ACTE II, Scène 3

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La chambre de Pierre et Lou, sombre. Pierre entre d'un air maussade. Il est contrarié, visiblement. Pourtant la soirée avait si bien commencé... Comme toujours, Lou voit. Cette fois-ci, pourtant, elle ne sait pas comment réagir. Elle ne s'attendait pas à la mauvaise humeur de son copain. Alors elle tente de l'apaiser par mille touchers et affections, par des baisers et des mots tendres...


LOU. Mon cœur, pourquoi tu fais la tête comme ça ? T'étais content au bar, pourtant, il s'est passé un truc pendant qu'on était aux toilettes avec Sylvain ? Je sais de lui qu'il se passait des trucs dans les chiottes des mecs. Pourquoi c'est toujours vous ? Mh ? Je sais que t'es pas d'un naturel bavard émotionnellement, mais d'habitude tu réponds, quand même...

PIERRE. Je suis pas d'humeur ce soir.

LOU. Je vois ça. Alors j'essaye de te faire sourire, c'est mal ?


Elle lui adresse un sourire tendre, aimant, lumineux et sublime dont elle seule a le secret. Ça arrache un sourire à son petit ami, qui la repousse quand même.


PIERRE. Ça va me passer, Lou, t'en fais pas. A lui-même. Enfin, j'espère...

LOU. Je m'inquiète quand même, chou... T'as pas décroché un mot depuis qu'on est parti du bar, sauf pour souhaiter bonne nuit à Sylvain. Même lui m'a demandé ce que t'avais. J'ai pas su lui répondre, moi ! Et pourtant, tu sais que je sais tout, alors c'est dire... Lou qui ne sait pas tout, c'est la fin des haricots.


La blague ne décroche aucun rire. Elle soupire, enlaçant à nouveau Pierre par derrière, à genoux sur le lit et lui assis sur le bord. Elle embrasse sa joue, masse ses épaules, il ne se détend pas. Au contraire.


LOU. T'as peut-être besoin de vacances. Vous travaillez beaucoup, avec Sylvain, faudrait que tu penses à toi aussi, tu sais...

PIERRE. J'en ai rien à faire, ça. Et c'est pas le travail qui me fatigue le plus. Enfin, si, ça me fatigue beaucoup, mais pas- oh et puis merde, c'est toi qui me fatigues. Je suis pas d'humeur, je te l'ai déjà dit, pourquoi t'insistes ?!

LOU. J'insiste parce que je m'inquiète, comme doit s'inquiéter une petite amie digne de ce nom.

PIERRE, secouant doucement la tête. M'en fiche. Pas ce soir. J'ai juste besoin de dormir, pas de parler. C'est quoi, une thérapie de couple ?

LOU. On va y finir si tu continues à être désagréable comme ça...


Pierre rit amèrement. Il tapote sa main en se levant, s'échappant de son étreinte, et se dirige vers la salle de bain.


PIERRE. Je vais me laver et je vais dormir. Je ferme boutique. Si tu veux me parler, ce sera demain. Allez, salut.


Il disparaît avant que Lou ne puisse répondre. Elle soupire et se prélasse alors dans le lit, fixant le plafond.


LOU. Quel con mais quel con... Il me fout quoi, là ? Je sais pas ce qui se passe dans sa caboche mais ça doit pas être beau.


Pause. Elle se redresse, regardant lasse le décor de la chambre conjugale.


LOU. Je suis pas prête à dire au revoir à tout ça. Peut-être que lui non plus... Peut-être que c'est ça le souci, aucun de nous deux n'est en fait prêt à dire au revoir à tout ça. Soupir. On s'accroche trop au passé, à ce qui était, à nos idées têtues et nos têtes déterrées de cadavres malaimés. En même temps, ça fait sacrément peur... mais je me pensais plus aventurière que ça. Plus forte, aussi. Comment Pierre va faire, sans ma force, hein ? Comment je vais faire, moi, sans lui ?


Elle devient silencieuse en jouant avec la couverture. On entend le son de la douche, de l'autre côté du mur. Elle écoute, distraite. Un petit sourire fleurit sur ses lèvres, malgré les larmes sur ses joues.


LOU. Il va me manquer, ce con. Je veux juste le prendre dans mes bras, lui dire que c'est comme ça, qu'on ne peut pas forcer le destin... Qu'on est pas fait pour être ensemble même si putain, on est bon ensemble. Faut pas pleurer, faut pas rire trop fort non plus. Juste rester calme, pas de panique à bord, comme diraient Razmo et Rapido...


Elle rit. Elle sait qu'elle dit n'importe quoi. L'eau s'arrête, Pierre revient avec une serviette autour de la taille. Il traverse la pièce pour aller enfiler son pyjama, dos à elle. Elle l'observe, le mate, séchant ses larmes dans la vue des plis de la peau de son petit ami...


LOU. Je t'aimais bien, quand même. C'est con.


Il se retourne, interrogateur. Obéissant à son souhait, elle lui répond en silence d'un geste, l'air de dire ''t'en fais pas''. Il finit d'enfiler son pyjama et la rejoint dans le lit. Les deux s'allongent, chacun de son côté, mais Lou se blottit vite contre lui. Elle en a besoin, c'est plus fort qu'elle... Pierre ne bouge pas, lui. Il ne l'enlace pas, ne répond pas à son affection. Elle l'accepte, malgré tout, mais laisse un baiser sur son épaule.


LOU. Bonne nuit mon chéri...

PIERRE. Bonne nuit.


Et facilement on s'endort, avec l'esprit trop emberlificoté pour réfléchir encore. La nuit porte conseil et, demain, un nouveau soleil se lèvera.

AuraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant