I Never Thought - Coup d'un soir pour la vie

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   J'attends dans le bureau du docteur Klimt depuis un petit quart d'heure lorsque je distingue ses pas ainsi que ceux de ma compagne. Il lui ouvre la porte puis la laisse le précéder. Elle regagne sa chaise, toujours aussi pâle.

MOI. – Ça va ?

   Elle hoche la tête.

DR. KLIMT. – Bien. Charlène, comme je vous l'ai expliqué, vous aurez les résultats d'ici quelques jours. Votre dossier est classé 2, ce qui veut dire qu'il sera traité rapidement.
CHARLÈNE. – Je sais ce que ça veut dire, docteur.
DR. KLIMT, cachant mal son étonnement. – D'accord. Alors passons à la partie plus délicate. En fonction de vos résultats, plusieurs options s'offriront à nous. Dans le pire des cas, si la tumeur est cancéreuse, nous opérerons pour la retirer, puis nous compléterons si besoin avec un traitement systémique. Si la tumeur est bénigne, nous nous en tiendrons à la chirurgie.
CHARLÈNE. – Docteur, je veux être claire dès à présent. Si la tumeur est maligne, je veux une mastectomie totale de chaque sein et une chirurgie réparatrice par la suite. Je paierai pour s'il le faut.
DR. KLIMT. – Hum. Charlène, vous allez un peu vite en besogne...
CHARLÈNE. – Je ne vais pas vite en besogne, je sais seulement ce que je veux.
DR. KLIMT. – Enfin, ne prenez pas de décision trop rapidement... Prenez au moins le temps de demander son accord à votre compagne.

   Charlène me lance un regard perplexe avant d'en fusiller son interlocuteur.

MOI. – Je n'ai absolument aucun accord à lui donner, Docteur. Elle fait ce qu'elle veut de son corps. La décision lui appartient, je n'ai pas mon mot à dire. Si elle veut m'en parler, me demander mon avis, libre à elle de le faire, autrement, je ne la pousserai pas à faire quelque chose juste pour me faire plaisir.
CHARLÈNE. – Je crois qu'on a terminé.
DR. KLIMT. – Attendez. Vous ne voulez pas que je vous explique la procédure chirurgicale ?
CHARLÈNE. – La procédure chirurgicale, je la connais. Tout comme je connais le traitement systémique. J'en ai vu les ravages. Je n'ai pas besoin d'en savoir plus.

   Elle attrape son sac et se lève. Assez déconcertée, je l'imite néanmoins.

CHARLÈNE. – On reparlera de tout ça quand on aura mes résultats. Au revoir, Docteur.
DR. KLIMT. – Ecoutez, je vous en prie. Je sais que vous êtes terrifiée, mais ce n'est pas en fuyant ainsi que vous réussirez à vaincre la peur.
CHARLÈNE. – Alors expliquez-moi comment on peut ne pas avoir peur face à la possibilité d'avoir un cancer. Face à la possibilité d'avoir un putain de truc dans le corps qui pourrait nous tuer. Expliquez-moi, Docteur, vous qui semblez tout savoir de ce que je ressens !

   Elle est en train de se braquer complètement, il n'a aucune chance...

DR. KLIMT. – Pardonnez-moi : je me suis mal exprimé.
CHARLÈNE. – Non, c'est bon. J'ai ma dose.

   Sans plus attendre, elle ouvre la porte et quitte la pièce.

CHARLÈNE, glaciale. – Au revoir, Docteur.
MOI. – Charlène...

   Elle s'éloigne dans le couloir, ses jambes maigres la portant à peine. Je regarde brièvement le docteur Klimt avec impuissance avant de rejoindre mon amante. Arrivée à sa hauteur, je tente de croiser son regard.

CHARLÈNE. – Léa, ne me juge pas.
MOI. – Je ne te juge pas.
CHARLÈNE. – Alors arrête de me regarder comme ça.
MOI. – Je ne te juge pas, mais je me pose des questions. Un tas de questions.
CHARLÈNE. – Je t'en prie, ne me les pose pas.
MOI. – D'accord. Alors je ne te demande rien.
CHARLÈNE. –... Merci...

   Son "merci" sous-entendait beaucoup... J'ai le sentiment que c'est un "merci" qui veut dire "merci de respecter mes limites", "merci de ne pas insister, de me laisser du temps et de l'espace", "merci de me laisser tranquille"... Et j'ai le sentiment que c'est quelque chose dont elle n'a pas l'habitude : qu'on la laisse tranquille.
   Nous sortons de l'hôpital et regagnons notre place de parking. J'interroge Charlène du regard en lui désignant les clefs. Elle fait non de la tête, ne voulant toujours pas prendre le volant. Je monte donc côté conducteur et elle côté passager.