Chapitre 7 - Son âme

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Je vois dans les yeux de Fisher une lueur que j'ai déjà connue auparavant, une lueur qui m'a fait souffrir durant des années. Je me suis construite une carapace depuis, mais face à lui, je me sens impuissante. Comme si son simple regard pouvait me déshabiller en une seconde et me faire du mal. Sa soif de vengeance est palpable et je la sens brûlé dans mes entrailles. J'ai l'impression de redevenir l'enfant que j'étais lorsque j'avais neuf ans : faible, impuissante et innocente face à ce que je vivais.

– Fisher, ne vous approchez pas de moi, lui dis-je d'une voix tremblante.

– Oh, mais c'est trop tard ma petite, il fallait réfléchir avant aux conséquences de tes actes.

Il s'approche de moi, j'ai la sensation que la pièce devient de plus en plus petite lorsque mon dos se colle au mur. Fisher s'avance vers moi, toujours avec cet éclat dans les yeux, un éclat qui me torture de l'intérieur. Je préfère fermer les yeux, et ne pas voir ce qu'il risque de se passer. Je suis en état de crise, mon cerveau se met sur off, mon corps tout entier me semble hors de mon contrôle, comme s'il ne m'appartenait plus. C'est comme si mon âme était sortie de son enveloppe corporelle, afin de se préserver de ce qui pourrait arriver. Je reste figé comme cela durant un moment qui me paraît interminable, et lorsque je reprends mes esprits, j'aperçois Fisher assis en face de moi, le pantalon baissé. J'ignore s'il m'a touché, mes vêtements sont toujours en place, mais malgré tout, je me sens salie. Ce gros porc est en train de se masturber en me regardant.

– Parle de ça à une personne, et la prochaine fois, ce sera ton corps à la place de ma main, grogne-t-il.

Je rassemble mes dernières forces afin de sortir de la pièce à toute vitesse. Lorsque je sors en trombe, je tombe sur l'agent Ford.

– Tout va bien Johnson ? me demande-t-il avec bienveillance.

– Oui ! Je dois sortir !

Je n'attend pas de réponse, et sors par la première porte ouverte que j'aperçois. La promenade n'est pas fini, j'ai donc encore le temps de reprendre mes esprits. L'air de l'extérieur a ce pouvoir de recharger intégralement mes batteries. Je ne sais pas exactement de quel côté de la cour je suis sortie, j'ai l'impression que la plupart des détenus sont regroupés d'un certain côté, le bruit me semble lointain. Je m'écroule intégralement au sol, à bout de force. Enfin, je laisse sortir les larmes qui, en coulant sur mes joues, détruisent ma carapace sur leurs passages.

– Première journée compliquée ? demande une voix derrière moi.

– Je n'ai pas envie de parler, dis-je sans prendre la peine de regarder qui est mon interlocuteur.

– Comme tu voudras, mais ne va pas dire que tu pleures à cause de moi, conclut la voix.

Je prends un instant pour identifier la voix. Je réalise rapidement qu'il s'agit de la voix de Davis et prends la décision de ne pas le regarder malgré tout et de rentrer dans son jeu, ce jeu où j'ignore totalement qui il est.

– Pourquoi est-ce que je dirais que c'est de ta faute ?

– Parce que je m'appelle Oignon, déclare-t-il.

Je me tourne enfin vers lui et je ne retiens pas le rire que j'ai retenu à la cafétéria ce midi. Il me regarde fixement avant de m'accorder un petit sourire.

– La première journée ici, c'est toujours un enfer, mais je t'aurais au moins fait rire, dit-il en s'éloignant.

– Tu pars déjà ? Tu laisses une femme seule et sans défense s'apitoyée sur son triste sort ?, dis-je d'un air narquois.

– La douceur du miel n'a rien à faire avec un oignon pourri, tu risquerais de pourrir à ton tour, lance-t-il en me tournant le dos.

– Et, où est-ce que l'oignon pourri va aller ?

Il se retourne pour me faire face, son visage s'illumine. Ses cheveux bruns bougent légèrement, au rythme du vent frais qui nous entoure.

– Pâté, dit-il en souriant avant de disparaître complètement de mon champ de vision.

Il n'a rien à voir avec la façon dont il est représenté dans les journaux ou à la télévision. Il m'inspirerait presque confiance, si je n'avais pas vu toute la noirceur de son âme au travers de son regard. Il semble être son propre châtiment, comme si son cerveau le punissait déjà d'avoir commis des actes aussi horribles. Mais, d'extérieur, il paraît parfaitement sain, il semble être une personne pure, quelqu'un à qui on pourrait confier son âme sans avoir peur qu'il la détruise. C'est un paradoxe à lui tout seul, il est l'ombre et la lumière. J'ai l'impression que le fait de le regarder dans les yeux me noircit déjà de l'intérieur, parce qu'il me passionne, il me consume comme si j'étais un vulgaire mégot de cigarette entre ses lèvres fines. Je me sens tellement pathétique de dire ça en parlant d'un criminel qui a commis plusieurs meurtres et dont les personnes, victimes de sa séquestration, sont encore en hôpital psychiatrique et refusent de discuter de ce qu'il s'est passé. Au-delà de ma mission, j'ai besoin de le connaître. Comme si son âme demandait simplement à être sauvée. Comme si celle-ci, après avoir vu tant de choses horribles, était continuellement en train de se noyer, comme si elle cherchait désespérément une bouée de sauvetage à laquelle s'agripper. Je dois le connaître, lui et ses traumatismes qui le rongent de l'intérieur, quitte à ce que je me noie avec lui dans un océan où la lumière n'a jamais existé.

FBI infiltréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant