OS 7 : C'était son idée

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C'était à n'y rien comprendre, la surface de ce bar ne pourrait pas accueillir la moitié de mon ridicule village et voilà qu'une métropole y débarquait. Qu'est-ce qu'il y avait de si spécial ici ? La boisson était franchement moyenne et la musique inexistante. Livaï m'avait encore amené dans un sacré bourbier. 

L'effort social résidait dans le fait de sourire à chaque passage, de se pousser dès que quelqu'un pensait vouloir aller aux toilettes et de remercier à chaque paiement de verre les barmans. Ici, les visages m'étaient familiers, je ne savais dire si j'en gardais un bon souvenir ou non, je m'en rappelais juste :

« Eren ! Tu viens ? Tu dois goûter un truc ! 

— Pitié que cette fois-ci il me le paye... »

Je m'avançais sans prétention vers un tabouret du bar en souriant, de plus bel. Le serveur me fixa le sourire en coin, fier de proposer sa nouvelle composition comme si le service des boissons internationale allait lui décerner le prix de l'année. Absurde. À ma droite je voyais un Livaï souriant, excité de s'abreuver d'une substance dont seul lui aura le remède le lendemain :

« Livaï t'es certain que-

— C'est la Saint-Valentin Eren ! S'il-te-plaît, juste pour ce soir goûtes le !

— Le mélange ne m'inspire pas confiance. Tu as vu la tête de ce type ? C'est certain, il ne sait pas ce qu'il fait.

— C'est pour ça que nous sommes là ! Aller souris un peu ! Promis, tout le reste de la soirée, c'est toi qui décides de tout. Promis !

— J'ai combien de doigts là pour voir ? Dis-je agacé. La réponse m'importait peu, je voulais surtout qu'il comprenne que ça devenait franchement long.

— Très drôle ! Il poussa ma main de son visage et sortit sa carte bancaire. De gold il n'y avait que la couleur franchement... Monsieur ! Je vous dois combien ?

— C'est offert par la maison bonhomme !

— Trop cool ! Merci ! Je vous revaudrai ça ! »

Quelle étrange manière de s'acquitter d'une dette. Livaï prit les verres en me les proposant de son plus beau sourire. Sans déconner... Il me faisait flipper en étant aussi expressif, il allait s'arracher la mâchoire :

« À nous !

— Que Dieu en soit témoin, j'ai tapé le shot avant de le boire.

— Et tu vivras longtemps pour ça ! »

Nous bûmes cul sec le fameux shot, ma grimace me trahissait, c'était infecte. Cela dit, partager ce moment avec Livaï me procurait une certaine nostalgie je me rappelais de nos premiers rendez-vous, quelle histoire... Je reportais toujours l'inévitable. 

Ce type était mon fléau mais aujourd'hui, j'en étais fier. Honnêtement, je n'aurai jamais pensé m'épier de quelqu'un de la sorte, il fallait le dire, mon petit-ami était un dragueur confirmé, il connaissait les points faibles des autres et les exploitait, sans trop que ça ne détruise tout. Longtemps j'ai pensé qu'éviter ses avances m'éviterait de me détruire, de briser ce qui faisait de moi une personne raisonnable, j'avais tout faux. 

De quelle manière pouvais-je mesurer à quel point il était mauvais et moi bon ? 

Rien. C'était absurde. 

Notre complémentarité faisait notre force et je devais me servir de ça pour avancer :

« Livaï ? 

— Dis moi.

— Je suis heureux d'être ici avec toi. Sincèrement.

— Tu le seras encore mieux quand on sera rentré, crois moi !

— T'as raison, quand je me servirai mes propres cocktails !

— Tu le fais exprès hein ? T'aimes me faire ça ? Toi et moi ça va finir mal si ça continue chéri.

— Ouh, j'ai peur. 'Tention les gars, le molosse est de sortie !

— Fous toi de moi ! En attendant tu te rinces bien à te faire payer les verres !

— Tout ça c'est ta propre initiative, je ne suis que l'instrument de tes propres desseins. Une victime du système... Dis-je faussement peiné, la main sur le cœur.

— C'est donc ça ! Mon plan se révèle au grand jour, merde.

— Pas cool hein ? »

La suite de la soirée se passait selon l'énergie qu'on voulait bien lui donner. Livaï en était le maître et tous apprenions de sa félonie. Ce type était parvenu à remplacer le punch par du jus de mangue simple. Franchement je n'ai pas su où et comment il avait planqué l'alcool mais ce qui était sur, c'est que dans quelques minutes, le barman coupera la musique, utilisera son micro pour crier dedans qu'on a volé la fameuse bouteille. Qui avait un micro dans un tel métier ? Le barman devait en avoir des choses à dire pour investir dans un tel bien... 

... 

L'idée était que nous puissions planquer la fameuse bouteille – que bien sur Livaï eut la brillante idée de ramener – dans un endroit tellement insignifiant qu'au moment où on nous demandera de la ramener, voire, de s'en souvenir, je ne puisse même pas commencer à y réfléchir. Pourquoi ? Parce que je n'aurai jamais participé à une telle mascarade de mon vivant. Jamais. 

Livaï eut raison, rentrer à la maison était de loin ce qui me rendit heureux. Parce qu'il était là, près de moi.


FIN.

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l'histoire est très courte mais pour la saint-valentin elle s'y prêtait bien

LES ABSURDES  (Recueil d'OS : Ereri et autres)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant