I Never Thought - Coup d'un soir pour la vie

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○PDV CHARLÈNE○

   Après une petite journée à la Fac, je décide d'aller faire un tour chez mon oncle : ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu.
   Alors que je passe la grille, Jethro se précipite sur le perron et aboie comme un fou. Je me dépêche de descendre de ma voiture et de gravir les marches.

MOI. – Jethro, mais c'est pas vrai ! Tais-toi donc : c'est moi ! C'est moi, idiot !

   Alors qu'il tourne autour de moi en remuant la queue, je prends le temps de le caresser. Au même moment, la porte d'entrée s'ouvre sur Mokhtar.

MOKHTAR. – Charlène !
MOI. – Mokhtar ! Comment vas-tu ?
MOKHTAR. – Moi je vais toujours bien ! Et vous ?
MOI. – Très bien, merci. Mon oncle est là ?
MOKHTAR. – Oui, il est au séjour.
MOI. – D'accord, je te remercie. Je fais comme chez moi, hein, ne t'embête pas pour moi !
MOKHTAR. – D'accord, Charlène.

   J'entre et file tout droit au séjour, où je trouve effectivement mon oncle avachi dans son fauteuil, lunettes sur le nez, en train de lire le journal. Il se lève aussitôt qu'il s'aperçoit de ma présence.

JEAN-LOUIS. – Charlène, mon ange !
MOI. – Salut !

   Il se précipite pour m'embrasser la joue.

JEAN-LOUIS. – Ça faisait longtemps que tu n'étais pas venue.
MOI. – Je sais... J'étais très occupée...
JEAN-LOUIS. – Je m'en suis douté ! Bon, comment vas-tu, ma chérie ?
MOI. – Ahem... bien. Plutôt bien.
JEAN-LOUIS. – Ta tumeur ?
MOI. – On me la retire mercredi prochain.
JEAN-LOUIS. – D'accord. Tu auras besoin de quelqu'un pour te conduire à l'hôpital.
MOI. – En fait, surtout pour m'en ramener... Mais ne t'inquiète pas, je me débrouille.
JEAN-LOUIS. – Comment ça ? Non, non, non : il est hors de question que je te laisse aller là-bas seule ! Je sais que beaucoup de choses te hantent, alors je sais aussi que si tu n'es pas accompagnée, ça se passera mal... Et tu ne vas pas conduire jusqu'à chez toi après une anesthésie générale. Non, je t'accompagnerai.
MOI. – Tu t'emballes, Jean-Lou'...
JEAN-LOUIS. – Non, je ne m'emballe pas : Charlène, je t'ai promis d'être toujours là pour toi, dans les bons comme dans les mauvais moments.
MOI. – Bon, tu peux me laisser t'expliquer, s'il te plaît ?
JEAN-LOUIS. – Oui, d'accord ma chérie, dis-moi tout. Qu'est-ce que tu veux tant m'expliquer ?
MOI. – Si j'ai dit que je me débrouillais, c'est parce que j'ai déjà quelqu'un qui m'accompagnera...
JEAN-LOUIS. – Ah oui ?

   Je garde le silence quelques instants, lui laissant le temps de comprendre par lui-même.

JEAN-LOUIS. – Oh, je comprends ! Tu as rencontré quelqu'un ?
MOI. – Oui. Elle s'appelle Eléanor et hum...
JEAN-LOUIS. – Je veux tout savoir. Raconte-moi tout ! Je suis tellement content que tu aies retrouvé quelqu'un !
MOI. – En fait, c'est un peu délicat à dire...
JEAN-LOUIS. – Mon ange, dis-le comme tu le penses, tu sais que je ne te jugerai pas.
MOI, d'une traite. – C'est une de mes étudiantes.

   Il s'efforce de n'en rien montrer, mais ses expressions faciales trahissent sa pensée. Je le vois se décomposer.

JEAN-LOUIS. – Oh.
MOI. – Je savais que ça te ferait un choc... Pose tes questions.
JEAN-LOUIS. – Son âge ?
MOI. – Vingt-deux, bientôt vingt-trois.
JEAN-LOUIS. – Ça... Comment... Hmm... Comment c'est arrivé ? Ça dure depuis combien de temps ?
MOI. – Ça va faire cinq mois. En fait, on s'est rencontrées ici.
JEAN-LOUIS. – Pardon ?
MOI. – Mais tu sais bien : le rallye de septembre.
JEAN-LOUIS. – C'est pas vrai... Mais comment est-ce qu'elle a été invitée ?
MOI. – Elle était... amie... avec le fils des Villeneuve.
JEAN-LOUIS. – Mais ils n'étaient même pas là : ils étaient au mariage du plus grand !
MOI. – Je sais. Bref, toujours est-il qu'elle était là, qu'on s'est rencontrées et qu'on s'est plues... A ce moment-là, je ne savais absolument qu'elle allait faire partie de mes étudiants !
JEAN-LOUIS. – C'est complètement fou ! C'est surréaliste !
MOI. – J'en suis consciente, crois-moi. Mais si tu savais... Cette fille est la plus belle personne qui ait croisé ma route. Tu peux pas savoir tout ce qu'elle m'apporte...
JEAN-LOUIS. – Pour Aude aussi, au début, tu disais ça...