Je suis restée un peu au lit le temps que Charlène prenne sa douche. Lorsqu'elle revient dans la chambre, serviette autour du corps, j'ouvre les yeux et me redresse. Alors qu'elle s'approche de sa commode pour en sortir des habits, je prends conscience de sa démarche pour le moins... étrange...
MOI. – Non, tu rigoles, tu boites ?!
CHARLÈNE. – Ne ris pas.Ne pouvant pas m'en empêcher, je me laisse retomber sur l'oreiller, pouffant tout en regardant le plafond.
CHARLÈNE. – C'est ça, fais la maligne. Je te rappelle que tu t'es pas encore levée aujourd'hui et que vu ton état hier, aussi bien tu boites plus que moi !
Prenant ses paroles comme un défi, je me redresse et me lève. Je m'aperçois rapidement que je n'ai absolument aucun problème pour marcher. Je me rapproche donc d'elle en affichant un air moqueur. Je m'arrête à quelques centimètres de son visage.
MOI, chuchotant dans sa nuque. – Je te signale que, contrairement à d'autres hier, moi, je me suis pas fait défoncer la chatte avec un gode aussi large que mon poing...
Je profite de ma proximité avec sa peau pour lui voler un baiser, rapide, léger, avant de lui lancer un regard complice.
CHARLÈNE. – Et tu n'imagines pas ce à côté de quoi tu es passée !
J'aime de plus en plus son sens de la répartie.
MOI. – Mais vous me montrerez ce que ça fait, pas vrai madame Smith ? J'ai tant à apprendre de vous...
CHARLÈNE, entrant dans mon jeu. – Comment refuser cela à une étudiante aussi investie que vous, Eléanor ?Nous plaisantons encore quelques instants puis allons prendre notre petit-déjeuner tout en discutant de choses et d'autres.
09:45. Charlène et moi devons partir : nous avons toutes les deux cours à 10:30.MOI. – Comment on fait ? On y va ensemble ?
Elle hésite un instant.
CHARLÈNE. – Oui...
MOI. – Sûre ?
CHARLÈNE. – Oui.
MOI. –... Et si quelqu'un s'inquiète du fait qu'on arrive ensemble ?
CHARLÈNE. – Je sais pas.Sans accorder plus d'importance à la question, elle passe aux toilettes. Je mets pour ma part mes chaussures et passe ma veste avant de récupérer mon sac. Prête à partir, je l'attends dans l'entrée. Elle me rejoint tout en enfilant son perfecto.
CHARLÈNE, laçant ses chaussures. – T'appeles l'ascenseur, s'il te plaît ?
MOI. – Yes.Deux minutes plus tard, nous y entrons.
MOI. – C'était cool, notre petite soirée.
CHARLÈNE. – Si tu savais comme ça m'a fait du bien...
MOI. – Je le sais. Je l'ai vu dans ton regard.
CHARLÈNE, étonnée. – C'est vrai ?
MOI. – Oui. Quand je suis arrivée hier, tu avais l'air tendue... Là, je te trouve plus sereine...Sans me répondre, elle pose une main sur ma hanche et m'embrasse doucement. Je lui rends le baiser, passant mes doigts dans son cou, distinguant une fine croute sous ses cheveux bouclés : la griffure.
MOI. – Ça va ? Ça te fait pas mal ?
CHARLÈNE. – Non, absolument pas.Il est 10:10 quand nous arrivons à la Fac. A peine entrée dans le bâtiment, alors que nous marchons côte à côte, nous croisons Clarissa Lejeune, l'enseignante de critique littéraire. Discrètement, mon amante et moi nous écartons l'une de l'autre.
MME. LEJEUNE, à Charlène. – Salut.
CHARLÈNE. – Salut.
MME. LEJEUNE. – Eléanor, vous arrivez à l'université avec vos enseignantes, maintenant ?
MOI, gênée. – Ahem...
CHARLÈNE, rapide. – On est voisines.
MME. LEJEUNE. – Ah oui ?
CHARLÈNE. – Oui : j'ai croisé Eléanor à l'arrêt de tram ce matin, alors je lui ai proposé de la déposer... Comme on allait au même endroit.
MME. LEJEUNE. – Je vois.Je la sens suspicieuse, et je me sens surtout très mal à l'aise. Je feins de regarder l'heure sur ma montre pour pouvoir me sortir de cette situation.
MOI. – Je suis désolée, il faut que je me dépêche, je dois passer à la Scolarité. Merci de m'avoir déposée, madame Smith. A tout à l'heure. Bonne journée, madame Lejeune.
CHARLÈNE, sèche, jouant le jeu. – A tout à l'heure.
MME. LEJEUNE. – Au revoir.Elle ne fait plus attention à moi et reporte son attention sur mon amante.
MME. LEJEUNE. – Et toi, tu boites, maintenant ?
Ne voulant pas entendre la réponse, je me dépêche de parcourir le couloir, puis j'emprunte l'escalier et un nouveau couloir avant d'arriver devant ma salle. Après quelques minutes, Beth arrive.
BETH, toute guillerette. – Coucou ! Alors, ta soirée ?
MOI. – Tellement bien !
BETH. – Elle a préféré quoi ? Les sushis, ou ton minou ?
MOI, riant tout en la tapant sur l'épaule, faussement outrée. – Beth, mais ça va pas ? Ferme-la, un peu !
BETH. – Roh, allez, donne-moi des détails croustillants...
MOI. – Non mais dis, ça va, le voyeurisme ? Tout ce que je peux te dire, c'est que je pense qu'elle comme moi, on n'était pas prête à ressentir des choses aussi intenses...
BETH. – En termes d'orgasmes ?
MOI. – Oui, mais de manière plus générale aussi. En termes d'émotions, dans leur globalité. Je ne m'attendais pas à ça... Disons qu'on a brisé de nouvelles barrières.Beth hoche la tête alors que je marque une pause, hésitant à lui révéler ce qui me vient à l'esprit. Je décide finalement de le faire.
MOI. – Elle a pleuré... Je veux dire, après...
BETH. – Après l'amour ?
MOI. – Oui.
BETH. – Oh...
MOI. – Ça m'a fait bizarre...
BETH. – Je peux le comprendre... Mais prends-le comme un compliment : elle s'est sentie assez bien, assez en confiance pour lâcher prise, et c'est beau, au final.
MOI. – Oui, t'as raison.Un instant plus tard, notre enseignant arrive.
La journée passe assez rapidement.
A 14:30, nous avons cours de littérature étrangère. La salle étant vide avant nous, Beth et moi ainsi que quelques uns de nos collègues y entrons. Comme à notre habitude maintenant, nous nous installons au fond de la pièce. Charlène ne tarde pas à arriver.CHARLÈNE, posant ses affaires. – Il fait chaud, non ?
YANNICK. – Oui. On peut ouvrir les fenêtres, je pense.Elle acquiesce tout en attachant ses cheveux, ne faisant pas attention à ma mine surprise. Aussitôt qu'elle a vu, Beth se penche vers moi.
BETH. – C'est toi, la griffure dans le cou ?
MOI. – Peux-tu, s'il te plaît, pour une fois, te taire ?
BETH. – Ça va, ça va...De plus en plus gênée, c'est Elza qui m'achève.
ELZA. – Eh bah dis-donc, madame... Vous baisez avec Léa, ou comment ça se passe ? Parce que la griffure dans le cou, on la connaît !
Oui, il m'est arrivé de coucher avec cette fille. Ce n'était d'ailleurs pas un mauvais coup... Mais enfin, là, je suis à un stade de décomposition avancé. Je m'efforce de n'en rien montrer, alors que Charlène ne m'adresse pas un regard et semble étonnamment maître d'elle-même.
CHARLÈNE. – Elza, vous me prenez pour qui ? Et puis, vous, surtout, vous vous prenez pour qui ? Ça ne vous paraît pas déplacé de me poser des questions sur ma vie sexuelle ? Vous aimeriez que je vous demande si vous êtes satisfaite des services d'Etienne lorsqu'il vous prend dans les toilettes du deuxième ?
Un sursaut général. Nous étions loin de nous douter que ces deux-là couchaient ensemble : ils se détestent.
CHARLÈNE. – Eh oui... On voit parfois des choses que vous autres étudiants ne voyez pas... Pas vrai, Elza ?
ELZA, écarlate. –... Excusez-moi.
CHARLÈNE. – Je préfère ça. Bon, allez, au boulot.Je sors mes textes tout en croisant le regard noir d'Elza. Je hausse un sourcil mais ne réagit pas plus, de peur de me trahir.
BETH, chuchotant en couvrant sa bouche de sa main. – C'est une ouf, ta meuf.
MOI. – Je sais.
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I Never Thought - Coup d'un soir pour la vie
RomanceElles ont décidé de ne pas s'attacher... Mais si ce soir-là était celui qui allait changer leurs vies ? Et si elles se laissaient une chance ? Romance lesbienne à dix-neuf ans d'écart. #1 "Plaisir" du 11/10/2024 au 17/10/2024 #1 "Queer" du 25/07/202...