Partie 5.

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JABAR

Le conteur affiche 80 euros que le conducteur ne tarde pas à réclamer. Mais rien n'y fait je suis encore dans les souvenirs, le front ventousé à la vitre, il s'impatiente ! Je sors de mon porte feuille sont due, j'avoue il manque la moitié mais il n'a pas le choix, c'est ça ou les petits de mon bâtiment ce feront un plaisir de démembrer son taxi.  Il me psalmodie quelques malédictions en hindi je lui dit d'aller ce faire foutre en gitan.

J'arrive à ce moment de la journée où il ne fait plus tout à fait jours, ni totalement nuit, au moment où les hommes ce dirigent vers la mosquée de la citée envoutés par l'appel de l'homme saint. La recette du ciel m'est encore inconnue, même après tout ce temps passé à le contempler. Une louche de vermillon, un soupçon de bleu électrique, un zeste d'orange fusion et une lampée de vert émeraude. Dieu nous touche de Sa grâce à ce moment là.

Les femmes qui ne sont pas rentrée au pays pour l'été ont déposées une de leur grosse couette en velours imprimé d'un tigre ou d'un léopard, le must, un classique que chaque famille doit avoir chez soi. Elles sont là, à parler de tous et de personne, du futur mariage d'untel, de la fille qui sort de sont travail un peu trop maquillé mais surtout un peu trop tard... Les petits frères qui font suer la mobylette du quartier à tour de rôle, les sœurs à leur balcon qui jacassent sur les dernières rumeurs, mais surtout qui poussent un cri de folles furieuses quand elles m'aperçoivent. C'est là que les darones me pointent du regard, les yeux plissés pour deviner quelle est cette silhouette à l'entrée du bâtiment D, sur laquelle leurs filles sont penchées. C'est là que je fuis dans le hall d'entrée ou je croise une vieille connaissance.

Youri (le colonel): le début de la fin des temps est proche ! Jabar nous fait l'honneur de son retour ?

Jabar : Les signes sont là depuis des ans. Le temps t'a oublié padre ! Veux-tu mon bras pour t'y appuyer ?

Youri: Merdeux que tu es, ton bras je te le casse en quinze !

Jabar: Humour ? Menace ?

Youri: Promesse.

Jabar : LOL  comment vas-tu Youri ?

Youri: Bien, bien et toi mon frère ? De retour chez les tiens alors. Nous t'attendions pour la rentrée ! Ils sont tous partis tu le sais ?

Jabar: T'inquiète. De retours pour de longues années, je voulais être là à leur retour histoire de ne pas subir les fêtes de bienvenue, les surprises et touts leurs rituels que je ne supporte pas.

Youri: T'as pas changé hein ?! Je vais à la téléboutique appeler au pays, passe à la maison après que je te corrige un peu...

C'est sur c'est mots que mon voisin, celui que je considère comme mon grand frère me quitte, sautant les marches quatre par quatre. Il croit que j'ai pas grillé ses yeux mouillés quand il m'a vu. Youri me cri d'en bas de garder au frais mes explications pour celle qui en réclamera. C'est alors que le nom de Layal me revient, celle que j'ai laissé adolescente et amoureuse. Pourquoi  j'ai le sourire à ce moment là ? Elle n'a jamais su que je savais. Cette fille de seize ans, ronde et discrète que j'ai laissé derrière moi.

En ouvrant la porte, je ne me sens plus chez moi. Tout à changer ici comme ci on avait voulu effacer un vieux souvenir, un parfum qui n'est plus  le bienvenu. Les cadres sont décrochés, les volets fermés, je me pose dans la chambre qui n'est plus la mienne et me surprend à verser une larme. Je me souviens de l'invitation de Youri, me lève alors pour prendre une douche aussi longue que mon absence et reprend du courage. Je sais ce soir que des comptes j'en aurais à rendre, me prépare a toutes ces questions, attrape mes clefs et ferme la porte.Je me trouve sur ce palier que j'ai tant foulé, fais les quelques mètres qui me mènent à Youri mais reste figé. Cette porte que j'ai déjà frappée m'intimide. Je  sonne enfin et le padre me hurle d'entrer, je le trouve dans le balcon assis sur une chaise longue en train de fumé sa cigarette, un verre de liqueur de figue à la main et le regard loin sur un son d'Asmahan (chanteuse populaire orientale des années 30/40).

Jabar: Ca  galère sec à c'que je vois !

Youri: Prend une chaise et vice tes fesses au lieu de sortir des conneries.

Jabar : Comment va ta petite famille ?

Youri: J'ai eu Aamir, tout le monde ce prépare pour le mariage ! Trop de bruit j'ai pas insisté tout à l'aire d'aller pour le mieux  grâce à Dieu. Comment va Beyrouth ?

Jabar: Elle se porte bien, les plaies sont cicatrisées mais elles seront visibles à vie. Elle gardera les marques de la guerre sur sa face, même si les meilleurs chirurgiens s'acharnent du petit jour à la nuit tombée, Beyrouth ne ressuscitera pas. Le Liban entier ne le supportera pas.

Youri: Laisses moi croire que tu mens, que mon pays n'est pas perdu.

Jabar: Merci de m'avoir couvert ! Qui d'autre que toi savais ou j'étais ?

Youri: Je n'ai pas pris le risque d'en parlais à quelqu'un, ma femme l'aurais dis à ta mère, Annah à tes sœurs, Aamir à ton père qu'il croise tout les jours à la mosquée.

Jabar: Et Layal ?

Youri: Layal, elle, m'aurait détesté de ne pas t'avoir retenu.

Jabar: Comment elle va ?

Youri: c'est une adulte maintenant, pour ne pas dire une femme. Crois pas retrouver la Layal d'avant, c'est une femme, en plus d'être belle c'est ma fille. Elle à souffert de ton départ, s'en est voulu de ne pas avoir trouvé les mots pour te retenir pendant que tu étais encore là, de n'avoir rien vu venir.

Jabar : Tu parles d'elle comme si tu parlais de ma femme ! Tu me mets en garde de choses qui n'arriveront jamais. C'est ma petite sœur, je l'ai toujours considéré comme mon sang, je l'ai prise sous mon bras quand vous l'avez amené pour ses soins, j'ai été là pour lui mettre des droites quand un mec lui parlait d'un peu trop près. Toi seul sais pourquoi je suis parti ces sept dernières années, je ne suis pas quelqu'un de bien pour elle ni pour personne d'autre et si il faut que je devienne froid et distant avec elle alors d'accord !

Youri: Sois ce que tu dois être, un frère protecteur qui prend soin des miens quand je suis en mission. Au fait, demain passe voir Samuel à la maison des jeunes du quartier.

Jabar : Samuel le petit latino ?

Youri : Oui je l'ai croisé après toi il veut te voir.

Jabar : J'y vais je suis fatigué, si un jour j'oubli tout ce que t'as fais pour moi coupe moi la tête.

Il me regardait maintenant avec insistance comme pour me dire « crois pas que j'en serais pas capable » , j'ai compris alors que tout ce pardonne mais rien ne s'oublie .

Hysteric LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant