Il s'empêcha de rester planté sur place. Et puis quoi, encore, il n'allait pas regretter sa Révocation ? Il était venu là pour pouvoir enfin être Garde, et bien, c'était chose faite, il était Garde maintenant. Bien. Parfait. Il ne lui restait plus qu'à prendre ses affaires à la Station, celles qui étaient déjà empaquetées depuis des jours. Et filer jusqu'à la Tour.
Il se précipita vers la gare des Transports Opaques, mais aucun véhicule ne semblait venir. Comme d'habitude. Il soupira, puis se résigna à trouver un Conducteur dans les alentours. Cela allait encore lui coûter une fortune, les Conducteurs faisaient toujours une montagne du fait que leurs véhicules n'étaient pas opaques, et donc qu'ils pouvaient se faire surprendre par la Pluie, en exhibant leurs Marques, qui venaient la plupart d'un passé plus que douteux plutôt que de leur emploi...
Mais enfin, il serait bientôt à la Tour. Il ferma les yeux, oubliant, voulant oublier ce bas-monde terne, et penser à la Tour. La Tour. Le seul endroit où l'on pouvait souhaiter se trouver dans cette vie. Une Tour si haute qu'elle dépassait les nuages, et permettait enfin de voir le soleil plus de quelques minutes par jour... Seuls les Scientifiques étaient autorisés à y aller pour leurs expériences sur la Pluie. Et il y avait les Guetteurs, naturellement, ceux qui sonnaient l'Alarme pour annoncer la Pluie. Et il y avait enfin quelques anciens Protecteurs devenus Gardes. Tellement peu étaient appelés que c'était quasiment devenu une légende. Mais lui, lui s'était débrouillé pour qu'on l'appelle. Lui, le nouveau Garde.
Il fut empêché de penser tranquillement par la radio du Conducteur. D'humeur peu combattive, il préféra dormir, ou du moins somnoler au son des éclats de voix du présentateur, outré de cette nouvelle grève des Transports Opaques pour cause de voyageurs clandestins et d'attaques du Ghetto...
Il arriva enfin devant la Tour, avec un portefeuille plus léger que jamais. Enfin, devant la base de la Tour. Forteresse imprenable, pour lui seul elle daigna ouvrir ses portes. Il fut accueilli par les traditionnels contrôles de sécurité, plus rhétoriques qu'approfondis. Il annonça qu'il était le nouveau Garde, ce à quoi on lui répondit d'embarquer dans l'ascenseur avec les autres Scientifiques pour recevoir les consignes de sécurité, avant d'aller retrouver les autres Gardes au poste de sécurité.
Les consignes de sécurité étaient sommaires : ne pas s'approcher trop près des rambardes, ne jamais monter au dernier niveau réservé aux Guetteurs et aux Gardes, toujours garder son autorisation de présence sur soi en cas de contrôle, se référer aux Gardes en cas de problème, ne jamais parler aux Guetteurs... Plus du bon sens que des consignes, somme toute.
Puis, enfin, après cette affreuse et interminable journée, les portes de l'ascenseur s'ouvrirent sur le niveau scientifique. Il ne put pas y résister, il ne pouvait supporter d'attendre plus longtemps. Il sortit. Et ferma les yeux jusqu'à rencontrer sous les paumes de ses mains une rambarde. Puis il regarda devant lui.
Un frisson le secoua de tout son corps. Plus aucune trace de la ville. Juste un immense sol nuageux jusqu'à l'infini. Quelques percées çà et là, mais rien de bien ininterrompu. Des volutes grimpaient parfois jusqu'à la Tour, il avait l'impression qu'il pouvait les saisir d'ici. Et le soleil. Cette douce sensation de chaleur, cet air sec, cette rambarde froide mais pas glaciale, ces couleurs baignées de reflets.
Il était enfin Garde.
Et cela le fit pleurer de tristesse.
Parce que c'était si beau et qu'il ne le méritait pas.
— Excusez-moi ?
Il se retourna instantanément, le visage sec. Deux ans à cacher ce qu'on ressent, cela forgeait des habitudes assez utiles.
— Oui Mademoiselle, qu'y a-t-il ? Vous avez besoin d'un renseignement ?
— Bonjour Monsieur. Oui, je souhaitais savoir dans combien de temps vous comptiez monter au dernier niveau de la Tour. Vous êtes bien Garde, il me semble ?
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Rain : Faites ce que vous voulez, le ciel a déjà pleuré
Science FictionDans un monde où regarder la Pluie tomber suffit à changer les humains en monstres, dix personnes se croisent et s'interpellent alors qu'ils cherchent un sens à leur vie. Certains embrassent pleinement la Pluie et la sauvagerie qu'elle apporte. D'au...