Chapitre 9 : Jade

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Alors que je sors du département scientifique, un orage éclate, et comme la plupart de mes congénères, j'ai oublié de prendre mon parapluie. Je décide de courir, en protégeant bien mes livres reçus de la bibliothèque pour mon année. Je teste le fameux sac à dos rétractable qui deviendra l'un de mes accessoires fétiches en le plaçant sur ma tête. Imperméable, il me permet de courir sans me mouiller la tête. La pluie redouble, je suis obligée de m'abriter sous un chêne immense, dont les feuilles ont légèrement jauni mais ne sont pas encore tombés de l'arbre, malgré la saison.

Après un soupir de soulagement, je sautille pour retirer les gouttes d'eau de mon blouson en jeans. Prise d'une vive curiosité, je décide d'ouvrir le sac à dos et de répertorier les compartiments : un pour les chaussures ou les bottes, un autre pour les vêtements, je distingue même une couche supplémentaire qui permet d'étendre l'accessoire pour y ajouter un manteau. Il est si léger entre mes mains... Impressionnant ! Oui, j'ai hâte de le tester dans ma forme garoue. Là, mon humeur s'étiole. Depuis l'attaque malvenue sur mes anciens amis, je n'ai plus réussi à me métamorphoser. Même alors que la pleine lune m'a appelée à trois reprises... J'en ai parlé à mes parents, qui m'ont répété que ce n'était qu'un mauvais moment, que ça reviendra. Au fond, je sais pourquoi je n'y arrive plus : je n'ai plus confiance en moi...

Des bruits de pas qui claquent sous la pluie m'interpellent. Je lève la tête pour découvrir Nolan qui accourt vers moi, son blouson relevé jusqu'au haut de son crane pour préserver ses cheveux. Un grondement agacé sort de ma gorge. Il m'a laissé tranquille toute la semaine et je l'en remercie. Toutefois, s'il pouvait continuer à m'ignorer, je préférerais...

Il s'arrête à mon niveau et me salue avec un large sourire. Est-ce du lard ou du cochon ? Je ne réponds pas à son aimable salut et murmure un bonjour du bout des lèvres. Ça ne semble pas le déranger : il se secoue. Je dirais même plus, on a l'impression qu'il s'ébroue... peut-être une déformation animale ? C'en est presque comique, mais je retiens le sourire qui monte à mes lèvres. Je veux garder un visage neutre. Pourquoi je n'aime pas Nolan ? Nos relations enfants ne devraient plus entrer en ligne de compte, surtout qu'il ne m'a jamais rien fait de mal. Il était juste trop imbu de lui-même... Je n'ai pourtant pas besoin de sonder mon corps et mes émotions pour savoir qu'il me met mal à l'aise.

— Je suis content de te rencontrer, je voulais t'envoyer un texto, mais je n'ai pas osé, m'indique-t-il.

Mes sourcils se froncent. Lui, pas osé de faire quelque chose ? Je l'aurais plutôt vu prendre sans donner... Je ne réponds pas, de toute façon, sa remarque ne demandait aucune réplique.

— Tu fais quoi ce soir ? m'interroge-t-il.

Ma bouche forme un O. Quoi ? Il doit percevoir ma surprise, puisqu'il reprend vite.

— Avec ma meute, on organise la première soirée du campus. C'est vendredi, t'es obligée de venir ! Et ne me dis pas que tu repars chez toi ce weekend, je ne te croirais pas puisqu'il est déjà plus de 18 heures et que pour te rendre du côté de Pau, tu aurais dû partir plus tôt. Donc, tu es libre ce soir !

Non, mais c'est quoi ce plan ? Depuis quand il décide pour moi ?

— Ce n'est pas parce que je ne rentre pas chez moi que je n'avais pas prévu des choses, répliqué-je.

Je comptais me faire une soirée Teen Wolf avec trois paquets de chips bien gras et du soda. Même si ce n'est que de la fiction – non, il est impossible qu'un humain devienne loup-garou après avoir été mordu, ça a été prouvé scientifiquement de long en large par toutes les communautés ! –, j'adore revoir cette série encore et encore !

Hors de question d'aller à... il a dit quoi déjà ? Une soirée ? La perspective m'enchante encore moins !

— Je te prends un peu de court, désolé, s'excuse-t-il.

Sa main passe dans ses cheveux pour les plaquer en arrière. Aimanté, j'observe ce geste viril. Mon cœur rate un battement. C'était quoi ça ? Je souffle pour chasser la mauvaise impression. Je suis fatiguée, ça doit venir de là.

— On a organisé ça à la va-vite à cause du mentorat, mais ne t'inquiète pas, nos soirées sont géniales. Boissons, nourritures, et musique pour se déhancher ! Ce sera un parfait moyen de se connaître. Pas mal de mentorés y participeront. Donc, tu ne seras pas qu'avec... des loups.

Comme il voit que je grimace, il rajoute :

— Et franchement, on est sympas !

— Ce n'est pas ce que j'ai insinué, grommelé-je. C'est juste que...

Je n'arrive pas à oser lui dire j'avais prévu une soirée en tête à tête avec Scott et Stiles*... Parce que c'est risible pour une guépard-garou d'apprécier ce genre de série gnan-gnan. Il en existe des cent fois plus réalistes, notre communauté possède ses propres acteurs et ses réalisateurs et produit de merveilleux films. En tout cas, si je le disais à quelqu'un qui connaissait mon origine, il se foutrait de moi...

Trouve une autre excuse, une autre excuse...

Nolan se mord la lèvre inférieure et me scrute, les sourcils arqués. On dirait presque qu'il me supplie du regard. Non, ce n'est que dans mon imagination.

— Olivier sera là, indique-t-il, comme si cette information allait me faire changer d'avis.

Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée. Si, bien sûr, nous appartenons à la même caste, mais c'est juste un ami, sans plus.

— Tu n'es pas obligée de rester longtemps, juste une heure ou deux. Tu peux prendre la température, et si ça ne te plait pas, tu rentres. En plus, ça se passe dans le campus, au dortoir du Ciel étoilé. Tu n'as rien à apporter, on gère tout !

Je pousse un long soupir, la tête vide d'arguments. Face à son air de chien éploré, je finis par hocher la tête. Oui, c'est juste pour ça. Rien que ça... Ce n'est surtout pas pour en savoir plus sur lui ou qui que ce soit...

— Super !

Il m'enlace en m'embrassant la joue, puis repart, la pluie s'étant interrompue pendant notre conversation. Ou je devrais plutôt dire, sa négociation.

— À partir de 21 heures au Ciel étoilé ! Si tu as la moindre hésitation, envoie-moi un texto ! me balance-t-il en marchant à reculons en terminant sa phrase d'un clin d'œil.

Je pourrais presque lever les yeux au ciel tant son attitude désinvolte m'agace. Mais peut-être que ça ne me ferait pas de mal de sociabiliser un peu... Je suis peut-être un monstre, mais ici, je ne suis entourée que de monstres. Pourquoi avoir peur de les blesser ?


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*Personnages principaux de Teen Wolf

Lune ArdenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant