Chapitre 4 : Pâté

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Le silence dans la cellule est pesant, et je vois bien que Morgane, ma nouvelle codétenue, n'a aucune envie de faire la conversation. J'aurais aimé savoir ce qu'elle sait concernant William, mais je n'ose même pas lui demander comment elle va. Mon ventre commence à gargouiller, et je n'ai aucune idée de l'heure qu'il peut bien être, ici, nous n'avons aucune notion du temps.

– Tu n'as pas mangé ce matin ? murmure une petite voix.

J'ai presque sursauté tant je ne m'attendais pas à entendre Morgane parler.

– Si, mais j'ai mangé très tôt.

Morgane finit par s'asseoir pour se placer face à moi.

– Écoute, je suis désolé pour l'accueil que je t'ai fait. Je t'avoue qu'en ce moment, j'ai un peu le cafard.

– Je comprends... Est-ce que je peux faire quelque chose pour t'aider ?

J'ai parlé trop vite, je suis trop stupide. Que pourrais-je faire pour aider une fille atteinte du cancer qui va bientôt mourir ? Elle m'adresse un sourire gêné, et je le suis aussi désormais.

– Non, c'est gentil, merci. Comment tu t'appelles ?

– Alexia, lui dis-je en souriant.

– Enchanté. Moi, c'est Morgane, comme tu l'auras comprise. Et j'ai le cancer.

Son regard est vide d'espoir et rempli de tristesse.

– Je suis désolé de l'apprendre... Tu ne fais pas de chimio ?

- Non. Enfin, on me l'a proposé, mais à quoi bon. Faire une chimio pour vivre quelques années de plus, mais le tout en étant toujours en prison ? Je préfère mourir plus vite, ce sera comme ma libération d'une certaine manière.

Mon cœur se serre. Je ne peux que comprendre son désespoir, et très honnêtement, je pense que j'aurais fait pareil dans son cas. Je ne sais pas quoi lui répondre face à cela, et me contente donc de hocher la tête avec compassion.
La discussion ne va pas plus loin pour le moment, même si j'espère malgré tout avoir de bons liens avec elle, histoire de ne pas devenir dingue.
Au bout de quelques heures — ou minutes, le temps passe si lentement que je ne sais pas —, les agents viennent nous chercher dans nos cellules, et ils nous conduisent à la cafétéria. Ford me fait sortir en dernière et me chuchote discrètement :

– Davis est déjà assis à la cafétéria, ne sois pas trop brusque avec lui.

C'est le moment tant attendu, la rencontre avec William, le célèbre tueur fantôme. Je sens une montée d'adrénaline parcourir mon corps, la peur n'existe plus. Je suis les autres détenus jusqu'à ce que nous arrivions dans la cafétéria. Lorsque les femmes entrent, les garçons commencent à s'agiter, les agents sont sur le qui vive. Repas du jour : une purée trop liquide, des petits pois qui ont fait la guerre et une chose qui s'apparente sûrement à une saucisse. Je fais mine d'être perdu, de chercher une place où m'asseoir, jusqu'à ce que je l'aperçoive, lui .

– Bonjour... Heu, excusez-moi, je suis nouvelle et je suis un peu perdu... Je peux m'asseoir ici ?, lui demandais-je, en ayant sorti mon meilleur jeu d'acteur.

Davis lève le nez de son plateau et me regarde droit dans les yeux. Son regarde me fait l'effet d'une décharge électrique, des frissons parcourent l'entièreté de mon corps.

– Ouais, assieds-toi la nouvelle, finit-il par répondre avant de replonger son nez dans le plateau.

Je m'assieds donc face à lui et mets tout en œuvre pour jouer la fille innocente et perdue.

– Merci, c'est gentil. Je m'appelle Alexia ! Et toi ?

– Pâtés, dit-il sans relever sa tête.

– Pâtés ?

– Pâtés oignons.

Je me retiens d'exploser de rire. Il a au moins le sens de l'humour, bien qu'il semble exécrable. Tant pis, je rentre dans son jeu.

– Enchanté pas tes oignons.

Il relève la tête, et je lui adresse un sourire pour continuer mon rôle de la parfaite innocente.

– T'es une petite rigolote toi, dit-il avant de replonger sa tête vers son plateau.

– Tu m'as inspiré il faut dire.

– J'inspire personne, souffle-t-il.

– Si, moi.

À ces mots, il relève la tête et m'adresse un sourire, qui dure approximativement une demi seconde, mais je vais m'en contenter. Je veux qu'il ait confiance en moi, qu'il me confie tout ce qu'il cache à l'intérieur de lui. Je ne pensais pas réussir à obtenir un sourire la première fois, mais je suis plutôt fier d'avoir réussi.

– Non mais sérieusement, tu ne sais pas qui je suis ?, me dit-il, en plongeant son regard dans le mien.

– Ben, non, sinon je ne t'aurais pas demandé.

– D'accord. Mange, ça va être froid, déjà que la bouffe est dégueu, mais si en plus elle est froide... Aller, à la prochaine, dit-il en se levant.

Je le regarde s'éloigner, je me sens plus légère. Je suis à la fois troublé et fasciné par ce personnage. Troublé, car il n'a pas l'air méchant et fasciné par son regard qui dévoile tellement de choses.
J'ai besoin d'en savoir plus sur lui, non seulement pour l'enquête, mais aussi parce qu'il m'intrigue.

FBI infiltréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant