Merde ! Comment était-ce possible, il venait de pleuvoir quelques heures auparavant ! Et pourquoi les sirènes n'avaient-elles pas sonné ?! Il la vit se décomposer littéralement. Il regarda autour de lui. Il était trop tard pour rejoindre un abri quelconque. Il fixa à nouveau son attention sur elle. Il s'attendait à la voir paniquer ; au contraire, elle avait l'air résolu, les poings fermés. Les yeux ouverts.
Il savait ce qu'elle avait l'intention de faire. Il savait qu'il devait à tout prix l'en empêcher.
Il la prit dans ses bras, et plaqua sa tête contre son épaule. Elle se débattit comme une enragée.
— Lâchez-moi !!!
Elle criait, mais il la maintenait toujours. Quand la Pluie devint bien intense, elle se détendit. Le contact avec la Pluie, si inhabituel, faisait souvent cet effet-là. Il lui murmura à l'oreille.
— Ce n'est pas comme ça que vous pourrez vous pardonner. Pas en partageant leur fardeau. Croyez-moi, mieux vaut ne pas savoir ce que c'est que d'être Marqué.
Et au milieu des gouttes qui tombaient sur sa main, il sentit ses larmes couler.
Il ferma la porte de son appartement. Il ne put s'empêcher de lui lancer discrètement un regard en coin. Voir cette fille qu'il connaissait à peine dans son chez-lui en bordel, ça lui faisait quand même bizarre. D'autant plus que ce n'était absolument pas prévu. Mais après la Pluie, il n'avait pas pu la laisser seule. Il n'avait pas pu physiquement, parce qu'elle s'était accrochée à lui en tremblant jusqu'à ce qu'il lui dise de le suivre. Il n'avait pas pu mentalement, parce que... C'était compliqué. Et vague, et confus. Mais il sentait avec une certitude qu'il n'avait eu que de trop rares fois dans sa vie qu'il était désormais lié à elle. D'une certaine manière. Et que sa tâche n'était pas achevée.
C'était d'ailleurs très fâcheux qu'il ait plu. Cela avait réduit à néant tous ses efforts. Elle était retournée à l'état d'être amorphe. Sans présence. Sans vie. Il n'aimait pas ça. Elle lui rappelait trop ce qu'il avait été.
Il fallait qu'il dise quelque chose. Pour détendre l'atmosphère. Mais rien d'amusant ne traversait son esprit. Allez, vite, quelque chose.
— Je vais chercher une serviette. Vous êtes toute trempée.
Et il alla dans la salle de bains.
Génial. Brillant, comme trouvaille. « Je vais chercher une serviette. » Et en plus, elle était toute seule maintenant. Génial. Allez, il fallait qu'il se reprenne. Il inspira profondément en se regardant dans la glace. Il était trempé jusqu'à la moelle, ce qui lui donnait un air hagard et peu distingué. Qu'importe, il ne regardait pas réellement son reflet. Il cherchait juste un peu de courage. Il expira une dernière fois, puis mit la main sur la poignée. Se souvint qu'il avait dit qu'il allait chercher une serviette. Merde. Il prit une serviette mal pliée dans le placard, puis se résolut à ouvrir la porte.
Il s'attendait à la voir à la même place, devant la porte, les yeux dans le vague. Mais non, elle avait bougé. Et pas n'importe où. Elle était devant l'étagère. Et elle tenait dans ses mains le portrait.
Il le lui arracha des mains avant même de reprendre sa respiration. Aussitôt, il le jeta à l'autre bout de la pièce, et le bruit du cadre qui se brisa résonna dans ses oreilles. Elle le regardait sans comprendre, les yeux ahuris, les mains encore figées comme si elle tenait toujours le cadre. Lui-même ne savait pas trop ce qu'il lui avait pris.
Mais pourquoi avait-elle saisi ce portrait ?
Vite. Quelque chose à dire. Encore. Et arrêter de respirer aussi bruyamment. Calmer son souffle, calmer ses pensées. Ne pas penser, ce sera plus simple.
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Rain : Faites ce que vous voulez, le ciel a déjà pleuré
Science FictionDans un monde où regarder la Pluie tomber suffit à changer les humains en monstres, dix personnes se croisent et s'interpellent alors qu'ils cherchent un sens à leur vie. Certains embrassent pleinement la Pluie et la sauvagerie qu'elle apporte. D'au...