Chapitre 53 : Nolan

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Cette fois, j'en suis sûr, ça vient du fond vers la droite. Une lueur de compréhension me traverse. C'est l'un des sbires de Fen, qui attise la haine. Mes poings se serrent. L'enfoiré... Comme je ne suis pas certain à cent pour cent de son implication, je me tais.

— Qui a dit qu'on nous prenait pour des tueurs ? grondé-je.

— C'est évident ! répond une cinquième année, au premier rang. Les deux morts étaient un guépard et un lion. Pas besoin d'aller plus loin. Les autres espèces disent que c'est notre faute !

— D'accord, je ne vous ai pas donné une copie du compte-rendu de l'autopsie, mais le médecin légiste a été clair : la créature qui a tué ces deux individus n'était pas un loup-garou ! Donc, non, nous ne sommes pas sur la liste des potentiels assassins. Je veux que vous arrêtiez de véhiculer ces fausses rumeurs !

Les humeurs s'emballent, des voix s'élèvent, des cris fusent. La foule devient intenable. C'est un vrai fiasco... Je n'arrive plus à contenir ma meute... Je souffle pour retirer la pression au creux de mon ventre. Il n'est pas question que je jette un coup d'œil vers mes proches lieutenants. Déjà qu'Alec est intervenu une fois, je ne peux plus éviter de sévir.

J'inspire, puis j'expire, et me déplace pour me mettre au bord de la scène, mon micro dans la main.

— Silence ! tonné-je.

Tout le monde se tait et me fixe, les yeux agrandis, la main sur la bouche ou encore le visage pétrifié. J'ai dû envoyer un ordre d'alpha. Une tension émane de mon corps et, tels des fils, touche chacun des membres de ma meute. Je déteste abuser de mon pouvoir, mais ils devenaient ingérables. Je garde le silence pendant plusieurs minutes, tentant de capter le regard de chacun des loups. C'est d'une voix calme et apaisante que je reprends la parole.

— Il n'y aura pas de nouveau décès, tout simplement parce que vous agirez comme on nous l'a demandé. La course sera encadrée par l'Escouade. Elle se déroulera de minuit à cinq heures du matin. Chaque membre retournera à son dortoir par groupe. Aucun individu seul ! Il en va de notre sécurité à tous. Restons irréprochables. Nous ne sommes pas des assassins, nous ne l'avons pas jamais été. Prouvons-le, en montrant patte blanche, en leur dévoilant notre bonne foi. Et tout se passera bien. J'aimerais vous dire que cette situation ne durera pas. Malheureusement, vous savez, tout comme moi, que tant que le meurtrier ne sera pas attrapé, nous devrons subir ce confinement et ce couvre-feu. Moi aussi, j'aimerais retrouver ma liberté, tout comme vous. Ce n'est pas possible. Nous devons donc agir intelligemment. Merci d'être venus nombreux à cette réunion. Vous savez que ma porte vous sera toujours ouverte. Et nous organiserons une nouvelle rencontre dimanche prochain, avant la prochaine course.

Quand je termine de parler, mes membres se lèvent d'un seul bloc, l'esprit pas totalement apaisé, mais un peu plus serein. En tout cas, je l'espère.

Jeremy et Alec viennent me féliciter en tapotant mon épaule.

— Bien joué, alpha, ils se sont enfin calmés !

Je grogne un acquiescement : je déteste ce rôle de chef. Surtout, je hais abuser de mon pouvoir. Une lassitude m'étreint. Là, tout ce dont j'ai besoin, c'est d'aller m'allonger sur mon lit. Aujourd'hui, je ne vois pas Jade, ce serait trop risqué. En revanche, entendre sa voix me manque et je l'appellerai dès que je me retrouverai seul. Cette perspective me ragaillardit et j'accepte un peu mieux les louanges de mes camarades.

La meute met du temps à sortir de l'amphithéâtre, nous sommes tout de même plus de quatre-cent... Je patiente sur la scène.

— On va boire des coups ? propose Jeremy. On n'a plus le droit d'organiser des fêtes, mais dans nos dortoirs, on peut faire tout ce qu'on veut.

— Euh... je pense que je vais monter directement dans ma chambre, je suis épuisé.

— Tu viens, Lena ? demande Alec.

La blonde nous rejoint et se colle un peu trop à moi, à mon grand désespoir.

— Et qui me laissera dormir dans sa chambre pour ne pas enfreindre le couvre-feu ?

— Moi ! se propose mon ami.

Je sais qu'Alec est secrètement amoureux de Lena, sans pourtant le lui avoir avoué. Il ne s'est jamais déclaré, préférant fanfaronné, mais au fond, il n'attend qu'une chose : un pas de sa part. En attendant, il la suit comme son ombre. Enfin, quand elle l'accepte à ses côtés. C'est une fille plutôt capricieuse...

— On verra ! sourit-elle à son attention.

Et joueuse par la même occasion. Oui, elle apprécie qu'Alec se prosterne à ses pieds. Ses méthodes me débectent. J'ai tenté de le dire à mon frère, mais celui-ci m'a ignoré en haussant les épaules.

Je me détourne pour observer la foule quitter la salle et m'apprête à m'en aller moi aussi, mais une main me retient le bras. Lena. Je ne peux que lever les yeux au plafond, alors que je sens le regard d'Alec poser sur ma nuque, pendant qu'il accompagne Jeremy et les autres vers la sortie.

— Quoi ? m'irrité-je.

Je suis obligé de secouer mon membre pour qu'elle le lâche. Lena observe l'amphithéâtre se vider, en se plaçant proche de moi, sans plus me toucher. Puis, lorsque nous sommes seuls, son attention revient vers moi. J'avoue que ma patience à plus qu'atteint ses limites et j'ai bien envie de me tirer, mais elle ouvre la bouche à cet instant précis.

— Je sais pour toi et Jade.

Lune ArdenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant