CHAPITRE 5 - ALICE

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Le verdict est tombé : trisomie 21...

On pense toujours que les tragédies tombent sur les autres. Et bien big scoop : cela n'arrive pas qu'aux autres ! Pourtant je ne suis pas du genre à penser que je suis parfaite, et qu'il n'y a que le meilleur qui pourrait m'arriver. Mais je ne pensais tout simplement pas que cela pouvait m'arriver à moi... à nous ?

Ma grossesse s'est déroulée à merveille, aucune alerte de ce côté-là dans mes analyses ou échographies. Mais c' est un fait que nous ne pourrons jamais enlever : mon fils possède un chromosome en plus.

Eden n'a qu'un jour et pourtant il a déjà des signes distinctifs de cette pathologie : ces petits yeux bridés, sa nuque plate, ainsi que ces mains et pieds qui paraissent plus petits.

La liste va encore s'allonger au fil des jours, et des mois selon les médecins.

Moi et mon bébé devons rester quelques jours de plus à la maternité, pour faire des examens supplémentaires.

*******

C'est donc sept jours après sa naissance, que nous rentrons enfin chez nous.

Romain est venu nous chercher. Il a tout installé dans la voiture, il a pensé à tout : il a monté la poussette qui était encore en kit dans notre appartement il y a quelques jours, il a installé le siège auto. Bref, c' est un papa parfait.

Pourtant je sens qu'il rumine, que quelque chose ne va pas.

Il faut que j'arrête de faire l'idiote. Je sais pertinemment ce qu'il ne va pas !

Quand j'essaie d'aborder le sujet, il se referme et détourne la conversation. Il est dans le déni le plus total...

Pour lui le mot maladie, pathologie, trisomie ne fait tout simplement plus partie de son vocabulaire.... Il ne veut pas y penser. Il fait l'autruche. Pense que tout va bien dans le meilleur des mondes.

Pourtant dans notre monde à tous les deux, il s'écroule, il vacille, il peine à se maintenir en équilibre.

De mon côté je suis en mode pilotage automatique : à la maternité on m'a blindé d'informations, mentionné pleins de noms de spécialistes différents, une multitudes d'examens à faire.

Je suis sous tension, toute la journée en train de gérer milles et une chose : le quotidien avec un bébé, et les rendez-vous médicaux à prendre en masse.

Romain, lui, à déserté la maison. Il est rester le minimum syndical à "m'épauler". Oui, oui c'est bien entre guillemets : car il passait son temps sur l'ordinateur pour le boulot.

Une semaine après notre retour à la maison, il est reparti travailler.

Et sept jours plus tard, il m'annonce :

"Alice, je dois repartir en reportage. On me donne la possibilité de driver un reportage à gros budget en Egypte."

"Et si je te dis non ? Je ne me sens pas encore capable de rester seule à la maison avec Eden."

"Que veux tu que je fasse de plus. Vous êtes collés l'un à l'autre en permanence. Je n'ai pas ma place dans votre duo. Je ne sais pas ce que je pourrais faire de plus en restant à la maison."

"Tu es en train de me reprocher d'être trop proche de mon fils c'est ça ?!"

"Non, excuse moi. Je n'aurais pas dû dire ça. C'est que je me sens tellement impuissant dans votre quotidien, que reprendre le travail est la meilleure solution."

"La meilleure solution pour toi, il va s'en dire ! De toute façon je présume que je n'ai pas mon mot à dire. Je suppose même que ta valise est déjà prête !"

La discussion se termine comme cela. Sans réponse de sa part. On ne s'adressera plus la parole de toute la soirée.

Ce soir-là, pour la première fois, avant de se coucher, Romain ira embrasser son fils, endormi dans son lit. Chose qu'il n'avait encore jamais faite auparavant. C'était son premier geste de tendresse envers Eden depuis sa naissance.

J'aurais dû me douter que quelque chose se tramait...

Ensuite il est venu me rejoindre dans notre lit, m'a embrassé sur le front, et s'est retourné de son côté en me disant :

"Bonne nuit Alice"

C'est la première fois aussi depuis qu'on s'est rencontré, que je ne me suis pas endormie lover contre son torse.

ONCE AGAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant