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  Charlène est toujours assise sur mon lit. Je la regarde tout en entrouvrant la fenêtre. L'air frais qui entre dans la pièce me fait du bien.

MOI. – Ça va ?
CHARLÈNE. – Oui.
MOI. – Si tu as froid, je fermerai. Tu me diras.
CHARLÈNE. – Hmm-hmm. Pour l'instant ça va. Ça me fait plutôt du bien...
MOI. – D'ac. Qu'est-ce que tu voudras manger, ce soir ?
CHARLÈNE. – Je sais pas.

   Je farfouille dans mes placards pour faire l'inventaire de mes denrées alimentaires. Je n'ai pas grand-chose, à vrai dire...

MOI. – Pâtes carbo, ça t'irait ?
CHARLÈNE. – Avec de la crème ?
MOI. – Non ! Sacrilège !!! T'es pas sérieuse ?
CHARLÈNE, me souriant enfin. – Si, je l'étais : je les aurais refusées, si tu m'avais répondu oui.
MOI. – Ouf. J'ai eu peur ! C'était un motif de rupture, ça...

   Je la rejoins et m'assois dans mon lit, en face d'elle. Elle me lance un regard fatigué.

MOI. – Tu as mal ?
CHARLÈNE. – Un peu.
MOI. – Tu veux que je te donne quelque chose ?
CHARLÈNE. – Non, t'inquiète... Merci.
MOI. – Pas de souci. Si tu changes d'avis, tu me dis.
CHARLÈNE. – Ok. Ahem... Est-ce que je peux aller prendre une douche ?...
MOI. – Bien sûr, vas-y. Je vais te donner une serviette.

   Je m'exécute et quitte ensuite la salle de bain. Je regagne la pièce à vivre et me laisse tomber sur mon lit, m'y allongeant en diagonale. Je suis fatiguée de ma journée, et je suis surtout stressée. J'ai peur pour Charlène. J'essaie de n'en rien montrer, mais je ne suis vraiment pas tranquille. C'est dur pour moi, de ressentir ce genre de chose... Je ne me suis déjà pas encore faite à ce bouillonnement constant en moi, à l'amour profond que je ressens pour elle, mais cette peur de la perdre me torture d'autant plus. Je me rends compte de ses fragilités, mais aussi des miennes... Elle est humaine, moi aussi, mais j'ai l'impression de l'être un peu trop.
   Après une dizaine de minutes, je l'entends couper l'eau de la douche et se sécher.

CHARLÈNE, depuis la salle de bain. – Léa ?
MOI. – Oui ?

   Je me lève et m'approche de la porte.

MOI. – Qu'est-ce qu'il y a ?
CHARLÈNE. – Je suis bête, j'ai oublié de te demander, mais... est-ce que tu peux me prêter des affaires ?
MOI. – Oh ! Oui, bien sûr. Je te rapporte ça tout de suite.
CHARLÈNE. – Merci.

   J'ouvre mon placard et lui sors une culotte et un pyjama qui sera sûrement trop grand pour elle, mais enfin... Je regagne la salle de bain avec les vêtements en main. Je toque. Pas de réponse.

MOI. –... Je peux rentrer ?
CHARLÈNE. – Oui...

   Je pénètre dans la pièce et la trouve enroulée dans sa serviette, agrippée au bord du lavabo. Elle semble à la recherche de son propre regard dans le miroir, perdue.

MOI, posant les vêtements à côté de la vasque. – Tiens.

   Elle ne réagit pas. Des larmes roulent sur ses joues creuses.

MOI. – Hey ?...

   Elle baisse la tête.

CHARLÈNE. –... Regarde-moi : je suis maigre, je ressemble à rien...

   Je marque une pause, le temps de trouver une parade adéquate à l'attaque qu'elle vient de se lancer. Le "tu n'es pas maigre" étant, d'une, bien trop facile, et de deux, absolument faux, je trouve mieux.

MOI. – Etre maigre ne t'empêche pas d'être belle.

   Elle soupire. Je me rapproche doucement d'elle, mais j'hésite un instant avant de coller mon corps au sien, ne voulant pas l'oppresser.

I Never Thought - Coup d'un soir pour la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant