6

776 19 7
                                    

   Après avoir passé un week-end plus qu'agréable, je retrouve Beth à la Fac. Nous nous sommes donné rendez-vous tôt : elle est avide de potins, et je dois dire que j'en ai quelques uns en réserve...
   Je la retrouve assise dans le couloir. Je me pose à ses côtés, souriante.

BETH. – Oh, toi, vu ta tête, t'as baisé tout le week-end !
MOI, pouffant. – Eh bah même pas, figure-toi !
BETH. – Alors avec qui t'étais ?

   Je lui lance un regard coupable qui me trahit.

BETH. – Non ?!
MOI. – Si...
BETH. – Mais... comment ?
MOI. – Elle a fini par m'écrire... Il fallait qu'on se voie, pour mettre les choses au clair.
BETH. – Tu l'as emmenée au Madison ?
MOI. – Exact.
BETH. – Oh, c'est du sérieux...
MOI. – Tu ne crois pas si bien dire...
BETH. – Arrête, me dis pas que vous... vous vous êtes mises ensemble ?
MOI. – Je ne te le dis pas.

   Elle ne peut s'empêcher de me pousser d'une main, tout en me lançant un regard en coin.

BETH. – Alors toi !...
MOI. – Quoi ? Quand il y a le feeling, pourquoi se priver ?
BETH. – Il sort d'où, ce feeling, d'ailleurs ?
MOI. – Tu sais, elle... elle est différente...
BETH. – Tu m'étonnes : elle a quarante balais !
MOI. – Non, c'est pas ça... Enfin, si, peut-être que c'est ça... Mais disons que je me sens vraiment bien avec elle. Elle est belle, elle est sensible, elle est intelligente...
BETH. – Elle te respecte.

   Je pose des yeux surpris sur mon amie. Je ne m'attendais pas à ce que ses mots résonnent si fort en moi.

MOI. – Oui. C'est ça. C'est exactement ça...
BETH. – Contrairement à d'autres... On sait à qui on pense...
MOI. – Voilà...

   Un de mes exs. Il a été capable de me faire tellement de mal, de tellement me détruire que j'ai fini par me détester au-delà de ce qui est imaginable. Et un jour, un jour, il faudra que je parle de ça à Charlène...

BETH, ayant lu dans mes pensées. – Tu lui en parleras ?
MOI. – Bien sûr.
BETH. – Donc tu t'imagines vraiment un avenir avec elle...
MOI. – Merci de croire en moi !
BETH. – Non, pardon, pardon, c'était pas comme ça que je voulais le dire. Je disais ça dans le sens où je suis étonnée parce que je sais que ça fait un bout de temps que tu ne t'es pas attachée à quelqu'un... Et là, tu as l'air de vraiment beaucoup l'apprécier.
MOI. – Et c'est le cas, Beth. C'est vraiment le cas. On ne se connaît pas très bien, pas depuis très longtemps, mais j'ai le sentiment qu'elle sait plus de choses sur moi que tous mes précédents partenaires réunis, hommes comme femmes... Qu'elle est plus sincère, plus douce, plus compréhensive que quiconque. Je sais pas comment l'expliquer, mais c'est vraiment ce que je ressens, en profondeur...

   Beth, s'apprêtant à me répondre, se tait instantanément en voyant la principale intéressée arriver vers nous. Alors que je lève les yeux vers elle, elle blêmit, puis continue son chemin jusqu'à nous, l'air de rien.

CHARLÈNE, se voulant distante. – Vous êtes bien en avance...
BETH. – On est des étudiantes modèles, madame !
CHARLÈNE, évitant de croiser mon regard. – C'est pas faux.

   Alors qu'elle ouvre la salle et s'apprête à y entrer, je tente quelque chose.

MOI. – Madame, on peut rentrer avec vous ?

   Déstabilisée, une fois de plus, elle me fusille du regard.

MOI. – On serait mieux sur des chaises que par terre dans le couloir...
BETH. – Je confirme.
CHARLÈNE. – D'accord, venez.
BETH. – Cool, merci !
MOI. – Merci.

   Le discret clin d'œil que je lui adresse ne semble pas la détendre. L'air de rien, je m'assois sur une table et tente d'agir le plus normalement possible.

I Never Thought - Coup d'un soir pour la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant