Chapitre 67 : Nolan

16 2 0
                                    

Pourquoi je me justifie auprès d'une gamine de cinq ans ? Gabriel lève un sourcil, je détourne les talons, prêt à me tirer de cet endroit et cette situation gênante. C'était sans compter la pugnacité de mon frère. Il m'agrippe le coude et me ramène devant le stand.

— Ces pierres sur ce bracelet en argent iraient parfaitement à Jade ! commente-t-il.

C'est celui que j'observais depuis tout à l'heure. Il a l'oeil, le con !

— N'importe quoi, ce n'est pas pour elle !

— C'est pour Jade ? s'exclame Alice qui a tout entendu. Eh bien, moi aussi, je le trouve trop joli !

Je manque de soupirer. Ces deux-là semblent s'être ligués contre moi.

— Vraiment, ce n'est pas nécessaire. Jade et moi... on...

— Tu peux lui offrir en gage de paix ?

Là encore, Gabriel tape dans le mille, c'était tout à fait mon intention. Bien que les résultats d'une réconciliation doivent différer de lui à moi...

— Franchement, ne te prends pas trop la tête. Le bracelet n'est pas si cher, et puis, je suis sûr que ça lui ferait plaisir. Tu pourras lui offrir pour le réveillon du Nouvel An ?

— Pas certain qu'elle vienne... me renfrogné-je.

J'ai su de mon père qu'il l'avait invitée pour l'occasion. Je me réjouis comme je suis terrorisé de la revoir. Terrorisé qu'elle me mette un nouveau blanc.

— Vas-y, prends-le !

— Oui, vas-y, Nol !

Ça me fait rire d'entendre mon surnom de la bouche d'Alice, avec sa voix fluette. Comme Gabriel et moi nous appelons toujours de cette manière, elle a pris tout de suite le pli et en devient encore plus adorable. Je lui caresse le haut du crâne - enfin, le haut de son bonnet -, et me décide.

— Et si on faisait une pause ? propose Gabriel, après mon achat.

On se rend à un restaurant qui ressemble plutôt à un chalet gigantesque et dégustons des frites à la raclette ainsi que de nouveaux vins chauds pour Gab et moi, un soda pour Alice. Aujourd'hui, c'est relâche pour tout le monde ! Mais on s'en contrefiche : le moment que nous passons est précieux et peu importe ce que pourront en dire Éléonore ou notre père.

— Tu as réussi à parler avec Jade ?

Je vois tout à fait à quoi il fait allusion : les Constellations Éclatantes, ainsi que mes découvertes. Je secoue la tête. De toute manière, elle ne veut plus me parler, pourquoi tenterai-je ?

— Et toi ?

— J'ai préféré te laisser faire. C'est tout de même toi qui as trouvé tout ça.

— Ouais, mais tu sais aussi ce qu'il en est de nos relations...

— Fais un pas vers elle.

— Déjà fait !

Gab me fixe quelques instants avant de prendre une gorgée de sa boisson. Alice joue déjà avec un set de mini-tasses et théière que mon frère s'est empressé de lui acheter quand elle l'a amadouée avec sa moue mignonne. Oui, lui non plus a succombé au charme dévastatrice de notre soeur...

— Peut-être que ce n'est pas assez...

— Je ne comprends pas pourquoi tu veux absolument que je me rapproche de Jade.

— Parce que j'ai vu comment vous vous tourniez autour à ce concert, comment vous étiez heureux ensemble, comment tu t'es lâché sans réfléchir au lendemain ! C'est ce frère là que je veux retrouver ! Pas celui qui ploie sous des responsabilités qu'il n'a pas à supporter, juste parce que c'est notre héritage !

Je me crispe à ses paroles et m'apprête à répliquer, mais il me coupe d'une paume de main.

— Si vraiment, c'est ce que tu voulais, t'occuper de la meute, prendre les rênes après papa, je ne dirais rien. Je me tairais et te laisserais faire. Mais je te connais, peut-être plus que toi-même et je me rappelle de tes rêves passées, enfant, quand tu disais vouloir explorer le monde. Maman ne t'aurait jamais imposé ça.

— Oui, mais maman n'est plus là ! m'agacé-je.

— Tu veux vivre comme ça ? Pour les ambitions de notre père ? Et toi alors ? Combien de temps vas-tu pouvoir le supporter ? Je me rappelle très bien de ce qui s'est passé quand on était adolescent...

Bien sûr que Gabriel sait pour mes problèmes de métamorphose. Il les a vécus de plein fouet, avec mon irritabilité, ma violence, mon agressivité. Il est parti, un peu pour ça, et ç'en est excusé plus tard. Je ne lui en veux pourtant pas. J'ai été exécrable avec lui.

— Ça ne m'arrivera plus... c'est du passé tout ça...

— Je pense que tu devrais arrêter de te voiler la face. Jade est une fille géniale et vous deux, vous seriez parfaits l'un pour l'autre. Dommage que tu ne puisses pas le voir.

— Je ne peux pas tout abandonner pour elle...

— Je ne dis pas que c'est ça, la solution, mais donnez-vous une chance ! Vous le méritez, autant qu'elle que toi !

Je déglutis et regarde ailleurs. Je ne veux pas qu'il voit à quel point ses paroles me touchent.

Serai-je capable d'affronter ma meute, mon père, toute la communauté, en me mettant avec Jade ? Je n'en ai aucune idée, mais plus Gabriel en parle, plus je me dis que ce serait possible. La boite dans l'intérieur de mon blouson pèse dans ma poche.

Serai-je capable de m'écouter enfin ?

Lune ArdenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant