Chapitre 16 - Ailes déployées

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Trop tôt pour lui demander ce genre d'information, il faut croire.

– Quel genre de chose personnel as-tu à dire à ta famille que tu ne veux pas que les matons sachent ? demande Davis.

– Pourquoi est-ce que je te le dirais ? Tu ne me connais pas et je ne te connais pas, lui dis-je avec un clin d'œil.

– Tu marques un point Alexia.

Un silence s'installe entre nous. Je dois trouver quelque chose à dire, je ne peux pas perdre du temps avec des moments de silence comme ça.

– Si tu devais te réincarner, tu te réincarnerais en quoi ? demande-t-il.

Je ne m'attendais pas à ce genre de question sortie de nulle part, et encore moins que ce soit lui qui brise le silence.

– Et tu oses me juger avec ma question sur les peurs ?

– Je suis un mec profond, que veux-tu, j'ai des questions existentielles.

Je ne retiens pas mon rire. Qui aurait cru qu'un tueur en série aurait des questions aussi philosophiques ?

– Je pense que j'aimerais être un oiseau, lui dis-je en scrutant le ciel sombre.

– Un oiseau... Je vois. T'as besoin de liberté ? Pardon, je pose cette question alors qu'on est enfermé dans un trou à rat, donc d'un côté ça semble logique.

– Pour la liberté, oui, mais aussi et surtout, pour chier sur la tête des gens.

– T'es si poétique...

– Je sais, merci. Et toi, tu voudrais être quoi ?

– Je sais pas, je ne me suis jamais réellement posé la question. Je pense que je ne voudrais jamais me réincarner, en vérité, je suis fatigué de ce monde, dit-il dans un soupir.

Je le regarde fixement, ses yeux se sont assombris. Il a beau être intrigant, le fait qu'il se plaigne de ce monde après tout ce qu'il a fait, me fait dresser les poils des bras. Se plaindre de ce monde alors qu'il participe à le rendre horrible, c'est d'un culot absolument détestable, même venant de lui. Nous restons dans le silence après cela. Lui n'ose plus me regarder, tandis que moi, je n'ai plus envie de l'entendre pour l'instant. J'observe les autres détenus profiter de cette heure de liberté. Le boxeur est assis par terre, l'air songeur. Il y a toujours celui qui court avec toute l'énergie qu'il possède, et l'autre, qui marche simplement. Je devrais envisager de faire la même chose, mes jambes sont horriblement engourdies. Je me lève et fait quelques pas. J'inspire l'air frais qui se colle à ma peau, cet air frais et humide. Pendant que je marche, j'observe Davis du coin de l'œil. Il dessine des formes avec ses doigts sur l'herbe, l'air songeur. À ce moment précis, je reprends conscience de qui il est : un putain de criminel. Je n'ai plus envie d'être attendrie par lui, je ne sais même pas pourquoi je me suis laissé attendrir. J'ai l'impression que c'est plus fort que moi, comme un aimant qui me colle à la peau, essayant désespérément de m'attirer à lui. Lui qui est un être absolument horrible et qui ne se remet même pas en question le temps d'un instant. Pourquoi diable suis-je attirer par lui ? Ne dit-on pas que les opposés s'attirent ? Ou bien, qui se ressemble s'assemble ? Suis-je comme lui, au fond de moi ? Je ne suis pas là pour taper la causette avec lui dans le but de créer une amitié, personne ne voudrait de lui comme ami. Mon sang bouillonne dans mon corps. Les matons nous indiquent qu'il nous reste cinq minutes de promenade. Je retourne m'asseoir contre ce mur, suffisamment loin de William pour lui faire comprendre que je ne veux plus parler, mais suffisamment proche pour voir ce qu'il dessine sur l'herbe. Ses mouvements sont légers, fluide. Il répète sans arrêt la même forme et je mets un certain temps avant de comprendre ce qu'il dessine. Un oiseau. Davis est en train de dessiner un oiseau, toujours avec les mêmes traits, les ailes déployés. Ses traits sont précis, comme si le dessin lui était quelque chose de familier. Alors que je regarde ses doigts tracés encore et toujours le même dessin, il s'arrête subitement pour me fixer. Environ deux ou trois mètres nous séparent, mais son regard sur moi me paraît lourd.

– Au fait, tu as frappé qui pour atterrir ici ? me demande-t-il.

– Un maton, dis-je sèchement.

– Lequel ?

– Fisher.

Un sourire se forme sur son visage. Pas un simple sourire, mais un sourire de satisfaction.

– Il t'a fait du mal ?

– Oui, sinon je ne l'aurais pas frappé. Il est détestable.

Mon ton est détaché, vide de sentiment. Les matons nous indiquent que la promenade touche à sa fin. William se lève, dos à moi. Il marche en direction de l'entrée. Alors que je suis encore assise au sol, il me paraît immense. Son dos est imposant, et sous la lumière des lampadaires, des traits fins à l'encre noire entourent ses bras. Il marque un temps d'arrêt avant de se retourner vers moi.

– Je déteste Fisher aussi, me souffle-t-il.

– Personne ne l'aime.

– Je sais, et moi encore moins.

Il me tourne à nouveau le dos et avance lentement. Je me lève à mon tour et le suis de près.

– Pourquoi tu le détesterais plus que les autres ? dis-je dans son dos.

Il se tourne pour me faire face, un immense sourire sur les lèvres, comme si il était satisfait que je le rattrape pour avoir cette information. Son sourire ne s'efface pas et il semble prendre un malin plaisir à me faire attendre la réponse. Ses lèvres s'entrouvrent légèrement.

– Parce que c'est mon géniteur, chuchote-t-il avant de disparaître à l'intérieur du bâtiment.

Mon cerveau est sur le point de fumer, me demandant si j'ai bien entendu ce qu'il a dit. Un tas de questions me viennent en tête.

Pourquoi Fisher se retrouve maton dans la prison où son fils est enfermé ?

Est-ce que ces deux ordures ont montés un plan d'évasion ?

Est-ce que la direction est au courant ?

Est-ce qu'il m'a fait la misère pour protéger son fils ?

Pourquoi William le déteste autant ?

J'ai besoin d'en savoir plus, je dois en parler à Lucia. Toutes ces questions tournent en boucle dans ma tête. Lorsque je retourne dans ma cellule, je ne cesse d'y penser. Je tourne en rond, aucune de ces questions n'a de réponse logique. J'écris sur une feuille blanche en gros : Fisher est le géniteur de William, je dois transmettre cette feuille à Lucia. Je n'arrive pas à me déconnecter de cette information, est-elle vraie seulement ? Je ne parviens pas à trouver le sommeil, griffonnant toujours sur ses foutues feuilles blanches, qui maintenant, sont remplies de plusieurs théories. Pourvu que je me trompe...

FBI infiltréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant