CHAPITRE 40 - ALICE

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La vie se fait douce ici.

Je suis contente d'avoir déménagé. Depuis le départ de Romain, je rêvais d'avoir mon endroit à moi : un pied à terre que j'aurais choisi, dans lequel j'aurais envie de faire un cocon paisible et rassurant pour Eden. Je n'étais pas à mon aise dans l'appartement familial de mon ex mari. Des tableaux de grands maîtres aux murs, du parquet en chevron, des moulures au plafond. Du claquant, du tape à l'œil. Tout ce que je déteste.

Ce que j'aime et ce dont j'ai besoin, ce sont les grands espaces. C'est entendre les premiers oiseaux chanter au printemps ; sentir l'herbe chatouiller le bout de mes pieds en été ; allumer une bougie dans ma maison pleine de caractère en automne ; et me lover dans un plaid près de la cheminée en hiver. Ce sont ces petits détails qui me confortent dans mon choix.

Eden est ravi également d'être ici. Je le vois dans son sourire et dans ses yeux : il a plus d'espace, il dort mieux.

L'air marin le rend plus calme, plus attentif au monde extérieur. A Nantes, il était toujours au stress de la ville. Je ne vois que du positif pour lui.

Demain, il aura déjà onze mois. Onze mois de peurs, de doutes, mais aussi autant de mois d'un amour inconditionnel. Maintenant c'est lui et moi face au reste du Monde. Un peu comme Bonnie and Clyde.

Pendant un instant éphémère, j'ai cru que j'allais fonder la famille dont j'avais toujours rêvé. Celle où Matthieu ferait de moi une femme comblée et heureuse. J'avoue que j'ai déjà pensé à un futur avec lui.

Cette réflexion me donne des frissons : moi qui ai toujours vécu au jour le jour, je me surprends à me projeter, à penser à l'avenir. Seulement, cela n'a été qu'une brève poignée de secondes, car rien ne s'est passé comme prévu.

Je ne comprends définitivement pas sa réaction. J'ai beau me rejouer la scène dans ma tête, je n'arrive pas à interpréter son attitude.

Je suis également fautive, car depuis son départ, je n'ai pas cherché à le contacter. Et lui nous plus d'ailleurs.

Andy a essayé de me questionner maintes et maintes fois, sur mon départ précipité. Mais je n'ai pas osé, je n'ai pas eu la force de lui raconter ce qu'il s'était passé ce soir-là.

J'ai tellement été surprise, que j'ai mis mon cœur et mon esprit en mode autodéfense.

Je refuse désormais de ressentir, de me prendre la tête. Je n'ai plus envie de souffrir. Je veux vivre ma liberté avec ou sans lui.

Mon ex mari m'a tellement mis à terre avec son départ, que je rejette toutes éventualités d'éprouver de la tristesse. Les larmes, les crises de pleurs, j'ai déjà donné et je n'en veux plus.

Eden, ma force, ma vie, mon moteur, sera toujours mon number one. Il passe avant tout quoi qu'il advienne.

Pourtant je ressens au fond de mon cœur, ce vide. Une sensation de manque qui me compresse toujours autant la poitrine. Après plus d'une semaine à espérer des nouvelles, je dois me faire une raison. Je n'étais pas assez importante à ses yeux. Ce constat est amer.

J'ai besoin de tourner la page, d'aller de l'avant. De penser à l'avenir d'Eden et au mien.

*******

Ce matin j'ai reçu un courrier avec le tampon du tribunal de justice. Je devine son contenu, mais je ne l'ouvre pas tout de suite. Je l'ai gardé précieusement toute la journée dans mon sac. Je n'ai pas osé l'ouvrir, de peur d'être submergé par des émotions contraires : du soulagement, de la tristesse.

Soulagée de redevenir la femme sans attache que j'affectionne tant. Et triste, d'admettre que mon mariage a été un échec.

Cette lettre est le point final de mon histoire avec Romain. Elle clôture mes trois dernières années. Elle m'allège du poids du nom que représente "James". Elle me rend ma liberté tout simplement.

Je m'autorise à ouvrir l'enveloppe une fois ma journée finie. Je me suis installé sur la terrasse, dans un fauteuil cosy, face à la mer. Prête à affronter mon passé.

Elle contient le jugement de mon divorce.

Un soupir d'apaisement m'échappe. Des larmes sont au bord de mes yeux.

Je replonge dans mes souvenirs et songe à la raison qui m'a fait épouser Romain précipitamment : ma grossesse surprise.

Auparavant, jamais je n'aurais envisagé une union officielle avec un homme. Pour moi le mariage n'est qu'un bout de papier. Il n'est en aucun cas le reflet d'un couple heureux. Je suis convaincue que l'amour doit être le seul déterminant essentiel au bonheur.

Un changement de nom n'est qu'un détail. Un moyen de marquer l'appartenance l'un à l'autre. Es-ce vraiment nécessaire ? Je ne pense pas. Car pour ma part, cela s'est soldé en divorce.

C'est le cœur léger que je range le jugement définitif de ma séparation avec mon passé, dans ma boîte à souvenirs. Romain fera toujours partie de ma vie, car nous avons en commun la plus belle chose qui soit : Eden.

********

Je ne vois pas les journées passées en ce moment : elles sont intenses.

Le soir je m'écroule de fatigue.

Le matin, je me réveille de plus en plus fatiguée. Des maux de têtes et étourdissements ne tardent pas à faire leurs apparitions.

Quelques jours plus tard, je tombe malade : vomissements à répétition. Je suis tellement faible, que mon ex mari me propose de prendre Eden pendant quelques jours. Je ne rechigne même pas à sa proposition, bien que cela me fende le cœur d'admettre que je ne suis pas en état de m'occuper de mon fils.

Malgré mon état de fatigue flagrant, je m'impose d'aller travailler. Je ne supporte pas d'être seule chez moi. J'ai besoin de bouger, de me rendre utile. Je passe la journée à moitié comateuse, les nausées refaisant leur apparition en fin de matinée. Le midi arrive, et je ne peux de nouveau rien avaler. Rien ne me fait envie.

En début de soirée, de retour chez moi, rien ne va plus : des maux de ventre me plient en deux.

Des douleurs comparables à mes règles, mais beaucoup plus fortes.

Dans la nuit, mon mal s'amplifie. Je ressens une sensation étrange. Ce genre de douleurs me rappelle celles de mon accouchement. Mon pouls s'affole brusquement. Je me dirige aux toilettes et m'y enferme à double tour. Je me penche au-dessus d'un lavabo et me passe de l'eau froide sur le visage. Ce que je vois dans le miroir me fait peur : je suis blanche comme un linge, j'ai les yeux injectés de sang. On voit à ma tête que mes douleurs sont intenses.

Tout à coup, je sens un liquide coulé le long de ma jambe droite. Ce que je vois me donne des vertiges : du sang glisse sur ma peau pour finir sa course du le sol.

Ce n'est pas normal. Je vois flou, je dois me tenir à la poignée de la porte pour ne pas tomber.

Quelques secondes plus tard, c'est le black out complet !

ONCE AGAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant