19

391 22 16
                                    

   Le cours de Littérature étrangère touche à sa fin. Charlène en profite pour nous rendre nos (déplorables) copies. Elle me lance un regard lourd de sens, esquissant un rictus moqueur en posant la mienne devant moi. Beth pouffe de rire.

BETH, chuchotant à mon oreille. – Bah alors, ça paye pas, de coucher avec la prof ?

   Elle s'écarte pour balancer la tête en arrière, morte de rire.

MOI. – Beth, t'as eu 09, c'est pas mieux.
BETH. – Certes, moi je... ne joue pas aux cartes avec la reine !

   Son fou rire est nerveux, à ce stade.

CHARLÈNE. – Beth ! Ce n'est pas parce que vous avez un point de plus qu'Eléanor que vous pouvez vous permettre de vous foutre de sa gueule. Vous devriez plutôt prêter attention à ce que j'ai écrit dans votre copie. Si vous avez des questions, faites-moi signe.

   Toute la classe ricane alors. Je parcours rapidement les annotations de mon amante jusqu'à ce que je trouve, glissé entre deux feuilles, un petit bout de papier plié en deux. Je m'assure que personne ne regarde et l'ouvre.

   "Léa,
   RDV 18h30 dans mon bureau.
   J'ai les résultats de ce que tu sais.
   C."

   Aussitôt le message lu, je replie le bout de papier et le glisse dans ma poche. Je ne suis pas tranquille : j'espère que ses résultats seront les moins mauvais possible... Si la tumeur est cancéreuse, je crains vraiment qu'elle ne s'en remette pas et qu'elle fasse des bêtises avec sa santé... Il faut que ce soit bénin.

○○○

   18h30.
   Je toque à la porte de son bureau et attends la réponse.

CHARLÈNE. – Entre !

   Je m'exécute et prends soin de refermer la porte derrière moi avant de m'avancer vers elle tandis qu'elle se lève pour m'accueillir.

CHARLÈNE. – J'ai eu le mail du médecin... Je suis incapable de l'ouvrir.

   Sa voix mal assurée me fait de la peine. Je ne dis rien, je me contente de la regarder. Elle baisse la tête et commence à triturer ses phalanges, comme à son habitude lorsqu'elle est anxieuse. Elle tremble. Je pose mes mains sur ses bras et tente de la calmer.

MOI. – Charlène, je suis là...

   Elle souffle un coup, puis, en une inspiration, s'écarte de moi et retourne s'asseoir à son bureau, derrière son ordinateur. Elle tape frénétiquement sur le clavier jusqu'à accéder à sa boîte mail. Ce fait, elle bloque. Elle reste immobile durant de longues secondes. Des larmes coulent sur ses joues. Je m'approche et pose une main sur son épaule. Elle explose en sanglots. Je vois bien qu'elle est morte de peur à l'idée d'ouvrir ce foutu mail.

MOI. – Ecoute-moi...

   Elle se penche, pose les coudes sur la table et plonge son visage dans ses mains, en pleurs.

MOI. – Mon amour, regarde-moi. Regarde-moi, s'il te plaît.

   Elle obéit.

MOI. – Quoi qu'il arrive, quoi que dise ce mail, je te promets que ça ira. Je te promets d'être là. Je te promets que je ne t'abandonnerai pas. Pour rien au monde, d'accord ? Quoi qu'il se passe quand tu auras ouvert ce mail, je serai là.

   Elle hoche la tête, réprimant ses larmes. Je passe un bras autour de ses épaules et la tiens contre moi, l'embrassant dans les cheveux alors qu'elle agrippe mon avant-bras.

CHARLÈNE. – Je suis terrifiée...
MOI. – Je sais.
CHARLÈNE. – Il faut que j'ouvre ce mail...
MOI. –... Est-ce que tu veux que je le fasse ? Est-ce que tu veux que ce soit moi qui te dise ?

   Vivement, elle opine.

CHARLÈNE. – S'il te plaît.

   Je me penche, gardant un bras contre ses omoplates et saisis la souris. Elle colle sa tête contre mon cou, tentant de se calmer alors que je clique. Je lis rapidement mais plusieurs fois le contenu du mail, pour être sûre de ne pas dire de bêtise. "Tumeur non cancéreuse".

MOI. – Charlène, Charlène ! T'as rien ! T'as rien, c'est bénin !
CHARLÈNE. – Oh Seigneur ! Pour de vrai ?
MOI. – Oui ! Lis !

   Elle m'embrasse avec force et rapidité avant de porter son regard vers son écran. Aussitôt le mail lu, elle se tourne vers moi et plonge des yeux humides de soulagement dans les miens. Elle se lève de sa chaise et me prend dans ses bras alors que j'essuie maladroitement ma joue. Dès qu'elle me lâche, je passe mes mains dans sa nuque et l'embrasse à pleine bouche. Etre délivrées de la menace d'une telle épée de Damoclès nous déleste d'un poids immense.

CHARLÈNE, ses mains dans mon dos. – Léa, si tu savais comme je suis soulagée !
MOI, les miennes sur ses hanches. – Et moi donc !

   Au même instant, nous entendons le bruit d'une clef dans la serrure. Charlène sursaute et retire aussitôt ses mains de mon corps. J'en fais de même et m'écarte avec empressement.

CHARLÈNE. – Merde, c'est Clarissa !
MOI. – Mais qu'est-ce qu'elle fait là ?
CHARLÈNE. – Je sais pas !

   Je me sens rougir alors que "Clarissa" entre dans la pièce.

CLARISSA. – Charlène, t'es encore... ? Oh pardon, je savais pas que t'étais en rendez-vous.
CHARLÈNE. – T'inquiète.
CLARISSA, suspicieuse. – Décidément, Eléanor, vous ne la quittez plus !
MOI. – J'avais besoin de renseignements pour un projet...

   Elle me contourne pour atteindre son bureau, ouvrir un tiroir et y chercher quelque chose tout en continuant à parler.

CLARISSA. – Oh, ne vous inquiétez pas, je me doute que vos entrevues sont toujours parfaitement justifiées.
CHARLÈNE, changement de sujet avec une habileté déconcertante. – Tu as oublié quelque chose ?
CLARISSA. – Mes clefs de maison.
CHARLÈNE. – Ah, bien, ça ! Tu t'en es aperçue... ?
CLARISSA. – A ma porte.
CHARLÈNE. – Un super début de soirée, donc !
CLARISSA. – A qui le dis-tu ! Bon allez, je vous laisse... Bonne soirée.
CHARLÈNE. – Salut. On se voit demain ?
CLARISSA. – Ouais.
CHARLÈNE. – Ça marche, ciao !
MOI. – Au revoir.

   Elle quitte les lieux et je lance un regard inquiet à ma compagne.

MOI. – Elle nous a cramées, là, on est d'accord ?
CHARLÈNE. – J'en suis pas si sûre...
MOI. – Tu rigoles ? "Oh, je suis sûre que vos entrevues sont parfaitement justifiées" ? Tu vas pas me dire qu'on est pas grillées !
CHARLÈNE. – Peut-être qu'elle se pose des questions sur ta relation avec moi, mais je suis pas sûre qu'elle ait compris la réciprocité de la chose...
MOI. – Mouais... Enfin je vais quand même me retrouver dans une situation délicate, quand je vais me pointer à son cours, mardi prochain...
CHARLÈNE. – T'inquiète pas. J'essaierai de désamorcer la bombe avant mardi... Je lui parlerai.
MOI. – Pas de nous ?
CHARLÈNE. – Non, pas de nous. Je tâcherai de la détromper, quitte à mentir un peu...

   Un peu rassurée, je me rapproche d'elle et repose mes mains à sa taille, adoptant un autre ton.

MOI, mordillant ma lèvre inférieure. – Ouh, c'est mal, ça...
CHARLÈNE, entrant dans mon jeu. – Très mal...

   Elle plaque son corps contre le mien et m'embrasse langoureusement. Je m'assois sur le bureau et entoure son bassin de mes jambes tout en passant la main dans ses cheveux alors que la tension monte.

***

N.D.L.A.
Dites-moi ce que vous pensez de ce chapitre, car je ne suis que partiellement convaincue par ce que j'ai écrit... La direction prise me paraît un peu incertaine, alors j'aimerais avoir des avis, quels qu'ils soient. Ça m'aiderait vraiment beaucoup !
Merci d'avance,
Lizaveta.

I Never Thought - Coup d'un soir pour la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant