BLINDLY

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟎

Louis

Lentement, j'ouvre mes paupières. Me demandant ce que cela doit faire d'être sans cesse dans le noire. Me demandant comment elle a pu s'adapter à un tel changement.

Enfin, j'admets pour ma part que même avec deux yeux fonctionnels, l'impression d'être dans le noir me colle à la peau. Sans elle, la lumière n'est plus là.

Je me lève puis me dirige vers la salle de bain afin de me laver le visage. L'eau glacée qui me fouette la peau est le seul moyen pour m'empêcher de me rendormir.

C'est difficile de continuer à se réveiller tous les matins quand notre raison de vivre ne nous appartient plus.

Pourquoi est-ce que tu m'as brisé le cœur Aylin ?

J'observe mon reflet dans le miroir, mes boucles blondes qui descendent sur mon front. Mes yeux verts sont vides. Sans vie. Je ne pensais pas que c'était possible d'être mort et pourtant de continuer à vivre. Mais de toute évidence, je me suis trompé.

Comme sur les sentiments qu'Aylin portait à mon égard. Toutes ces promesses n'étaient que du vent.

J'inspire une grande bouffée d'air et fixe mon reflet à travers le miroir de ma salle de bain.

— Tu n'es pas détruit, affirmé-je aussi sûre de moi que possible. Tu peux encore continuer à vivre. Un cœur peut aussi guérir. Se régénérer.

Mais certains vides ne se combleront jamais. Ils continueront d'aspirer ton bonheur comme des trous noirs.

— Je suis son ennemie à présent. Et je suis prêt à la pousser à bout. Après tout, c'est elle qui m'a détruit. C'est elle qui m'a abandonné quand j'avais le plus besoin d'elle.

Mes mâchoires se resserrent face à ces souvenirs douloureux. Certaines blessures ne se referment jamais vraiment.

Puis en la côtoyant, si je peux par la même occasion, lui glaner quelques rayons de lumières pour m'éviter de sombrer, ça m'est suffisant.

Bien que la rancœur emplisse mon être tout entier, je suis assez honnête avec moi-même pour assumer qu'une partie de moi l'aime toujours.

Je hais cette partie de moi.

Je ne dois juste pas la laisser prendre le dessus. Ou je risque de reproduire les mêmes erreurs que dans mon passé.

Je retourne dans ma chambre et m'habille. Aujourd'hui, j'ai envie de reprendre un style qu'Aylin adorait et détestait à la fois. Même si cela n'a plus grand intérêt, car elle ne peut pas en profiter.

« Je n'aime pas quand tu t'habilles en noir. On dirait un ange démoniaque. Un ange déchu. Bien que d'un autre côté ça te rend irrésistiblement attirant. Louis, tu réveilles mes désirs les plus sombres, c'est dangereux. Voudrais-tu m'attirer dans tes ténèbres ? »

J'aurais aimé qu'elle m'y rejoigne. Pour me libérer. Pour qu'on puisse rester ensemble pour l'éternité. Mes ténèbres auraient pu effrayer certains de nous approcher tandis que sa lumière aurait aveuglé les quelques-uns restants. Afin que l'univers ne garde que nous, juste nous deux.

Elle et moi.

Aylin et Louis.

Le passé.

Je sors de ma nostalgie puis récupère mon pantalon noir ainsi qu'une chemise sombre. Les enfiles et avant de sortir de ma chambre, je mets ma veste en cuir, noir elle aussi, puis récupère mon sac. Je vais ensuite voir si ma mère est réveillée.

J'entrouvre la porte de sa chambre et constate qu'elle est encore endormie. Je préfère ne pas la déranger. Mais je rentre quand même lui faire un bisou sur le front.