Chapitre 5

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Lycée Voltaire - 1963

     Lors du cours d'Histoire, madame Giraud avait lancé une petite compétition pour savoir qui serait digne de devenir chef de classe. Lorene devina que sa voisine de table connaissait la réponse également. Ce n'était ni dans l'intérêt d'Hadler ni dans celui de Sabiani d'obtenir le titre que Felbec - le premier de la classe - convoitait. Alors la jeune anglaise garda cette information pour elle. Personne ne méritait qu'elle divulgue la réponse. Dans la cour, elle écoutait à peine la conversation de Michèle et Simone, préférant observer les autres. Voyant Annick parler avec Pichon, elle ne put s'empêcher de sourire - admettant que lui au moins, était un candidat sérieux. Éternellement sur un banc, affalé comme un roi sur son trône figurait Descamps accompagné de sa clique. Il avait meilleure mine à ce moment-là. Hadler ressassait les dures paroles qu'il avait eu à son encontre. Au mépris craché sur les efforts qu'elle avait fourni. Son immaturité n'avait donc aucune limite ? 
"Je redoute un peu le cours de sport, pas toi Lorene ?" demanda subitement Palladino.
"Oh, pas vraiment."

     Le tant attendu cours d'éducation physique allait débuter. Les filles de la seconde 1 purent se changer dans la salle des équipements puisque aucun vestiaire ne leur était attribué. Cependant seule Lorene s'y changea car les autres avaient anticipé cela. Elle avait bloqué la porte avec ce qu'elle trouvait car le verrou était plus vieux que sa propre grand-mère. Au bas de la corde qu'elles devaient grimper, Lorene devint anxieuse - elle avait un vertige monstre et le fait qu'elle ne pouvait se joindre aux garçons pour le handball la torturait. Descamps et Dupin arrivèrent en retard, le blessé se posta sur le côté, attentif aux mouvements de chacun. Particulièrement ennuyé. Hadler grimpa après Simone, lentement, une main après l'autre sans être tentée de jeter un œil plus bas. Son corps entier tremblait. Joseph remarqua immédiatement que la nouvelle avait peur, il se délecta de sa mine affolée à mesure qu'elle montait plus haut encore. Il avait déjà réglé son compte à Magnan en le bloquant dans les toilettes avant le conseil de discipline, pourquoi ne pas enchaîner les victoires ? Par un stratagème mené avec ses acolytes de toujours en plusieurs signes rapides, la balle atterrit directement en plein visage de celle qui se hissait progressivement, absorbée par l'ascension. Elle tomba et se claqua le genou droit en dehors des tapis. Ça par contre, ce n'était pas prévu.
Lorene était sonnée, elle s'était positionnée sur le flanc en gémissant, tenant son membre endolori. Toute une partie de sa tête était rouge vif, enflée par la violence du projectile. Ses yeux devinrent mouillés mais elle se forçait à ne pas pleurer. Descamps n'était qu'à quelques centimètres, se mordant les lèvres en contemplant son œuvre. Partagé entre une certaine satisfaction et l'impression d'être allé trop loin. Après tout, c'était une fille. Et elle l'avait aidé lors de l'accident... Dupin fut étonné de voir le cerveau de l'opération se mettre derrière sa victime et lui demander si cela allait. D'une petite voix, comme pour qu'elle ne soit que la seule à l'entendre. Michèle n'hésita pas une seconde à le pousser afin de secourir au mieux son amie. L'enseignant demanda aux filles de la conduire à l'infirmerie. Lorene refusa.
"Je vais bien ne vous inquiétez pas, il suffit simplement que je me repose sur l'un des bancs."
Annick la fixa avant de lui ordonner d'y aller, argumentant comme il était stupide de rester ici. Plus têtue que jamais, Hadler se déplaça en boitant et s'assit, un faux sourire qui l'empêchait de craquer définitivement sur la face.
"Allez-y je vous encourage !" dit-elle, à peine convaincue.
Le cours reprit et les autres ne purent s'empêcher de surveiller si elle se remettait véritablement. Descamps était retourné à son poste. L'esprit dans le vague.
     Une fois qu'ils eurent terminés, les garçons de seconde 1 allèrent aux vestiaires sauf un, déjà armé pour le cours de Barbe Bleue. Simone, Annick et Michèle accompagnèrent Lorene devant la salle des équipements. Celle-ci jouait à la valide en marchant correctement mais sa mâchoire se crispait à chaque pas, ce que le borgne qui sortait en dernier du gymnase distingua. Persuadées que leur camarade allait mieux, les filles la prévinrent qu'elles préféraient remettre leurs tenues classiques aux toilettes, là où elles avaient laissé leurs sacs. Lorene se changea en se retenant d'exprimer la souffrance que lui faisait endurer ce foutu genou. Bleuit par la descente brutale qu'il avait prit de plein fouet. De l'autre côté de la porte, Descamps se pencha pour voir la scène croustillante en se frottant les mains intérieurement par le trou de serrure. Une voix s'éleva derrière lui, alors que Lorene s'apprêtait à enlever son short.
"Qu'est-ce que tu fous ?"
C'était Laubrac. Le blessé sursauta et lui fit signe de se taire.
"Tu es sérieux là ? Tu déranges, dégage."
Laubrac, perplexe, toqua à la porte et lorsque il entendit la voix d'Hadler, se tourna vers Descamps, méprisant.
"T'es répugnant.
- Si on ne peut plus se faire plaisir..."
La jeune fille sortit, recoiffée et habillée, le nez rougit par l'envie de verser des larmes libératrices.
"Est-ce que tu souhaites que Descamps t'accompagne à l'infirmerie ?" proposa Alain. "Il allait justement demander un cachet pour le mal de tête."
Elle répondit par l'affirmative malgré l'avis de celui qui était indirectement impliqué dans la tâche à faire. Obligé de lui servir d'appui. Laubrac quitta les lieux, satisfait. Étant donné que cet idiot a un comportement dégoutant, autant qu'il soit galant en guise de compensation.

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On avance lentement mais sûrement 💪🏻

J'espère que votre semaine fut agréable.

Bien à vous, Camille

The devil's heart - Joseph Descamps Mixte 1963Où les histoires vivent. Découvrez maintenant