Chapitre 52 : Nolan

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J'ai du mal à ne pas effacer le sourire qui monte sur mes lèvres à chaque fois que je quitte Jade. La semaine passée a été surréaliste. Alors qu'il y a encore dix jours, je m'interrogeais sur mes sentiments et sur mon désir de vouloir plus ou non avec elle, aujourd'hui, je n'ai qu'une seule idée en tête : trouver une nouvelle manière de la rencontrer, la voir, l'embrasser de façon furtive ou non, passer un petit moment ensemble, puis repartir.

Je ne pensais pas que sortir avec elle serait aussi exaltant. Peut-être le secret autour de cette relation ? Ou encore le fait qu'elle soit l'interdit que je ne dois pas franchir ? Ou tout simplement parce que c'est Jade... En début d'année, je savais qu'elle hanterait mes pensées, elle le faisait déjà avant même d'être là, mais désormais, c'est constant.

À chaque pause, je m'ingénie à chercher un moment, une situation pour la retrouver. J'y arrive avec plus ou moins de succès, en restant le plus discret possible. Ma meute ne doit pas être au courant. Et si ça remontait jusqu'aux oreilles de mon père... Je n'ose même pas y penser. Gabriel ne me trahira pas. J'ai bien vu qu'il n'acceptait pas bien cette relation. Peut-être un peu par jalousie, mais surtout, par la peur de me mettre en danger pour rien. En effet, pour voir Jade, je serais prêt à beaucoup de choses, beaucoup trop.

Elle m'interdit de la venir le soir, après le couvre-feu, pourtant, j'ai été tenté de nombreuses fois. Pour l'instant, nous passons simplement la soirée à s'envoyer des textos ou à s'appeler. Et nous discutons pendant des heures, jusqu'à nous endormir. Parfois même, nous laissons le téléphone allumé et travaillons chacun de notre côté. Savoir que l'autre étudie dans son coin, nous aide à surmonter ce confinement forcé. J'entends les pages se tourner, le clavier qu'elle malmène alors qu'elle tape des lignes sur son dossier, ses soupirs d'exaspération ou bien, ses petits tics de langage quand elle trouve un sujet qui l'intéresse ou une nouvelle idée. J'adore ces moments-là. Même si elle se trouve un kilomètre de moi, je ressens tout, ses réussites, ses échecs.

Quant à nos journées, je profite souvent des déjeuners pour la retrouver à la bibliothèque, et à chaque fois, nous réussissons à nous enfermer dans une salle, où là, la productivité est loin d'être notre priorité. Nos baisers enflammés me frustrent, j'aimerais tellement plus. Mais pour la première fois, je veux y aller doucement, je souhaite suivre notre rythme. Je vis une lente agonie, surtout quand elle se frotte contre mon entrejambe ou qu'elle le caresse à travers mon jeans, mais nous ne sommes pas allés plus loin que ces attouchements. J'ai hâte. Peut-être réussirais-je à convaincre mon père de l'inviter à nouveau au manoir et cette fois... malgré le danger qu'il nous surprenne, nous pourrions avoir le champ plus libre. En tout cas, nous ne subirions pas autant de pression avec ces règles.

Parfois, je me demande si elles ont vraiment pertinentes. Je n'oublie pas les décès, mais mon instinct désire sa liberté. Comme tous les membres de ma meute.

D'ailleurs, c'est jour de réunion. Cette fois, j'ai dû réserver l'amphithéâtre, car beaucoup de monde souhaitaient venir – quasiment tous les loups-garous de la Wolf Academy.

Je me tiens derrière le pupitre, au milieu de la scène, et écoute les lamentations de mes frères. Un micro passe de membre en membre et je réponds à chaque question, sans montrer une once d'hésitation, bien qu'au fond, je n'en puisse plus. Voient-ils de leur place la sueur qui perle mon front ? Mes mains fébriles ? Mes paumes moites ? Non... ils ne remarquent rien... Parce qu'ils ne pensent qu'à eux. En tant qu'alpha, je dois tout assumer.

Mes plus proches loups restent avec moi, sur l'estrade : Jeremy, Alec, Lena, Clara, même Asia et deux, trois autres. Je n'ai pas créé de cercle intime, comme Fen, l'ancien alpha, mais je sais qu'ils sont mes plus vaillants défenseurs. Les placer à cette position me semblait important. Ils m'entourent, assis sur des chaises, alors que je me tiens debout.

— Comment va se dérouler la prochaine course ? demande une troisième année.

— Comme je l'ai déjà répété, ça se passera comme d'habitude, seulement, nous serons encadrés par l'Escouade de la Nouvelle Lune.

— C'est n'importe quoi, lance une voix dans le fond.

D'autres cris s'élèvent. Je crois percevoir ce qu'il se dit, j'abaisse mes paumes vers le bas pour calmer le public.

— Oui, je sais, ce sont des garous comme nous, et ils se métamorphoseront, de la même manière. Mais ils sont bien plus entraînés et pourront réagir en cas de danger.

— Depuis quand on demande à des garous de nous superviser ? s'indigne un individu que je peine à reconnaître.

— Nous n'avons pas besoin de ça ! s'exclame un autre.

Je pousse un soupir d'exaspération. Alec se lève pour se mettre à mon niveau et prendre le micro pour parler à ma place.

— S'il vous plait, un peu de silence. Teddy, Carl, taisez-vous ! Et Violaine, calme-toi !

Le ton dur et ferme de mon frère les apaise peu à peu. Il me laisse de nouveau parler, sous le silence de l'amphithéâtre revenu. J'aurais pu user de mon pouvoir pour les faire taire, mais l'intervention d'Alec était bienvenue. Ça évite certaines grognes.

— Je comprends vos craintes, mais n'oublions pas que deux morts sont à déplorer. Nous n'avons pas encore trouvé l'assassin et il n'est pas question qu'un nouveau décès se produise. Auquel cas, vous connaissez la suite. L'université devra fermer ses portes pour un temps indéterminé. Et c'est tout ce que nous ne voulons pas aujourd'hui. Je sais qu'on vous demande beaucoup, que vous avez du mal à vivre ce confinement. Pour moi aussi, c'est compliqué...

— Dixit le gars qui peut rentrer dans son manoir quand il veut ! balance une voix.

Je ne vois pas d'où ça vient. Sa remarque me cingle. Oui, c'est l'un des problèmes. Grâce au manoir et à son domaine, je peux m'éclipser tandis que les autres ne profitent pas du même luxe que moi. Et bien que je sois rarement retourné chez moi, pour ces raisons aussi, j'en ai la possibilité, ce qui fait toute la différence. Malheureusement, il ne m'est pas possible d'inviter ma meute, Éléonore, la première, en ferait une syncope...

— Je vous promets de trouver une solution pour alléger notre prochaine course. L'Escouade nous protégera.

— Tu veux dire qu'ils nous surveillent ! Ils nous prennent pour des tueurs !

Lune ArdenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant