Épilogue : Faites ce que vous voulez, le ciel a déjà pleuré... (1/3)

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— Il est réveillé. Vous pouvez entrer le voir, si vous le souhaitez.

Elle avait attendu cette phrase comme une délivrance. Et pourtant, maintenant que le moment était venu, cela sonnait comme une sentence. Ce qui aurait dû être un début se dessinait de plus en plus comme une fin.

Après la découverte monumentale à l'ancien Stockage au Nord, elle n'avait pas eu une minute à elle depuis des jours. L'enregistrement les avait laissés sonnés, mais ils n'avaient pu profiter de ce doux vertige que pendant quelques instants. Tout s'était ensuite enchaîné si vite : ils s'étaient empressés d'emporter le plus de preuves possibles avant l'arrivée des Auditeurs, et de tout livrer aux médias. La nouvelle s'était répandu plus vite qu'une poignée de poudre ne s'enflamme : la Pluie serait en réalité un remède que les Auditeurs détruisent petit à petit en la transformant en Chaleur ? Les Auditeurs, ne pouvant plus étouffer le scandale, avaient alors changé de stratégie et décidé de tout ignorer et dénigrer. Au SRP, les avis étaient mitigés, mais beaucoup firent le pari de croire Elzara malgré les avertissements des Auditeurs : le SRP subit une scission ; le nouveau Centre d'Etudes pour la Réhabilitation de la Pluie tournait à plein régime, Elzara en avait le tournis, d'autant plus que c'était elle qui s'était retrouvée propulsée aux manettes de ce vaisseau fonçant vers l'inconnu.

Et plus le temps passait, plus elle se demandait si elle oserait un jour revenir le voir...

Alors la voilà, tellement morte de peur qu'elle était venue une demi-heure avant la fin des heures de visite, suspendue au-dessus de ce gouffre sans fond qu'on appelle l'avenir, ne sachant pas comment assumer son absence et encore moins ses remords. Elle s'imaginait en train de pleurer, ou de s'enfuir à toutes jambes, ou de le gifler, ou de se frapper, qu'est-ce qu'elle en savait, tout pouvait arriver et elle n'était préparée à rien.

Elle regarda sa montre.

Plus que vingt-cinq minutes.

Elle sauta presque à l'intérieur de la chambre du Centre. Ne pas réfléchir, ne pas réfléchir, franchir ce porche et pouvoir enfin passer à autre chose. Elle vérifia que la porte était bien derrière elle, puis se tourna vers le lit. Par habitude, elle le voyait encore endormi, paisiblement blessé dans un sommeil analgésique où il ne souffrait plus. À la place, elle se retrouva transpercée par son regard inquisiteur, visiblement étonné de la voir ici.

Bien. Enfin, non, mal. Mais elle s'y attendait. Elle priait juste pour que ce soit rapide et indolore.

Elle vint se placer sur le côté du lit, ni trop près, ni trop loin, tout en se répétant le discours qu'elle avait prévu. Elle ne sembla remarquer qu'un peu trop tard qu'il lui désignait discrètement la chaise derrière elle.

— Vous pouvez vous asseoir, vous savez.

Tout, tout, tout lui martelait son absence : le calendrier où les jours étaient barrés d'une autre couleur, les fleurs qu'on avait retirées de son chevet, la chaise qui semblait plus rembourrée et moins enfoncée...

Il ne fallait pas qu'elle craque.

— Non, ça ira. De toute façon ça ne va pas être long.

Elle vit son visage se durcir. Elle ne lui connaissait pas cette expression inquiète, ça n'aidait pas du tout à la mettre à l'aise. Mais en fait, quand elle y réfléchissait, elle ne connaissait rien de lui tout court. Ils n'avaient passé que quelques heures ensemble. Mouvementées, certes, mais cela ne les rallongeait pas pour autant. Et en plus sous l'influence d'une interface neurobiologique. Chrysalie lui avait assuré que l'interface ne pouvait qu'encourager des tendances déjà existantes, et non en créer à son gré, mais qu'en savait-elle vraiment ? Peut-être que cette affection qu'elle avait cru discerner n'était que de circonstance. Peut-être avait-il une petite amie qu'il avait oubliée à cause de l'interface...

Rain : Faites ce que vous voulez, le ciel a déjà pleuréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant