CHAPITRE 43 - MATTHIEU

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Aussi loin que je m'en souvienne, je n'ai jamais voulu devenir père.

Peut être parce que je me trouvais trop jeune, ou encore parce que m'occuper d'un petit être m'effraie terriblement. Je n'étais tout simplement pas prêt.

Pourtant à l'hôpital avec Alice, lorsque la gynécologue a confirmé l'arrêt du cœur du bébé, un sentiment nouveau s'est imprimé dans mon corps : mon instinct paternel.

Vous savez, quand une future maman a peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir la fibre maternelle. Et que finalement à la naissance de son enfant c'est une révélation.

Et bien pour moi c'est pareil. Sauf que mon enfant ne verra jamais la lumière du jour. Ce constat me prend au tripes. Je ne sais même plus ce que je dois ou non ressentir. Je dois me montrer fort, je ne peux pas céder à mes émotions. Je me dois être le pilier d'Alice dans cette épreuve. Mais bordel, qu'es ce que ça fait mal !

C'est fou ce que la vie met sur notre trajet.

Je n'avais pas prévu non plus d'endosser le rôle de beau-papa. Toutefois c'est bien cette responsabilité qui m'est apparu tout naturellement avec Eden. J'ai pris soin de lui et de sa maman.

Ce n'est que maintenant que je réalise le profond attachement que j'ai pour le fils d'Alice. Nous avons tissé petit à petit une relation, comme s'il était mon fils.

Cette révélation m'a sauté aux yeux dans les couloirs de cet hôpital.

Après vingt quatres heures de surveillance et d'examens, Alice a pu rentrer chez elle. Je ne l'ai pas lâché une seule seconde depuis que je l'ai retrouvé. Elle n'a pas prononcé un seul mot, ni pointé un seul regard dans ma direction. Mais je ne lui en veux pas. Je comprends sa profonde tristesse. Je serais patient.

Dans la voiture qui nous ramène chez elle, Andy, sa meilleure amie, comble les blancs en débitant un tas d'informations sur l'actualité. Cela a le mérite de faire passer le trajet plus rapidement.

Elle s'arrête devant un petit portail bleu. Au loin, une charmante maison aux pierres apparentes. Le cadre est magnifique. Je comprends pourquoi Alice a choisi ce lieu comme refuge dorénavant.

Le vent fouette nos visages lorsque nous sortons du véhicule. Andy prend son amie dans les bras. Elle lui murmure à l'oreille des mots réconfortants. Alice écoute sans vraiment l'entendre. Ses bras pendent le long de son corps. Elle ne rend même pas l'étreinte à sa meilleure amie.

Je la suis le long du chemin qui mène à l'entrée de la maison. Je suis à bonne distance d'elle. Je ne veux pas l'étouffer, mais je veux lui montrer que je suis toujours là. Arrivée devant la porte, elle marque un arrêt et se tourne enfin vers moi.

Sa peau est d'une blancheur extrême, comme un papier calque. Ces yeux sont cernés et ses yeux rougis d'avoir tant pleuré. Pourtant elle est toujours aussi belle. Ses émotions la rendent encore plus magnifique à mes yeux.

"Va t'en Matthieu. Rentre chez toi s'il te plait."

Sa voix est rauque et presque imperceptible.

Je dois me montrer ferme, mais à la fois doux. Elle doit comprendre que je ne partirai pas. Que je ne partirai plus.

"Alice regarde moi...

Je ne partirai pas. Laisse moi être là pour toi, pour nous".

Ses épaules sont voûtées comme si elle portait le poids du Monde. Elle porte le poids de son chagrin, et je voudrais tant pouvoir lui en décharger. Je n'aspire qu'à une chose, pouvoir transférer toute sa tristesse sur moi. Je donnerais tout ce que je possède pour un sourire d'Alice.

Je m'approche d'elle petit à petit. J'ai tant besoin d'elle. De sentir son corps contre le mien.

"Cette épreuve nous concerne tous les deux. Et j'ai besoin de toi aussi pour la surmonter."

Je n'ai plus qu'un pas à faire pour la prendre dans mes bras.

Elle se laisse faire. Je l'entoure de mon corps. Je prends une bouffée d'oxygène à l'instant où nous ne faisons plus qu'un.

ONCE AGAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant