GAME MAYBE OVER

Chapitre 14

Atmosphère : Aimed to Kill - Jade LeMac

J'attendis un moment avant de faire part de mes doutes au groupe : je souhaitais à tout prix laisser Ethan et Millie profiter de leurs retrouvailles. Et puis, je ne peux pas nier que ce petit temps d'émotion me réchauffe de l'intérieur, malgré le froid qui gronde dehors. J'observe le vent s'échouer avec violence contre les fenêtres.

- Comment et qui vous a mis au courant ? soufflais-je à Justine qui faisait tourner la bombe-cannette à l'aide de la goupille improvisée, autour de son doigt. Elle est toujours un peu trop confiante, mais c'est ce que j'admire chez elle. Je ne l'ai jamais vu rater son coup.

Justine hausse les épaules avec un détachement hors norme à propos du sujet de la discussion. Puis elle fronce soudainement les sourcils et scrute partout autour de nous, à s'en décrocher la tête. C'est à cet instant que je redoute avec une infinie frayeur, la requête qu'elle va me demander.

- Elle est passée où Rose ? Je croyais qu'elle était avec vous, pourtant. Sa voix inhabituellement calme me paralyse de la tête au pied. J'ai la soudaine impression d'avoir les pieds cloués au sol et quand son regard croise le mien, une vague d'angoisse se déferle sur l'entièreté de mon corps, si intense que s'ajoute à cela, un long frisson parcourant les moindres parcelles de mon épiderme. Je me sens incapable de lui avouer que si sa sœur manque à l'appel, c'est pour une raison bien plus sombre que tout ce qu'elle est actuellement en train d'imaginer. Comment soutenir les probables accusations dont elle m'incriminera ? Je ne suis plus assez forte pour ça.

Je reste muette, tremblante de stress. Il me vint alors une idée pour détourner les mots.

J'attrape le bras de Justine en lui faisant signe de me suivre, nous traversons le grand couloir du deuxième étage, jusqu'à son extrémité. Aux grandes fenêtres qui la caractérise. Mais surtout à l'une d'entre elles. Brisée et recouverte de sang.

Quand j'aperçois Rose – ou plutôt ce qu'il en reste – pour une seconde fois, j'ai le sentiment que mes jambes ont perdus leur fonction. Si je ne me tenais pas à Justine, je pense que je tomberais à la renverse en un claquement de doigt.

J'entends sa respiration se stopper et mon sang se glace instantanément. C'est le temps de réaliser qu'on l'a perdue pour toujours. Et qu'il n'y a plus aucun moyen de la faire revenir. C'est fini. Mais il faut encore l'accepter, ce qui peut être plus ou moins long selon les personnes. Et surtout de la place que prenait Rose dans leur vie. :

- Quand ? reprend Justine d'une voix pâteuse. C'est arrivé quand ?

Je déglutis difficilement tout en ravalant les larmes qui brûle mes yeux, si fort que j'ai le présentiment qu'elles réussiraient à les consumer en un rien de temps.

- Il y a environ deux heures, je pense. Dis-je d'une voix étonnement rauque, j'en fus moi-même surprise lorsque je m'en aperçus.

Justine hoche lentement la tête et je la trouve trop posée, trop silencieuse. J'ai peur que son silence soit une sorte de prédilection avant qu'elle n'explose telle la bombe que sa main serre si fort.

Si j'avais un peu de courage pour contrer sa colère, je briserais cet instant de calme pour lui demander si elle souhaite que les autres soient mis au courant. Même s'il y a de fortes chances qu'ils le soient déjà. Les autres ne tiendront pas leur langue très longtemps.

En attendant de voir la suite des évènements ou que quelqu'un se décide à venir vers nous, je prends ce qu'il nous reste de temps pour travailler ma respiration. La modérer pour ainsi mieux réfléchir. Faudrait-il d'abord que je sache comment faire.

- Vous venez, les filles ? Interpelle Thomas d'un ton peu discret. Je me retourne avec hâte et me dirige vers le reste de mes amis. Je suppose que Justine me suit mais je n'ose pas tourner la tête vers elle.

J'observe les autres, personne ne tient en place, ça ne m'étonne pas vraiment. Nous sommes en continuel traque – ou du moins, quelque chose qui s'en rapproche – depuis le début de la soirée. Les découvertes (en majorités mauvaises) s'enchaînent, donnant alors l'impression d'être ici depuis 3 jours et non 3 heures.

- Attendez ! interrompt Finn – manquait plus qu'il l'ouvre, lui. Est-ce qu'on peut planifier clairement ce qu'on s'apprête à faire ?

C'est décidé, ce mec est barge. Mais ça ne t'a pas empêché de tomber amoureuse de lui ? je vais partir du principe qu'on fait tous des erreurs et que l'amour rend aveugle, pas vrai ?

- Pourquoi ? ça nous fera perdre du temps, c'est tout. Lui rétorquais-je, malgré le fait que je ne sois pas la mieux placée pour donner des leçons de morale à ce propos.

- Je suis largué c'est tout. Prononce-t-il comme si ses mots le trahissaient.

Est-ce que je ressens ne serait-ce qu'un peu de pitié pour lui ? Absolument pas. Et c'est la meilleure des sensations, de ne plus avoir mal, d'avoir perdue tous les horribles sentiments qui me ralliaient à lui. Alors je ne vais pas me gêner pour le lui montrer.

Je ne m'empêche pas de retenir le rictus qui franchis ma bouche à cet instant.

- Ho non, pauvre mec, il est largué ! Mais j'espère au moins que tu t'es rendu compte que même en essayant de suivre nos plans à la lettre, on échoue ? Pourquoi ?! Parce qu'on ne peut pas prévoir combien nos illusions de gamins de 3ème vont nous coûter. Alors oui, moi aussi j'aimerais bien un peu d'organisation dans tout ce bordel, mais on n'a pas toujours tout ce qu'on veut !

Silence de mort.

C'est le cas de le dire ! Tu sais, Rose, tout ça...

Je crois que je commence à vraiment perdre la tête, je ne contrôle même plus ma conscience ! Ou plutôt cette voix à l'humour noir et à la dangereuse envie de me nuire sans que je sache pourquoi.

- Je sais que cette situation n'est simple pour personne, mais est-ce qu'on peut essayer d'éviter ce genre d'échanges agressifs entre nous, s'il vous plaît ? Demande avec lassitude Harry qui se frotte machinalement le front, comme signe d'épuisement.

Je me sens comme une idiote, bien-sûr. Moi qui croyais que ça me ferait du bien de me défouler un peu sur ceux qui le mérite. Mais, d'une certaine manière, en contribuant à ça, c'est un peu comme de la vengeance. Et je dois avouer que j'appréhende le jour où je gouterai réellement à cette chose. Oui, cette chose qui procure du plaisir pendant une seconde, mais en incluant celle d'après vous hantera toute votre vie, évidemment.

- Descendons voir en bas, avec un peu de chance, y'aura peut-être un divertissement de mauvais goût qui nous changera les idées. Propose Thomas en commençant à se diriger vers les escaliers.

- Ho oui, très bonne idée ! M'exclamais-je en me forçant à pousser un soupir qui flanche entre l'amusement et le désespoir.

Notre groupe entame une marche décontractée et sans précipitation, tout en discutant normalement comme si nous n'étions que de bonnes connaissances qui passaient une soirée entre eux, en bref, ce qu'il y a de plus banal.

- Divertissement du genre ?

- Des méchants qui vont vouloir nous manger, ça fout la trouille à ce qu'il paraît.

- Je le savais ! Personne ne m'avait rien dit.

- D'ailleurs qu'est-ce que tu fais ici...Britney, c'est ça ?

- Ho, c'est une longue histoire...

Je souris toute seule, un peu comme une folle et complètement soule.

Puis ma joie s'accentue quand je sens le bras de Tyler frôler volontairement le mien, à plusieurs reprises. Je sais que je ne devrais pas sombrer là-dedans, et j'en suis consciente, mais j'ai plus la force de résister...

A suivre...