Chapitre 11 - Ultimatum

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Je n'ai pas réussi à me rendormir après ce cauchemar. J'ai passé la nuit entière à penser à Liv. Elle me manque terriblement. Je profite que tout le monde dorme pour aller prendre une douche. Elles sont collectives au dortoir des femmes, donc aucune intimité. J'enlève mes vêtements, le seul contact de mes doigts sur ma peau me rappelle ceux de Lucas, et maintenant, aussi ceux de Fisher. Il m'a détruite, il reste mon pire cauchemar. Je reste un moment sous la chaleur que me procure l'eau, elle a ce pouvoir de m'apaiser. Je frotte si fort ma peau pour enlever toutes traces de caresse malsaine, qu'elle en devient rouge vif. Après avoir fini ma douche, je me dirige vers les miroirs, j'ai une mine affreuse. Mes longs cheveux bruns sont emmêlés de tous les côtés, mon visage est pâle, contrairement au reste de mon corps qui lui est rouge. Mes yeux, qui habituellement sont marrons clair, ont perdu de leur éclat, ils sont foncés et gonflés. Mes cernes sont d'une teinte grisâtre et s'étendent sur mes pommettes. Je rabats mes cheveux en un chignon sur le dessus de ma tête et retourne dans la cellule. Morgane est réveillée et m'accueille avec un sourire. Un seul sourire, qui recharge instantanément mes batteries.

– Tu t'es levé tôt ce matin, nuit compliquée ? me demande-t-elle.

– Hum, oui, on peut dire ça, lui dis-je avec un sourire.

– La première journée et la première nuit sont les plus difficiles. Je ne dis pas que la suite sera facile, mais dis-toi que tu as fait le plus compliqué.

– Est-ce qu'il y a un petit déjeuner le matin ? dis-je en même temps que mon ventre gargouille.

– Oui, dans quelques minutes. Il n'y a pas d'ordre spécifique le matin, premier arrivé, premier servi. Un peu comme les douches, mais ça, je vois que tu as anticipé.

Je souris face à sa remarque. Nous discutons quelques minutes, de tout, de rien. Elle m'explique comment était sa vie avant et pendant son incarcération. Il paraît qu'avant, c'était une emmerdeuse, elle embêtait les détenues et les matons en leur faisant des blagues. Ce qu'elle préférait, c'était leur faire perdre la tête en parlant avec des mots aléatoires, elle trouvait ça marrant. Depuis qu'elle a appris pour son cancer, elle s'est calmée et s'est renfermée comme une moule dans sa coquille. Je l'écoute parler de tout ça, et je sens mes yeux pétiller face à ses histoires. Cette femme ne mérite pas ce qu'il lui arrive, elle a toujours gardé sa joie de vivre durant toutes ces années d'incarcération, jusqu'à il y a peu où elle a l'impression de perdre totalement espoir. Une fois notre conversation terminée, nous nous dirigeons vers la cafétéria. Je me sens reboosté, comme si elle était la piqûre de vitamines dont j'avais besoin. Je prends mon plateau et suis Morgane pour manger avec elle. Il n'y a pas grand monde, quelques garçons qui ne semblent pas du matin pour autant et quelques femmes. Nous discutons tout au long du petit déjeuner avec Morgane. Ses grands yeux bleus sont tellement expressifs. Malgré ma discussion avec elle, je ne peux pas m'empêcher de lever de temps en temps les yeux pour voir si William apparaît.

– Il ne va pas venir, me dit Morgane lorsqu'elle s'aperçoit que je le cherche du regard.

– Il ne déjeune pas le matin ?

– Si... Mais, tu risques de ne pas le voir pendant quelque temps, bafouille-t-elle.

Je la regarde d'un air interrogateur, avant de relever les yeux sur Stacy et Myriam, les visages gonflés et remplis d'hématomes.

– Il s'est passé quoi, Morgane ? dis-je d'une voix tremblante.

– Bah... Hier soir, quand tu es partie, William a sauté sur elles. C'était la première fois qu'il entamait une bagarre, tout le monde a été surpris, dit-elle dans un soupir.

– C'est... à cause de moi ?, demandais-je en craignant la réponse.

– Pas vraiment... hésite-t-elle.

– Morgane, s'il te plaît, soit honnête avec moi.

Elle soupire un long moment avant de répondre.

– Il a vu et entendu toute la scène, j'ignore pourquoi, mais il n'a pas apprécié qu'elles te parlent de cette façon.

Je me lève brusquement de ma chaise et sors de la cafétéria. J'entends Morgane m'appeler, mais hors de question que je fasse demi-tour. En quelques secondes, je me retrouve déjà devant le bureau de Lucia. Je tambourine à sa porte, jusqu'à ce qu'elle finisse par m'ouvrir.

– Il est où Davis ? dis-je en hurlant.

– Bonjour Alexia, je suis ravie de te voir également, me dit-elle d'une voix calme.

– Comment voulez-vous que je poursuive cette mission si vous l'enfermez et que je n'ai plus aucun moyen de lui parler ? criais-je.

– Alexia, s'il te plaît, assied-toi, m'ordonne-t-elle.

Je m'exécute et croise mes bras contre ma poitrine.

– Bien, maintenant, je vais t'expliquer la situation. Davis a frappé deux femmes hier à la cafétéria, ce n'est pas quelque chose que je peux tolérer. Le directeur de la prison a exiger qu'il soit mis en cellule de haute surveillance durant deux semaines. Ce qui veut dire que, effectivement, il ne sera pas présent à la cafétéria, ni aux promenades communes. Cela dit, il aura également une heure de promenade autorisé tous les jours, avec les autres détenues placés en haute surveillance, m'explique-t-elle.

– Et alors quoi ? Je perds deux semaines de mon temps ? Deux semaines à pourrir ici sans pouvoir enquêter ? Deux semaines durant lesquelles, je vous rappelle quand même, au cas où vous auriez oublié, des meurtres sont commis ?!

– Écoute Alexia, je sais que la situation n'est pas évidente, mais nous ne disposons pas d'autres choix...

– Envoyez-moi en cellule de haute surveillance, dis-je en lui coupant la parole.

– Alexia... Les cellules de hautes surveillances ne sont pas des jeux. Contrairement à ici, tu ne pourras pas sortir en dehors de ta cellule, les plats te seront directement envoyés dans ta cellule, tu n'auras qu'une heure par jour de liberté... dit-elle d'une voix hésitante.

– C'est le seul moyen pour que je trouve des informations, puisque vous me foutez des bâtons dans les roues, je n'ai pas d'autre choix, dis-je d'une voix assurée.

– Je vais voir ce que je peux faire Alexia, je ne te garantis rien. Je vais d'abord en parler avec le directeur de la prison, et je reviendrais vers toi.

– C'est la seule solution, si ce n'est pas accordé, vous ferez sans moi, j'abandonne.

Je vois à son visage que mon ultimatum lui fait l'effet d'une bombe. C'est exactement ce que je voulais. Sur ces derniers mots, je quitte son bureau et je rejoins ma cellule.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi William s'est emporté ainsi juste pour une petite dispute entre gonzesses. J'aimerais comprendre ce qu'il se passe dans sa tête, savoir comment il réfléchit et ce qu'il pense. Mais, il est tellement fermé que deux semaines ne me suffiront pas à le cerner. Morgane arrive et me fixe comme si j'étais un putain de fantôme — au final, vu la tronche que le miroir a reflétée ce matin, c'est normal —.

– Je ne vais pas te déranger, je prends juste mes affaires pour prendre ma douche, me lance-t-elle.

– Dis Morgane, les cellules de hautes surveillances, c'est comment ?

Elle pousse un long soupire, un soupir qui en dit long sur les conditions de vie là-bas, un soupir qui prouve qu'elle y a déjà été.

– C'est horrible, commence-t-elle, tu es enfermé dans une cellule avec un lit, un lavabo et une toilette, et c'est tout. Pour les douches, c'est juste un tuyau d'arrosage, et tu te retrouves nue devant un maton que tu n'as jamais vu qui surveille tes moindres faits et gestes. Tes seules sorties de la journée, c'est quand tu prends ta douche et pour la promenade. Et, là encore, la promenade, c'est après le dîner du soir, il fait froid, sombre... Tu ne vois plus aucun rayon de soleil. Si déjà là tu n'arrives pas à avoir une notion du temps, là-bas, c'est pire, conclut-elle.

Lorsqu'elle m'explique la vie là-bas, j'ai la sensation d'avoir fait une énorme connerie en demandant de mon plein gré à aller là-bas. Smith ne pourra pas dire que je ne me serais pas donné corps et âmes pour cette fichue mission. Mais, en réalité, j'ai peur de me noyer dans tout ça.

FBI infiltréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant