Miller
Abasourdi, je reste figé face à la porte qui s'est refermée devant moi depuis déjà cinq minutes. Encore sonné par ce qu'il vient de se passer, j'essaie malgré tout de sortir de cet état de torpeur. Petit à petit, je me retourne, retire mon boxer, puis j'essaye de mettre un pied devant l'autre pour me diriger sous la douche.
Lorsque j'arrive, les détecteurs de mouvement allument les douches. Je fonce dans celle qui est la plus proche de moi. L'eau est déjà bouillante, ça me fait du bien, mes muscles se détendent. Même si une autre partie de moi aurait bien besoin d'une bonne douche froide. Très froide.
Mon sang ainsi que celui de mon adversaire se mêlent et coulent le long de mon corps. Ma peau devient rougeâtre à cause de la température de l'eau. Ces légères brûlures me sont agréables. Mes blessures me piquent un peu, mais pas autant que la sensation que m'a procuré son départ inopiné.
Mon esprit rejoue en boucle ces quelques minutes hors du temps passé avec Aylin. Elle m'a surpris, je ne peux le nier. Ses doigts qui parcouraient mon visage, ses mains qui enserraient mon cou, ses paumes qui exploraient mon torse, me donnaient l'impression de revivre. C'est comme si son touché m'avait ressuscité. Il me procure l'effet de milliers de petites décharges électriques qui traverseraient mon corps.
Mais tout ça n'est rien face à ma stupeur lorsque j'ai compris qu'elle en voulait plus. Quand ses lèvres charnues se sont insidieusement rapprochées des miennes. C'est la première fois que mon cœur me faisait aussi mal et que j'aimais ça. Il pulsait si fort que dans le silence ambiant du vestiaire, j'ai eu peur un instant qu'elle ne l'entende.
Sa bouche de tentatrice m'a eu, je n'ai pas réussi à résister, elle m'a rendu faible. Ça m'effraie, ça ne me ressemble pas, je ne suis pas comme Louis. Je ne peux pas l'être. Moi, je suis fort, je ne crains rien ni personne, je nous protège tous les deux des monstres de ce monde.
Mais alors pourquoi la faiblesse était si agréable à ses côtés ?
Non, non et non.
Mes doigts se mêlent à mes cheveux avant de tirer dessus pour faire taire ses pensées envahissantes. Rien, je ne veux plus penser à rien. Surtout si c'est des choses aussi déraisonnables. Je m'assois, dos au carrelage de la pièce, je ramène mes genoux vers mon visage et enfouis ma tête dessus.
Le doux son de l'eau qui coule me berce quelques instants. Les gouttes s'écrasent sur le sol, puis explosent. Un peu comme mon cœur quand nos lèvres ont failli ne faire qu'un. Cela a duré quelques millièmes de seconde, pourtant, j'ai pu sentir leur douceur. Je crois que j'aurais aimé qu'on aille plus loin.
Pourquoi est-ce qu'elle est partie comme ça ? Pourquoi est-ce qu'elle m'a laissé là ? Seul ? Sans aucune explication sur ce qui venait de se passer.
Mais pourquoi est-ce que ça me fait autant de mal ? Je ne suis pas censé l'apprécier. Parce que je n'oublie pas ce qu'elle a fait. Toute cette souffrance qu'elle a créée seulement avec quelques mots. C'était si douloureux que notre cœur ne s'en est toujours pas remis. Il ne s'en remettra probablement jamais.
La peine devient soudain moins dense, progressivement, elle laisse la place à la rancœur. Certains actes sont impardonnables, en tout cas selon moi. Louis est libre de ressentir ce qu'il souhaite à son égard. Mais pour ma part, je refuse de céder à l'indulgence. Je ne peux pas.
Elle savait très bien ce qu'elle faisait. Pour autant, elle n'a pas hésité, je lui en veux et je lui en voudrais toujours d'avoir fait ça à Louis. Par intermédiaire, cela m'a aussi impacté, mais le pire, c'était pour lui. Il se faisait du mal à relire ces mêmes mots en boucle. Puis il se faisait du mal à lui-même.
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BLINDLY
RomanceOn dit que l'amour est aveugle, mais est-ce réellement le cas ? Aylin a bientôt vingt ans et s'il y a bien une chose qu'elle a du mal à faire, c'est ouvrir son coeur. C'est arrivé une seule fois auparavant. Pour Louis, ce garçon renfermé pour qui el...