Chapitre 11 : Humains (2/4)

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D'après leurs uniformes, on aurait dit des Soigneurs.

— Qu'est-ce qui se passe, quelqu'un se trouve mal ?

Elle avait prononcé cela très innocemment.

— Mademoiselle, veuillez nous suivre dans le calme, je vous prie.

Et très stupidement, comme toujours. Elle venait de regarder la Pluie tomber en pleine réunion d'Auditeurs : ils ne pouvaient venir que pour elle.

Ils l'enfermèrent dans une salle pendant ce qui lui sembla être des heures. Et en regardant sa montre, elle ne cessait de constater que cela faisait effectivement plusieurs heures qu'elle était ici. Elle cherchait à deviner leurs plans, en vain : était-elle en isolement pour que les Soigneurs l'étudient ? Était-on en train de prévenir ses parents qu'elle avait commis l'irréparable et qu'elle allait être enfermée ? Était-on en train de faire disparaître toute trace de son existence pour taire sa bêtise et décourager les autres Auditeurs de désobéir aux ordres ? Elle essayait de se répéter qu'elle avait l'esprit rocambolesque, qu'elle divaguait ; mais même en se concentrant, elle ne parvenait pas à se rappeler ce qu'il était censé advenir des Auditeurs rebelles...

Enfin, alors qu'elle désespérait de revoir un jour un autre être vivant, un homme entra dans la pièce. Il s'assit et d'un geste l'invita à faire de même. Elle se sentait méfiante, après toute cette attente, mais ne voyait aucune raison valable de refuser : elle se plaça devant lui. C'était étrange de sentir à nouveau une présence près de soi. Elle n'avait jamais expérimenté de vraie solitude jusqu'à présent, et ce ne fut qu'en retrouvant cette sensation familière qu'elle réalisa à quel point elle s'était sentie aveugle sans. Et à quel point son angoisse avait pris le pas sur absolument tout le reste...

L'homme devant elle la fixait du regard. Elle n'osait pas faire de même. Non pas qu'il était intimidant. Au fond, c'était même plutôt le contraire : il semblait entre deux âges, avec des traits on ne peut plus communs, une couleur de cheveux qui changeait selon la lumière, des yeux à peine visibles sous l'ombre des sourcils. Mais elle préférait faire profil bas. Elle n'avait vraiment pas besoin de s'attirer des ennuis supplémentaires. S'il voulait la fixer, qu'il le fasse.

Après un long silence flottant, l'homme articula finalement :

— Dites-moi, qu'avez-vous vu ?

Ah oui c'était vrai. La vision ! Ou plutôt l'étrange rêve qu'elle avait fait. Elle l'avait complètement oublié, avec tout ce stress... Et les souvenirs étaient si épars, si lointains, à peine des impressions... Elle se souvenait à peine de ce qu'elle avait vu. Mais elle sentait que si elle se concentrait, elle arriverait à en rassembler les morceaux...

— Je me suis réveillée dans une espèce... de hangar... oui, c'est ça, un hangar, et ils y avaient des gens, mais je ne pouvais pas les sentir... Ils parlaient entre eux, mais je ne comprenais rien...

— Comment cela, vous ne compreniez rien ? Parlaient-ils dans une autre langue ?

— Non, plutôt dans une sorte de jargon dont le sens m'échappait...

— Mais vous avez forcément compris l'idée générale, n'est-ce pas ?

— Je ne crois pas, je...

— Concentrez-vous, je suis certain que cela va vous revenir. 

Elle avait du mal à y croire, elle s'était sentie tellement perdue, et elle perdait toujours tous ses moyens quand elle était perdue... Elle sentit néanmoins que c'était important, alors elle se concentra sur les quelques mots compréhensibles dont elle se souvenait. Elle mobilisa toute son attention sur ces maigres paroles, fouillant ces carcasses pour y trouver du sens. En ayant vraiment l'image d'une carcasse qu'on dépèce, elle parvint à tout remettre en ordre.

Rain : Faites ce que vous voulez, le ciel a déjà pleuréOù les histoires vivent. Découvrez maintenant