Les sept frontières livre 2 Le gardien

La moisson

Aujourd'hui nous sommes le 24 novembre, il fait doux, le ciel est bleu, une brise automnale souffle emportant avec elle une légère odeur de pin, le soleil brille bien qu'il y ait quelques nuages cotonneux, des feuilles jonches les pavés devant les masures. Ace s'est levé en retard ce satané réveille n'a pas sonné, encore heureux qu'il ait préparé ses habits de cérémonie hier soir. C'est une journée très importante pour lui! On est le jour J. Et il est déjà anxieux. Il enfile son pantalon céruléen prestement, ses mains tremblent en boutonnant sa chemise de même couleur, quand la voix cassée de Cassie retenti
- Ace.... Ace.... crie Cassie du bas des escaliers.Tu vas être en retard !!! Ace mais qu'est-ce que tu fabriques ? Dépêche-toi !!! C'est le grand jour !!! Ace !!!
Oui, oui ça va, ça va, j'ai entendu ! Comme si je le savais pas! J'arrive ! Grommelle Alexandre dans sa barbe.
Il essaie de boutonner la veste de son uniforme, mais n'y parvenant pas, il se résigne à la déposer sur son bras. Et dire que c'était son anniversaire avant hier, cela fait près de 11 ans que son père s'est volatilisé. Il était là et le lendemain il avait disparu, emportant avec lui toutes ses affaires, sans un mot, sans un regard, pour ceux qui dormaient encore juste à côté. Il pousse un soupir, pose un dernier regard à son reflet dans le miroir un sourire hésitant aux lèvres. Quand il entend Cassie crier :
- Sérieux Ace t'attend ça depuis près de trois ans et tu vas être en retard et risquer de ne pas être sélectionné...
En courant vers Cassie il se rends compte qu'elle est aussi stressée que lui, elle frappe du pied les bras croisés en regardant à l'extérieur. Il prend cinq minutes pour l'observer à la dérobée, elle lui tourne le dos, elle porte un débardeur noir sur un jeans noir, sa queue de cheval tressaute à chaque tape qu'elle flanque au plancher. Son débardeur laisse entrevoir le bout d'un tatouage qu'elle a dans le dos et qui remonte dans sa nuque juste à la racine de ses cheveux relevés, elle a beau être petite, elle n'a rien de chétif.
- C'est bon je suis là ! Cassie se retourne et éclate de rire.
- Dans cette tenue !!!
Qu'est-ce qu'elle a ma tenue ? lui dit-il mi-figue mi-raisin.
- Sérieux on dirait un géant qui a piqué ses fringues à un lilliputien ...
Il fait mine de remonter pour se changer, Cassie lui dit en lui attrapant le poignet en lui imprimant une secousse vers la sortie, il manque de se prendre les pieds dans le linteau de la porte.
- Trop tard ! On doit y aller... et ils atterrissent dans la rue où il y a déjà un afflux de personnes qui évoluent en petits groupes. Ils observent cette cohue singulière qui portent tous le même uniforme difforme qu'Ace, ce qui le rassérène à peine.
Ils se mettent en marche vers la place où convergent toutes les rues, la place de la demi-lune, on l'a nommée ainsi car elle a la forme d'un croissant de lune. Sous un ciel lumineux, on peut voir la représentation des quatre éléments  se dessiner sur la coupole du château, c'est magnifique vu d'ici les couleurs mordorée de l'élément feu s' embrase alors que l'élément eau scintille d'un millier de nuances de bleu qui va du turquoise, au bleu cobalt à l'indigo les deux vitraux restant sont dans l'ombre. Ce sont les représentations des emblèmes de la terre et de l'air. Au bout de chaque rue, une énorme porte transparente mène à la place. Elles ne s'ouvrent que deux fois l'an le jour de la moisson pour les garçons souhaitant faire partie de la garde. Le jour du choix pour les filles qui décident de se marier.
Comme vous pouvez le constater, tout est réglé comme du papier à musique ici. Aujourd'hui tous les jeunes hommes ayant l'âge pour la moisson sont alignés en rang serrés sur cette place tandis que leurs familles présentes pour les soutenir sont assise sur des bancs de pierre tout autour. Mais pour Ace seule sa mère et Cassie l'accompagnent. Alexandre est nerveux il s'entraîne dure depuis son plus jeune âge pour être sélectionné, il se tord les mains dans tous les sens. Cassie les prend entre les siennes, elles sont grandes, fuselées, douces malgré les nombreuses corvées.
- Ace tu es le meilleur n'en doute pas !
- Non Cass, regarde il y en a de plus grands, de plus forts que moi.
- Certes, mais aucun d'eux ne peut rivaliser avec ta rapidité et ton courage. Les Régents le verront lors des épreuves.
- Oui mais tu sais qu'ils n'en prennent que 10 par secteur il y a eu plus de naissances dans notre quartier ...
- Tout se passera bien Ace! Je peux te l'affirmer. Puis elle s'aperçoit qu'elle ne lui a toujours pas lâché les mains, elle rougit, en les dégageant précipitamment.
- D'ailleurs Cass pourquoi es-tu dans cette tenue ?
Elle ne répond pas. De toute façon Ace n'a plus le temps d'attendre une réponse car sa mère qui attendait à l'écart avec les autres domestiques du château en congé pour l'occasion  l'entraîne vers les rangs de candidats, la cérémonie de la moisson a déjà commencé.
Ouf apparemment Ace n'a rien remarqué quant à leur contact prolongé tant il était intrigués par sa tenue, elle aurait été bien embarrassée, pour se donner un minimum de contenance elle retourne se coller à l'entrée de la porte. Un pied appuyé contre le mur bras croisé sur sa poitrine tout en observant cette étrange foule bigarrée toutes ces personnes vêtues de vert (Frigs), bleu (Néréide), rouge (Loki), blanc (Hélios). En costume ou trop grand ou trop petit parfois trop large agrémenté d'une ceinture pour que ça ne leur tombe pas au bas des hanches. Ce rassemblement n'a rien d'élégant mais il est fait de joie, de bonne humeur. Il y a peu de festivité et quand elles ont lieux on s'en réjoui allègrement.
Une fraction de seconde, elle tourne le regard vers Alexandre qui la fixe toujours à travers la foule, il sourit, il culmine au-dessus de cet attroupement, à l'exception du géant noir à côté de lui. Elle ne s'était pas rendu compte qu'il avait autant grandit et elle savait qu'ils ne se reverraient pas avant longtemps. Elle n'avait même pas eu le temps de lui dire au revoir. Car il sera sélectionné elle n'a aucun doute. Toujours affecté au Frigs mais au bourgeois sinon il serait sans doute domestique au palais et on ne le quitte que pour le jour des visites deux fois par mois. Excepté une fois marié et encore faut-il avoir des enfants alors seulement vous êtes autorisé à revenir vivre dans un secteur . C'est pas compliqué leur ville est divisée en quatre quartier qui est lui même divisé en trois secteur, le humble pour les plus pauvres, le bourgeois pour la classe moyenne et enfin le troisième et dernier secteur les riches qui sont évidemment les régents et leur quartier bien qu'au château lui même est le Régentia.
D'ailleurs Cassie s'est toujours demandé ce que la famille d'Ace avait bien pu faire pour être rétrogradé au secteur inférieur. Même après avoir  maintes fois  interrogée la mère d'Ace elle répète continuellement qu'elle n'a que des souvenirs floue du père d'Alexandre et de son départ. Cassie tourne à nouveau le regard vers Ace, à présent il lui tourne le dos, elle voit ses cheveux bruns qui commence à boucler sur sa nuque, ils ont déjà repoussé depuis sa dernière coupe. Il est nerveux, vraiment nerveux. Cassie le  voit car il se tient droit, raide comme un piquet et les quelques plaques rouges qui parsèment sa nuque en sont une preuve supplémentaire. Son pantalon qui ressemble davantage à un trois-quarts et sa veste sur le bras devenue trop étroite pour ses épaules devenues bien trop larges ces trois dernières années.
Bon, mieux vaut sans doute pour elle ne pas trainer ici avant qu'on ne l'a repère. Elle n'est pas autorisée à se trouver là. Les proscrits ne sont pas admis à de tels événements. Seules les familles des postulants pour la moisson ont le droit d'être là. Cassie part discrètement mais ne peux se retenir de jeter un dernier coup d'œil au boucle brune d' Ace.