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   J'ai chaud. La langue de Charlène dans ma bouche me donne chaud. Je retire mon blazer puis repose une main sur sa joue, l'autre étant à sa taille, que je caresse doucement. Elle se penche sur moi, ses seins contre les miens, et je m'arque en arrière. Je la sens prête à aller plus loin, mais à la vérité, je n'en ai pour ma part pas envie. Ce baiser, cette étreinte me suffisent. Après quelques secondes encore, elle s'écarte un peu de moi et pose la main sur ma cuisse.

CHARLÈNE. – Je peux mettre ma main entre tes jambes ?
MOI. – Non. Pas tout de suite.
CHARLÈNE. – D'accord. Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
MOI. – Embrasse-moi encore.

   Elle obéit. J'aime ses lèvres. J'aime quand elle m'embrasse comme ça, avec force et douceur. La sincérité de son geste, l'amour qu'elle y met, naturellement, sans se forcer. Nos cœurs battent à l'unisson et le monde autour de nous s'efface peu à peu, le réel se dissipe. L'instant est tendre. Nos corps ne font plus qu'un. C'est comme si nous avions toujours été faites pour cela.
   Avant Charlène, j'avais la sale habitude de toujours précipiter les choses... Non seulement je couchais toujours le premier soir (oui, je sais, ce n'est pas avec Charlène que ça a changé), mais surtout, je fonçais toujours tête baissée, cuisses écartées, mon intimité aussi ouverte que des fenêtres un matin d'été... Et je n'ai jamais compris pourquoi j'avais cette envie irrépressible, ce besoin de me faire soulever, de me faire démonter. C'était une quête insatiable de passion brutale dont j'ignorais la cause. Maintenant, je sais. C'est parce que je n'ai jamais connu ça : la douceur, le respect... Un rapport de séduction sain. Le plaisir de laisser la tension monter, le plaisir de se laisser le temps, simplement... Ces lèvres contre les miennes me font à chaque fois aimer Charlène un peu plus. Chaque moment passé avec elle donne un nouvel élan à la passion que je ressens. Cette femme, certes de dix-neuf ans mon aînée, m'envoûte plus que toutes les autres personnes auxquelles j'ai pu être liée auparavant. La beauté de son âme et sa complexité me rendent toujours plus folle d'elle.
   Le raz-de-marée amoureux qui me submerge fait de moi une femme perdue. J'ai le sentiment de ne plus rien comprendre à ce qui se trame en moi, à ce qui m'habite. Ce serait donc ça, le bonheur ? Paysage inconnu que je découvre à peine... Je l'ignore... Je n'en ai pas l'habitude...
   Je suis tirée de ma rêverie lorsque mon amante retire ses divines lèvres des miennes pour les poser contre ma nuque. Je passe mes doigts dans ses cheveux et presse sa tête pour qu'elle me suce.

MOI. – Oui... Continue...

   Ce faisant, elle repousse une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. Je me blottis contre elle. Mes yeux s'emplissent de sanglots que je ne peux retenir. Elle s'aperçoit de mon malaise.

CHARLÈNE. – Chérie, à quoi tu penses ?...
MOI. – A toi...

   Elle recule un peu et je passe mes bras de chaque côté de son cou, joignant mes mains à l'arrière de celui-ci. Elle laisse reposer les siennes sur mes hanches.

CHARLÈNE. – Penser à moi te fait pleurer ?
MOI. – Oui. Enfin non... Je suis perdue, Charlène... Là, je...

   Je soupire...

CHARLÈNE. – Tu as eu peur, c'est ça ? Je t'ai fait peur.
MOI. – Oui, je crois... Je...

   Me voyant au bord des larmes, elle m'enlace. Je me laisse aller à l'étreinte tandis que les larmes coulent.

MOI, entre deux sanglots. – Je t'aime.

   Elle resserre l'étreinte. Je m'agrippe avec force à elle, comme si j'allais la perdre, comme si elle allait à tout instant s'évaporer.

CHARLÈNE. – Je t'aime aussi.

   Par la même occasion, la vague d'émotions a emporté avec elle toute envie charnelle, et je me sens un peu bête. Je la lâche et la regarde craintivement.

I Never Thought - Coup d'un soir pour la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant