Chapitre 9

70 10 2
                                    

« Dans la résilience d'une perte se trouve une capacité au changement qui fait souvent peur. »

Hermione ne se rappelait pas s'être sentie aussi désorientée de toute sa vie. Les pensées pèle-mêles, tournoyant dans une tornade effroyable de froideur, elle sillonnait les couloirs de Poudlard, ses iris perdus dans l'ailleurs. Elle venait de finir sa ronde et pouvait revenir dans son dortoir. Elle avait ingurgité sa bouteille de whisky deux heures plus tôt et elle tanguait encore un peu sur ses jambes. Elle était bien chanceuse de n'avoir croisé aucun élève ou professeur dans cet état lamentable. Mais déjà, la langue engourdie et ses membres apaisés sous l'alcool, elle se sentait sereine. En dehors de sa fixation malsaine sur le Serpentard qu'elle côtoyait, elle se sentait en paix. Sa cicatrice ne lui brûlait pas la peau jusqu'à lui tirer des ondes de douleur intolérable. C'était bon signe. Elle trouvait seulement dommage que ces seuls instants de pause, sans souffrance, se retrouvaient en présence de Malfoy, ou lorsqu'elle consommait des breuvages toxiques. Elle aurait voulu se défaire de ce besoin, retrouver cette partie d'elle évanouie depuis ces derniers mois. Elle était même prête à chercher ciel et terre pour retrouver les fragments de son âme et les recoller.

Mais la vie avait ses limites et Hermione aussi. Elle n'était pas invincible, même si ses camarades semblaient le penser.

La jeune Gryffondor n'avait pas seulement fait apparaître son spiritueux suite à sa discussion avec Harry. Elle n'en avait que faire des élans de jalousie de Ginny, ni de son refus de participer à une soirée assommante. Non, il s'agissait d'autre chose : d'une lettre. Elle recevait une missile toutes les deux semaines. Son contenu était court, vague et transporteur de froideur. Elle les connaissait néanmoins par cœur, comme si entre les fines lettres dessinées pouvaient y siéger quelques secrets, des indices. C'était ridicule pourtant. Serrant ses lèvres, les larmes aux yeux, elle tenta d'éloigner la provenance de l'enveloppe qu'elle avait reçue. Ce n'était pas important. Elle ne devrait plus avoir ce type d'attente. Les espoirs plongeaient les individus dans un déni mortel et dangereux. Hermione connaissait avec certitude les réponses à ses questions, mais elle les posait quand même répétitivement.

Les doigts tremblant, elle compta les pierres s'emboîtant dans les parois du château de Poudlard, tout en avançant, les jambes flageolantes. Lorsqu'elle tâtonna la poignée de sa porte, elle perdit le fil de ses pensées et revint à lui. Malfoy. Un sourire prolongea ses douces lèvres pleines, alors qu'elle entendait la musique battant avec force contre les parois de la porte. Elle pouvait entendre de nombreuses voix. Se surprenant à écouter, elle tenta de se remettre les idées en place. Elle captura à travers le bois épais la voix de plusieurs hommes, sûrement Blaise et Théodore. Ils passaient tout leur temps avec son colocataire ces derniers temps, comme un trio inséparable. Son sourire se fana en un instant et elle hésita à ouvrir le seul obstacle qui lui permettait d'accéder à son chez soi. Devait-elle vraiment prendre la peine de rentrer dans cet état ? Draco allait sûrement en profiter pour se moquer d'elle.

Soupirant, écœurée que ses pensées ne tournent que pour sa personne, elle affronta sa réalité en tirant dans un bref mouvement le pommeau de la porte en forme de serpent. Évidemment, le jeune Serpentard avait jeté un sortilège dessus pour lui donner cette forme. Son apparition plongea les invités dans un silence glacial. La musique continuait de résonner avec écho entre les murs du salon. Il devait y avoir une vingtaine de personnes, en vue du nombre de paires de yeux qui se déposèrent sur elle. Elle n'y fit pas vraiment attention. Non, Hermione était trop concentrée à analyser le nouveau décor de la pièce. Les murs étaient bariolés de couverture à l'étendard de la maison Serpentard. Plongée dans une demi-pénombre, la salle, réaménagée avec un bar en son milieu, Hermione se dit qu'elle n'y avait pas meilleur endroit où se trouver.

Prince des serpents (VF) | DramioneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant