C'était une autre voix qui avait parlé. Un homme, seul, silhouette dégingandée au milieu des ordures. Il souriait d'un air goguenard, comme un sale gosse qui allait pouvoir se faire de l'argent de poche en frappant ses camarades.
— Trop tard, petits moineaux pour s'envoler... Papattes, papattes ? Mais non, vous finirez dans la boue...
Puis d'autres se déployèrent lentement derrière lui.
C'était bien ce qu'il craignait.
Le graffiti disait « Donnez-nous la Chaleur plutôt qu'aux Prophètes ».
Pour la première fois, le Marqué sembla cillé. Mais il tenta de rattraper le coup.
— Attendez, vous devez vous tromper de personnes, là, je vous connais pas, les gars...
— Les gars ? Mais on a des fifilles avec nous aussi... Toutes croquantes...
Il y avait effectivement derrière lui des silhouettes plus maigres que d'autres qui avaient dû autrefois être des jeunes femmes.
— Oui, pardon mesdemoiselles, je ne vous avais pas vues. Bien, vous cherchez votre chemin ?
Le Prophète hurla soudain de rire en se plaquant les mains sur le visage. Puis il regarda le Marqué, ses doigts griffus s'enfonçant dans la peau de son visage.
— La peur... C'est tellement... Jouissif...
Puis il se jeta sur le Marqué, et déplaça ses doigts sur le visage de ce dernier.
— C'est fou ce qu'on est bête, quand on a peur... Délicieusement, croustillamment, saliveusement bête... Non, je veux ton sang, pour prendre ta Chaleur et la réduire en bouillie, la renvoyer dans le noir où elle mérite d'être !!!
Des hommes se jetèrent sur le Mentor pour tenter de le maîtriser, il réussit à en mettre quelques-uns au tapis, mais ils étaient trop nombreux. Il se retrouva bientôt les genoux à terre, sur les pavés boueux, la tête maintenue vers le bas, les bras pliés douloureusement dans son dos.
Ça se présentait très mal.
— Hoho. Ha ha. Et ton ami-là n'est pas mal non plus... Qu'est-ce qu'on va en faire ?
Il se pencha au niveau du Mentor, et lui susurra à l'oreille.
— Comment... tu... veux... souffrir ?
Et il se lécha les babines avant de lui lécher l'oreille.
Et de la lui mordre jusqu'au sang.
Le Mentor ne put s'empêcher de crier. Le Prophète se releva, un bout d'oreille dans la bouche. Puis il prit délicatement, et se mit à jouer avec.
— Papillon, papillon...
Avant de le jeter dans la boue.
— Papillon retourne à la poussière...
Puis il tourna la tête vers le Marqué, et tendit son immense bras rachitique dans sa direction.
— C'est bien ton sang qu'il me faut. Beaucoup, de sang.
C'est bien ce que le Mentor craignait. Il avait entendu parler de ce nouveau Prophète. Un fou dangereux, sans logique ni raison. Il ignorait que son territoire était déjà aussi vaste. En même temps, aucun Protecteur n'avait le courage de s'en prendre à lui.
Il aurait dû s'en douter. Qu'un Stockage soit en aussi bon état dans ce quartier, ça aurait dû le faire réagir. Le guichetier avait dû passer un accord avec les Prophètes, leur signalant l'arrivée des gros clients en échange de protection.
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Rain : Faites ce que vous voulez, le ciel a déjà pleuré
Science FictionDans un monde où regarder la Pluie tomber suffit à changer les humains en monstres, dix personnes se croisent et s'interpellent alors qu'ils cherchent un sens à leur vie. Certains embrassent pleinement la Pluie et la sauvagerie qu'elle apporte. D'au...