temps de patienter et dès que le silence se fit dehors, quittèrent la pièce. Michèle comptait sur Jean-Pierre pour la protéger un minimum. Elle vérifia les alentours et traversa les groupes occupés face au portail entrouvert. Annick et Simone prirent le deux-roues ensemble. Ne restait que Lorene, la plus vulnérable qui avait un leurre dans la poche fermée de son cartable. Une fois le lycée fermé, les regards de Dupin, Vergoux et Descamps se posèrent immédiatement sur elle. L'anglaise regretta brutalement de ne pas avoir accepté les services de son chauffeur ce jour-ci. Sa salive avalée avec difficulté, elle commença à prendre la route qui menait à la résidence en baissant la tête. La technique de l'autruche aurait pu fonctionner seulement, son crâne heurta le torse de Joseph, affichant un sourcil levé.
"Je peux savoir ce que tu comptes faire à présent ? Hormis me donner ton sac sans faire d'histoire."
Hadler ne s'était jamais sentie en position d'infériorité. Là, trois adolescents lui bloquaient son unique échappatoire. Personne autour d'eux ne voulait intervenir et malgré la diversion qu'elle avait imaginé, elle craignait sincèrement que l'un d'eux ne découvre l'exact emplacement des notes. A contrecœur, la seconde tendit la pièce de cuir. Malgré son ascendance, Joseph n'osait toujours pas la regarder dans les yeux. Il fouilla, retourna tout le contenu sur un muret à proximité. Rien. Ce n'était pas Hadler qui les possédait. D'humeur généreuse, il rangea au mieux ce qu'il avait défait et rendit le sac à sa propriétaire.
"Qu'est-ce que c'était finalement ?" demanda celle-ci, un élan d'espoir dans la voix.
"Rien qui te concerne.".........................................................
Petit chapitre surprise pour ce samedi !
La situation est plutôt délicate...est-ce que Lorene va trouver le bulletin de Descamps ? Et si oui, quelle sera sa réaction ?
Merci pour vos votes, merci à celles et ceux qui likent tous les chapitres et qui commentent ! Merci pour vos lectures !
Une traduction en anglais est prévue et sera publiée sur mon compte.
Bien à vous, Camille
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The devil's heart - Joseph Descamps Mixte 1963
Romance1963 - Le premier lycée ouvre ses portes aux jeunes femmes, faisant preuve de modernité dans un monde en éternelle évolution. 12 demoiselles se sont armées de détermination afin d'obtenir leur diplôme et ainsi briser les codes d'une société qui les...