Comme une encre indélébile

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- Ce n'est pas un fils d'Odin, votre majesté.

- Comment peut-tu en être sûr ?

- L'aîné de ses fils est bien plus puissant. L'autre, pas assez bête pour venir ici.

Loki ouvrit les yeux et s'étonna de la fluctuation d'apparence de la pièce. L'immense salle était mouvante, changeante. Elle se transformait en permanence. Ses murs, son mobilier, sa géométrie. Le prince n'aimait guère la constance. Tout autour se modifiait donc selon son bon vouloir. Tout cela lui donnait presque la nausée. Finalement, il préféra garder les yeux clos.

- Vous avez raison, je ne suis pas le fils d'Odin. Je suis le fils de Laufey, roi légitime de Jötunheim et...

- Fils d'Odin, donc, confirma le prince, remettant en place sa longue tresse blanche sur le côté de son épaule.

- Non, je crois que vous n'avez pas compris, je ne suis pas le fils d'Odin, je...

- Je sais qui tu es, Loki. J'avoue que je te pensais moins frêle et plus habile mais il ne faut sûrement pas croire tout ce qu'on raconte à ton sujet, n'est-ce pas ?

- Ecoutez, je suis seulement venu...

- Tu es venu mourir pour ton peuple.

- En fait... J'aurai préféré éviter justement !

- Alors, tu te trouve au mauvais endroit.

- Je suis venu avec l'intention de vous aider. Je sais exactement ce qu'ils comptent faire et quand ils vont le faire. Je sais de quelle sera leur stratégie, expliqua Loki.

- Tu veux dire, votre stratégie, n'est-ce pas ?

- Je ne suis pas dans leur camp.

- Voyez-vous ça ! Dieu de la malice, du chaos et des illusions. Au fond, Loki, tu me ressemble tellement qu'il m'est impossible de te faire confiance.

Le prince figea le décor. La salle du trône devint un sommet montagneux enneigé. Loki pu enfin ouvrir les yeux et découvrir l'apparence de son interlocuteur. Un homme semblable aux midgardiens à ceci près que ses yeux contenaient mille reflets comme mille réalités qui co-existaient dans son esprit.

- Cependant, cela m'intéresse. Dis-moi ce que tu as à dire et je verrais ensuite ce que je ferait de toi.

L'asgardien sourit, amusé.

- Je ne suis pas fou ! Il me faudra plus que cela, j'ai besoin de garanties.

- Oh, je crois que tu n'as pas bien fait le calcul. Tu es mon prisonnier, tu es seul, et sans aucune magie. Ah, pardon, si, elle est là mais... Quel dommage, dit-il en faisant léviter les mains de Loki devant lui par la force de son énergie.

Le prince déchu râla.

- Tu n'es pas en position de marchander.

- Peut-être pas...

- Très bien, je t'écoute.

- Peut-être est-ce toi qui n'a pas bien fait le calcul. Ta planète va se retrouver assaillie par une pluie de vaisseaux d'une minute à l'autre ou... d'une heure à l'autre, ou peut-être d'un jour à l'autre. Qui sait ? Peut-être viendront-il du ciel ou peut-être d'ailleurs... Peut-être sont-ils déjà là, en fait, tu n'en as aucune idée.

- C'est impossible ! Riposta le prince.

Les paroles de Loki avaient infusées rapidement dans l'esprit du jeune souverain. Il semblait de plus en plus soucieux. Soudain, il se retourna vers son prisonnier.

- Je n'ai pas besoin de marchander pour obtenir ce dont j'ai besoin. J'ai d'autres méthodes.

- Oh ! La menace. Nous en sommes-là ? D'ici que vous ayez finit de me torturer, nos troupes auront déjà rasé votre caillou. Vous allez prendre le risque ?

Un bruit sourd perça l'atmosphère et le Geifeimien se ravisa aussitôt.

- Très bien, que veux-tu ?

- Je veux seulement que vous me renvoyez sur Midgard.

- Je le ferais.

Loki trouva cela presque trop facile.

- Je le ferais. Mais avant, je veux vérifier tes paroles. Tu va me dire exactement ce qui va se passer et, quand mes troupes auront remporté la bataille et que tout ce que tu as dit se sera effectivement produit comme tu l'avait dit, je te laisserais partir.

Le Dieu de la malice acquiesça et, malgré sa réticence, commença le récit de toutes les manoeuvres qu'il avait mémorisé.

Le prince se contenta de sourire et d'attendre l'arrivée de ses ennemies juste là où ils devaient débarquer.

- Vous n'allez donc... rien faire ? Demanda Loki.

- Quoi, rien faire ? Non, je ne vais rien faire.

- Je ne comprends pas, je vous ait dit qu'il y avait plusieurs milliers de soldats à bord !

- Et après ?

- Pourquoi diable aviez-vous besoin de savoir par où ils allaient attaquer si vous ne comptiez rien faire pour les en empêcher ?

- J'avais seulement besoin de connaître leur emplacement exact.

- Vous ne pourrez jamais les vaincre seul.

- Je ne compte pas les vaincre.

L'homme fit apparaitre dans sa main une lumière éblouissante : le tesseract.

- Je me contenterais de les mener là d'où ils ne pourrons jamais revenir.

Loki s'approcha prudemment du cube, les yeux écarquillés.

- Alors c'est vrai...

Mais il fut interrompu par le crissement des vaisseaux qui venaient de franchir l'atmosphère factice. Dans l'instant, le prince déclencha le pouvoir du tesseract et ils disparurent dans un éclat bleuté gigantesque.

- Voilà qui est fait. A présent, passons à ta petite récompense, puisque tu as dit vrai et m'a évité bien des complications.

Loki, toujours absorbé par le pouvoir irradiant de la pierre d'infinité s'inclina légèrement, dans l'attente de son dû.

Mais le prince n'utilisa pas le cube. A la place, il transperça le dieu de la malice d'une épaisse dague dans le ventre.

- Je n'ai jamais tenu parole. Je ne vois pas pourquoi aujourd'hui serait une exception.

Loki, dans sa chute, se rattrapa au bras du prince. Il s'agrippa de toutes ses forces, de toute son âme pour empêcher son adversaire de lui asséner un second coup. Il se débattait comme un lion, plus déterminé que jamais. Malheureusement, ses efforts ne pouvaient suffire et il se retrouva propulsé à quelques mètres du prince, le visage écrasé dans la poussière.

Le sang s'était répandu sur le sol comme une encre indélébile, la promesse d'une mort certaine.

HeddaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant